Grippe et antibiotiques - L'Infirmière Magazine n° 243 du 01/11/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 243 du 01/11/2008

 

santé publique

Conduites à tenir

En cas de surinfection bactérienne provoquée par la maladie, un traitement par antibiotiques peut être nécessaire... mais certainement pas automatique.

La grippe est une maladie virale. Or, les virus sont insensibles aux antibiotiques. La prescription d'antibiotiques est donc inutile pour réduire les troubles directement liés au virus grippal. Cependant, au-delà des signes propres à l'infection qu'il déclenche, le virus de la grippe perturbe les défenses immunitaires et, après plusieurs jours d'évolution, favorise l'apparition d'infections virales et bactériennes supplémentaires.

En cas de surinfection bactérienne, un traitement antibiotique est souvent nécessaire. Toutes les recommandations émises à partir des données de la science sont formelles : il n'a jamais été démontré que l'administration préventive d'antibiotiques prévenait la surinfection bactérienne. Par conséquent, il ne faut donner des antibiotiques que lorsqu'il y a surinfection bactérienne confirmée, plusieurs jours après le début de la grippe.

PRESCRIPTION ABUSIVE

En France, la prescription à grande échelle d'antibiotiques dans la prise en charge de la grippe reste une attitude fréquente et pose un problème à la fois écologique et économique. Avec 80 millions de prescriptions par an en médecine de ville, la France est l'un des pays d'Europe où l'on consomme le plus d'antibiotiques. Dans notre pays, les infections d'origine virale représentent 36 % des prescriptions d'antibiotiques et l'évolution de leurs ventes suit les mêmes tendances que celles des épidémies de grippe. La prescription excessive et inadaptée d'antibiotiques entraîne un surcoût inefficace des dépenses de santé (l'ajout d'un antibiotique double le coût de l'ordonnance en cas de grippe) et, surtout, favorise l'émergence préoccupante de phénomènes de résistance bactérienne.

En effet, les antibiotiques jouent un rôle majeur dans la sélection et la diffusion des souches de bactéries résistantes. Il semble bien démontré que l'antibiothérapie prescrite en ambulatoire serait, elle aussi, capable de sélectionner puis de faciliter la diffusion de souches résistantes. Les souches sauvages sélectionnées en ville sont nombreuses. Les exemples habituellement cités sont les Escherichia coli résistants à l'amoxicilline, les pneumocoques résistants à la pénicilline ou de sensibilité diminuée à cet antibiotique.

INTERACTIONS ENTRE GRIPPE ET BACTÉRIES

En milieu hospitalier, en dehors des épidémies nosocomiales, les malades sont habituellement admis au stade des complications. La grippe favorise l'apparition de surinfections bactériennes. De nombreuses observations épidémiologiques et cliniques montrent qu'il existe des interactions entre les infections virales et bactériennes. Dans la majorité des cas, l'infection virale précède et potentialise l'infection bactérienne. Ainsi, au cours des épidémies de grippe de 1918, 1957 et 1968, on a rapporté une augmentation importante de l'incidence des pneumonies bactériennes.

Chez l'enfant, une étude menée sur l'étiologie des pneumonies bactériennes a montré que 20 % des enfants avec une infection bactérienne avaient au préalable contracté une infection virale. Plus récemment, une étiologie virale a été identifiée chez 41 % des enfants souffrant d'otite aiguë moyenne. Enfin, l'effet bénéfique de la vaccination contre la grippe est un argument indirect : une diminution de 36 % de l'incidence des otites chez l'enfant et de 52 % des hospitalisations pour pneumonies chez les personnes âgées atteintes de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) a été observée grâce à cette vaccination.

Les mécanismes qui permettent à une infection virale de favoriser une infection bactérienne sont multiples : modification des fonctions de l'épithélium respiratoire par la destruction des cils et des cellules caliciformes productrices de mucus ; augmentation de l'adhérence et de la colonisation bactérienne, interférence avec le système immunitaire. Ces mécanismes ont été essentiellement évalués sur des modèles expérimentaux. Inversement, il est possible qu'une infection bactérienne favorise une infection virale. En effet, certaines protéases bactériennes sont capables d'activer l'hémagglutinine de la grippe.

LEUCOCIDINE DE PANTON-VALENTINE

La pneumonie nécrosante staphylococcique associée aux souches productrices de leucocidine de Panton-Valentine (PVL) est une complication rare mais grave. Produite par Staphylococcus aureus, la PVL est une cytotoxine capable de détruire les leucocytes et d'induire une nécrose tissulaire.

Les souches de S. aureus productrices de PVL sont classiquement associées à la survenue d'infections cutanées primitives telles que les furoncles. L'analyse des observations colligées au Centre national de référence des staphylocoques a permis de montrer que ces souches étaient aussi associées à la survenue d'une nouvelle entité clinique appelée la pneumonie nécrosante staphylococcique.

Celle-ci touche principalement les enfants et les jeunes adultes, sans antécédent particulier. Dans la moitié des cas, la pneumonie est précédée d'un syndrome grippal. Une pneumonie sévère et progressant rapidement survient, avec :

- détresse respiratoire,

- atteinte pleurale,

- leucopénie,

- hémoptysie.

La mortalité est très lourde (70 %) malgré une antibiothérapie adaptée.

Le virus grippal est capable de créer des lésions pulmonaires permettant la fixation de S. aureus à la muqueuse respiratoire, puis la sécrétion de toxine. Alors que la PVL était jusqu'à présent produite par moins de 3 % des souches de Staphylococcus aureus, les clones de S. aureus résistants à la méticilline qui diffusent actuellement de façon épidémique dans la communauté produisent cette toxine, augmentant ainsi le risque de survenue de pneumonies nécrosantes staphylococciques.