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L'Infirmière Magazine n° 242 du 01/10/2008

 

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Horizons

Depuis février dernier, les puéricultrices et psychologues d'Allo Parents Bébé apportent, au téléphone, une écoute anonyme et gratuite aux jeunes parents, les conseillent et les orientent dans la relation avec leur enfant.

L'arrivée d'un bébé ne ressemble pas à un spot publicitaire pour du lait infantile ! Séjours à la maternité de plus en plus courts, cellule familiale éclatée, pression sociale liée à l'image idyllique de la maternité... De nombreux facteurs peuvent contribuer à l'inquiétude des nouveaux parents. Depuis son lancement, en février dernier par l'association Enfance et partage, le numéro vert d'Allo Parents Bébé (1) a traité plus de 2 500 appels provenant presque tous de jeunes mères fragilisées par l'arrivée d'un bébé dans leur vie ou dans leur couple. Dans 53 % des cas, elles sont primipares et leur bébé est âgé de moins de 3 mois (2).

Contrer l'isolement

« Une fois à la maison, les mamans se trouvent face à un vide, ne sachant où s'adresser en cas de difficulté », explique Sylvie Hocher, déléguée du comité local d'Enfance et partage de Quimper et ancien cadre supérieur du service de pédopsychiatrie du centre hospitalier du Rouvray (Rouen). « C'est de ce constat d'isolement unanimement partagé par les professionnels - psychologues de maternité, experts auprès des tribunaux - invités au colloque que j'avais organisé sur le thème de la protection du tout-petit en 2004, qu'est née l'idée de mettre en place une ligne d'écoute, d'aide et de soutien à la relation parents-enfants. »

De l'examen de sa faisabilité à son financement et sa pérennisation, trois années ont été nécessaires pour faire aboutir le projet Allo Parents Bébé. Françoise Rosenblatt, chargée de mission (3), a recruté les dix salariées de l'équipe d'écoutantes d'Allo Parents Bébé qui se relaient pour répondre aux appels : « Quatre psychologues et six puéricultrices qui ont une connaissance parfaite des services de maternité, de néonatalogie et de la petite enfance », explique-t-elle. Annick Jouan (4), aujourd'hui formatrice en relation d'aide au téléphone, a ensuite pris le relais pour leur formation.

Il est 17 heures et les quatre lignes téléphoniques lancent le concert de sonneries de l'après-midi, qui durera jusqu'à 21 heures. Julia, l'une des psychologues de l'équipe d'écoutantes, décroche et accueille d'une voix posée et chaleureuse la maman d'un bébé de 3 mois « qui tète douze fois par jours ». Elle s'inquiète de la fréquence de ces tétées. Julia écoute, prend quelques notes, pose des questions, propose des solutions et l'adresse d'un pédiatre proche du domicile de son interlocutrice. « Ce sont les trois missions fondamentales d'Allo Parents Bébé, précise t-elle : écouter, conseiller, orienter. Sans a priori, sans jugement ni discours moralisateur. »

Sur tout le territoire

Une écoute attentive et personnalisée qui s'adresse aux parents dès la grossesse et jusqu'aux 2 ans de l'enfant, mais aussi à toutes les personnes en relation avec l'enfant (grands-parents, nourrices...). L'équipe répond aux questions des parents inquiets. Puis les oriente, si nécessaire, vers des professionnels ou des structures de la santé et de la petite enfance (PMI, maternité, associations...), grâce à une base de données qui couvre tout le territoire. « Une orientation qui peut s'avérer essentielle pour permettre aux personnes d'être soutenues près de chez elles et pouvoir commencer un vrai travail d'accompagnement et d'aide », poursuit Julia.

Demandes cachées

Le rôle d'Allo Parents Bébé n'est pas de se substituer aux professionnels de la santé et de la petite enfance, mais de proposer « un outil complémentaire du réseau déjà existant, un maillon de plus dans la chaîne de soutien à la relation parents-bébé », précise Brigitte Audras, membre du comité de pilotage Allo Parents Bébé, et ancien pédiatre de PMI. La plupart des parents qui appellent le numéro d'écoute sont déjà en relation avec un réseau de professionnels près de chez eux. « Mais ils n'osent pas toujours se tourner vers les structures adaptées pour poser leurs questions, même les plus banales, ou faire part de leurs inquiétudes », constate Françoise Rosenblatt. Par peur d'être jugés, dans une société où l'on considère qu'être parent va de soi. « D'où l'intérêt d'un numéro anonyme, sans le regard de l'autre. Cela déculpabilise les personnes qui appellent », explique Christian Gautier, président d'Enfance et partage.

La grande majorité des appels (75 à 80 %) recouvre trois grands thèmes : l'allaitement, l'alimentation et les troubles digestifs du bébé ; ses pleurs et son sommeil ; et la fatigue de la mère, du baby blues aux dépressions plus lourdes.

Les 20 à 25 % restants sont de véritables appels de détresse, des SOS de parents dépassés par l'arrivée d'un bébé dans leur vie. « Très souvent, raconte Julia, les mamans téléphonent pour poser une question concrète et pratique de puériculture... et au fil de la conversation, elles abordent d'autres problèmes : un mari qui travaille trop et n'est presque pas là, l'entourage qui ne prend pas le relais, une immense fatigue, le sentiment de mal faire, de ne pas être à la hauteur. En fait, derrière la première question se cache une autre demande, une demande d'aide et d'accompagnement. »

Le plus tôt possible

C'est là toute la subtilité du travail d'écoutant : « Savoir dépasser la première demande pour être dans la demande réelle, explique Annick Jouan. Cela requiert beaucoup d'expérience. » Car la relation d'aide au téléphone est un exercice particulier, difficile, périlleux. « D'abord parce qu'au téléphone, il n'y a qu'une voix, poursuit-elle. Il manque des informations telles que l'âge, les expressions, la gestuelle de la personne. Ensuite, parce que la demande est très forte et assez urgente. La personne ne rappellera pas. Il arrive qu'elle soit agressive. Il faut être en mesure d'appréhender une situation et de répondre à la demande à ce moment-là. »

Le rôle premier des écoutantes est donc d'encourager les « appelants » à parler de la situation vécue ou constatée, de favoriser le dialogue afin de dédramatiser une situation tendue, parfois difficile à exprimer, de déceler d'éventuels symptômes de fragilité de la fonction parentale, de repérer les signes de débordement qui pourraient affecter les premières relations entre les parents et leur bébé. Car, souligne Christian Gautier, « intervenir dès l'apparition des premières difficultés liées à la naissance et à l'apprentissage d'une nouvelle vie avec un bébé, c'est un axe majeur de la prévention de la maltraitance envers les enfants ».

Prévention

Fort de son succès, Allo Parents Bébé recherche des soutiens financiers complémentaires pour étendre ses plages horaires, notamment le week-end. Et poursuit le développement de son travail d'information auprès de tous les acteurs en contact avec les femmes enceintes et les familles : maternités, cabinets médicaux, pharmacies, organismes publics, collectivités, PMI, assurance-maladie, Allocations familiales, associations...

1- Allo Parents Bébé est un numéro vert (0 800 00 34 56) anonyme, gratuit et disponible dans toute la France métropolitaine et les Dom-Tom. L'équipe est à l'écoute du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 17 heures à 21 heures.

Internet : http://www.alloparentsbebe.org.

2- Les autres appelants sont de jeunes pères, des membres de l'entourage du couple, ou l'une des grands-mères du bébé. Et 4 % des appels concernent les femmes enceintes.

3- Cadre de santé, ex-directrice des rédactions de L'Infirmière magazine et Objectif soins.

4- Annick Jouan a fondé L'Infirmière magazine.

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Enfance et partage

Depuis trente ans, l'association Enfance et partage se bat pour la reconnaissance, la promotion et la défense des droits de l'enfant en France et dans le monde et lutte pour le protéger de toutes les formes de maltraitance : physique, psychologique ou sexuelle.

Les principales missions de l'association s'articulent autour de l'écoute, du soutien et du conseil aux enfants victimes : accompagnement psychologique, aide juridique, constitution de partie civile à leurs côtés, administrateurs ad hoc.

En chiffres

> 1 mère sur 2 est inquiète de ne pas savoir pourquoi son bébé pleure, ou de ne pas avoir les bons réflexes en cas d'urgence.

> 1 mère sur 4 est inquiète à l'idée de ne pas rester calme face aux pleurs de son bébé ou se sent souvent désemparée face aux réactions de son bébé. Parmi ces mamans, 1 mère sur 5 (soit près de 50 000 femmes) ignore qui solliciter pour faire face aux réactions et au comportement de son bébé et à ses propres sentiments.

Source : étude TNS-Sofres pour Enfance et partage, janvier 2008.