Pause-café

Tout a commencé en 2003, quand la cafétéria du secteur 2 de psychiatrie de l'hôpital de Saint-Nazaire a menacé de fermer. Le Phare, une association de soignants et de soignés, envisage alors de mettre en place un autre lieu, hors de l'hôpital, pour que ses adhérents continuent de se rencontrer dans un espace non médicalisé. Les membres du Phare s'aperçoivent qu'ils ne pourront prendre en charge à eux seuls l'organisation d'un café et entrent en relation avec les deux autres associations de secteur, Air et La Couronne, ainsi qu'avec une association de familles, Pas à pas.

Circulaire bienvenue

Le projet de café associatif avance, mais les subventions envisageables ne sont pas suffisamment élevées pour qu'il puisse voir le jour. La circulaire du 29 août 2005 relative au conventionnement et au financement des groupes d'entraide mutuelle (GEM) de personnes souffrant d'un trouble psychique donne un coup d'accélérateur. Le GEM « Les Quatre As' », association d'usagers, obtient son agrément en décembre 2005.

En ville

Le conseil d'administration se constitue, recrute deux employés, loue un local et se met en lien avec l'ADMR. Cette association d'aide à domicile assure le contrôle de la gestion du GEM via un comité de pilotage. Le café associatif, qui avait été pensé pendant deux ans, peut ouvrir dès janvier 2006, au premier étage d'un immeuble. Jean-Yves Téréné, infirmier de secteur psychiatrique et alors président du Phare, résume la philosophie du GEM de Saint-Nazaire : « Les soignés étaient partie prenante depuis le début. Ils ont réalisé l'ensemble des démarches pour créer l'association et le café. Nous étions là, et c'est toujours le cas maintenant, pour les épauler en cas de besoin et pour les rassurer. À présent, quand nous venons, c'est en tant qu'adhérents, comme citoyens et non en tant que soignants. »

Fin mai 2007, le café des Quatre As' déménage dans un rez-de-chaussée, à deux pas du centre-ville. Lors de l'élaboration du projet, les usagers ont insisté pour que le lieu ouvre le samedi. Pour les personnes souffrant d'un trouble psychique, le week-end est une période difficile à passer, avec la fermeture des structures d'aide et de soin. Le café du GEM ouvre donc trois demi-journées par semaine : mardi, jeudi et samedi. Les bénévoles sont au moins deux pour assurer le service et une des coordinatrices reste toujours présente lors des horaires d'ouverture.

Lieu coloré

L'aménagement du lieu a été entièrement décidé par les adhérents et a suscité nombre de discussions. Un rouge audacieux a été choisi pour habiller le comptoir et les placards de la cuisine. Le planning complexe et détaillé du mois est placardé près du bar. L'organisation reste souple et peut prendre en compte les baisses de régime, les rechutes des bénévoles. L'essentiel est de garder une régularité. Les personnes qui assurent le service portent leur prénom sur un badge. Les adhérents du GEM payent 5 euros par an, puis une somme modique pour chaque consommation. Ils redeviennent des clients, qui se retrouvent dans un endroit protégé des agressions qu'ils peuvent redouter.

Le café ne sert pas d'alcool, mais propose des petites douceurs. Les habitués raffolent des glaces et les bénévoles prennent un plaisir évident à composer d'appétissantes coupes, presque aussi colorées que le bar. Quand de nouvelles têtes passent la porte du café, les personnes qui s'occupent du service vont vers elles avec simplicité et leur expliquent le fonctionnement du lieu.

Chacun ses secrets

« On sent comment arrivent les gens, explique Arlette Guihard, la présidente de l'association. Nous avons une faille en commun, même si chacun a son histoire. Et nous gardons nos secrets pour nous. On ne juge pas, on écoute. Nous parlons d'autre chose. Nous trouvons le moyen de réconforter les autres. Ici, les gens sentent qu'il y a une bonne ambiance, qu'on s'entend bien. Ils repartent avec le sourire et non pas avec une ordonnance. Et quand une personne s'appesantit trop sur sa souffrance, on passe à un autre sujet. On peut aussi lui suggérer de retourner voir quelqu'un. »

Après chaque permanence, les hôtes font un point avec la coordinatrice. Cela permet de mettre en mots des épisodes qui ont pu être difficiles. Le tact et la sensibilité avec lesquels les bénévoles reçoivent les consommateurs du café pourraient, autrement, à certaines occasions, se retourner contre eux. Les bénévoles du GEM repartent avec la satisfaction d'avoir été utiles, d'avoir partagé un moment intense et d'avoir leur place dans la société et dans la ville. Comme le résume la présidente : « C'est important pour nous de nous retrouver dans un lieu où l'on prend soin des autres et non pas dans un lieu de soins. »