L'arrêt des benzodiazépines - L'Infirmière Magazine n° 244 du 01/12/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 244 du 01/12/2008

 

pharmacologie

Conduites à tenir

Les benzodiazépines sont d'une grande utilité comme anxiolytiques ou comme somnifères. Néanmoins, dans le cadre de l'arrêt du traitement, un sevrage progressif et soumis à un suivi régulier est souvent nécessaire.

PROPRIÉTÉS

Les benzodiazépines ont comme propriétés communes, à des degrés variables, d'être anxiolytiques, myorelaxantes, somnifères, amnésiantes et anticonvulsivantes.

INDICATIONS

Le traitement par benzodiazépines doit être une indication médicale réfléchie et qui s'inscrit dans une prise en charge globale des troubles anxieux.

PRODUITS

- Benzodiazépines anxiolytiques : Lexomil®, Lysanxia®, Nordaz®, Seresta®, Temesta®, Tranxene®, Urbanyl®, Valium®, Xanax®.

- Benzodiazépines hypnotiques : Halcion®, Havlane®, Mogadon®, Noctamide®, Normison®, Nuctalon®, Rohypnol®.

- Hypnotiques apparentés aux benzodiazépines : Imovane®, Stilnox®.

EFFETS SECONDAIRES

L'apparition des effets nocifs est fonction des doses utilisées, de la durée du traitement, des antécédents d'alcoolisme ou de pharmacodépendance du patient. Dans le cadre d'une posologie standard, le risque de dépendance devient important après un an de consommation régulière. L'arrêt des benzodiazépines peut être suivi d'un syndrome de sevrage.

La tolérance à l'action anxiolytique conduit le patient à augmenter les doses ainsi que le nombre de prises. Les principaux effets secondaires sont : sédation (attention aux conducteurs, notamment de plus de 65 ans), dépression respiratoire, hypotension ; chutes liées à l'effet myorelaxant, altération des performances psycho-motrices ; troubles de la mémoire, désorientation ; effets paradoxaux : irritabilité, agressivité, manie, bouffée délirante.

PROTOCOLE D'ARRÊT

Il n'y a pas de traitement substitutif lors de l'arrêt des benzodiazépines. L'arrêt progressif, dans le cadre d'un suivi médical, permet de ne pas altérer la qualité de vie.

Durée du traitement

L'arrêt doit toujours être progressif et adapté. Le plus souvent, il est réalisé en 4 à 10 semaines. Cette durée peut être augmentée jusqu'à plusieurs mois pour les patients qui les utilisent depuis longtemps ou qui reçoivent des posologies élevées.

Modalités d'arrêt

La diminution est de 10 % tous les trois jours pour la première semaine. La diminution est ensuite de 25 % chaque semaine dans le cas d'un arrêt sur 4 à 10 semaines.

La vitesse de diminution et le nombre de semaines de traitement seront adaptés chez certains patients (échecs de tentatives d'arrêt antérieures, démence, surconsommation régulière d'alcool, dépression caractérisée, insomnie chronique, troubles anxieux caractérisés).

Arrêt en milieu hospitalier

Une hospitalisation peut être le moment adéquat pour proposer au patient un arrêt de la consommation de benzodiazépines, sous surveillance rapprochée.

D'autre part, une hospitalisation spécifique pour réaliser l'arrêt des benzodiazépines peut être nécessaire lorsque le patient présente plusieurs facteurs de risque d'échec ou justifie une prise en charge spécialisée.

TRAITEMENTS ASSOCIÉS

Thérapie non-médicamenteuse

Quand elle est associée à l'arrêt progressif des benzodiazépines, la psychothérapie favorise l'arrêt ou la diminution de la consommation de benzodiazépines.

Passage par une autre benzodiazépine de demi-vie longue

Il s'agit de remplacer la benzodiazépine, par exemple par du diazépam en gouttes, médicament pour lequel le syndrome de sevrage est plus tardif et moins intense. La diminution progressive du dosage (décroissance posologique) se fera donc plus aisément.

Autres

Un bêtabloquant est utilisé lorsque l'anxiété est associée à une tachycardie.

Les plantes sédatives (passiflore, valériane, aubépine, etc.) peuvent représenter un soutien dans l'aide au sevrage des benzodiazépines et apparentés.

SURVEILLANCE INFIRMIÈRE

Le but du sevrage est d'obtenir une abstinence totale à long terme.

Prise en charge du sevrage

Évaluation du degré « d'attachement » aux benzodiazépines. Elle se fait à l'aide de l'échelle cognitive d'attachement aux benzodiazépines. Il s'agit d'un questionnaire (voir tableau ci-contre) constitué de dix situations cotées 1 ou 0. Les questions concernent l'attitude du patient vis-à-vis de ses médicaments anxiolytiques ou somnifères.

Évaluer les facteurs d'échec de l'arrêt des benzodiazépines. L'arrêt du traitement va impliquer une remise en cause du mode de vie du patient. Il faut donc insister auprès de lui pour qu'il prenne conscience des avantages et des risques liés à l'arrêt de son somnifère ou de son anxiolytique.

Il existe des risques de troubles plus sévères chez les patients utilisant des posologies élevées, ou qui sont traités depuis longtemps. L'existence de troubles paniques, de troubles obsessionnels compulsifs, d'anxiété, d'insomnie sévère ou d'une dépression associée favorise l'apparition de troubles.

La prise concomitante de plusieurs psychotropes et la consommation d'alcool pendant la phase d'arrêt augmentent le risque de reprise des benzodiazépines.

Renforcer la motivation du patient :

- L'infirmière doit être à l'écoute du patient pendant la réduction de dose. Elle doit encourager le patient à avoir une attitude positive vis-à-vis de la diminution posologique.

- La disparition habituelle des troubles se fait en 2 à 6 semaines, mais ils peuvent se prolonger sur plus de 6 mois avec des fluctuations d'intensité.

- Il faut encourager le patient à accepter un accompagnement psychologique de soutien.

- Si le protocole d'arrêt échoue, il faut rassurer le patient et lui proposer de recommencer ultérieurement, après évaluation des raisons de l'échec avec son médecin.

- Le patient va tenir à jour un agenda de décroissance posologique et relever les symptômes inhabituels.

Recherche des troubles consécutifs à l'arrêt

L'arrêt des benzodiazépines peut entraîner un rebond anxieux, un syndrome de sevrage ou une rechute.

Dépister le syndrome de sevrage. En cas d'arrêt brutal accidentel ou non (oubli, hospitalisation, etc.), il existe un risque de développer un syndrome de sevrage. La sévérité et la durée des troubles varient en fonction du patient, du type de benzodiazépine et de la vitesse de décroissance de la posologie.

Délai et fréquence d'apparition après l'arrêt. Le délai d'apparition des troubles est variable en fonction de la demi-vie du produit. Il apparaît dans la journée ou les deux jours suivants pour les benzodiazépines à demi-vie courte ou intermédiaire. Il est de 7 à 10 jours après l'arrêt pour les benzodiazépines à demi-vie longue, ce qui rend ce syndrome moins repérable.

Le risque de syndrome de sevrage est rare pour une utilisation de 4 mois à un an, et il a une fréquence d'apparition de 25 % à 50 % pour une utilisation au-delà d'un an.

Signes physiques. Le risque majeur est la survenue d'une crise comitale pouvant engager le pronostic vital du patient.

Les signes physiques de l'état de manque sont : céphalées et vertiges, douleur et faiblesse musculaires, tremblements, hypersensibilité au bruit et à la lumière, paresthésies. On observe des troubles digestifs : anorexie, nausées et vomissements, sueurs, diarrhée, dysgueusie (impression de goût métallique).

Signes psychiques. Les signes psychiques de l'état de manque sont l'anxiété, l'irritabilité, les insomnies, des cauchemars, une nervosité avec agitation. Plus rarement, il peut apparaître des changements d'humeur, une dépression, une confusion avec dépersonnalisation et désorientation, parfois des illusions préceptives.

Effet rebond. Il s'agit de la réapparition des signes antérieurs ayant motivé la prescription et dont l'intensité est augmentée. Ils réapparaissent à l'arrêt d'un traitement trop bref et à posologie élevée.

Le syndrome de sevrage et l'effet rebond possèdent des symptômes similaires, comme l'anxiété ou les troubles du sommeil. Il est difficile de faire la différence entre les deux.

Correction des troubles. Quand ils surviennent lors de la phase de décroissance, le palier posologique antérieur sera repris, puis la décroissance se fera plus progressivement.

S'ils apparaissent après l'arrêt complet des benzodiazépines, le patient ne doit surtout pas les reprendre. Le soutien psychologique permet d'attendre la fin de l'effet rebond en fin de sevrage.

Devant la persistance ou l'importance des troubles, une réévaluation sera faite par le médecin pour une prise en charge spécifique des troubles associés (dépression, anxiété, insomnie avérée).

Suivi après l'arrêt de benzodiazépines

Le suivi par des consultations rapprochées est indispensable.

Déroulement de la consultation. La consultation permet de rechercher les symptômes liés à l'arrêt et d'identifier d'éventuels troubles anxieux ou dépressifs. Le médecin va évaluer l'adhésion au protocole d'arrêt. Il sera recherché une augmentation de la consommation d'alcool et de tabac ou d'autres substances psychotropes.

Au cours de l'arrêt. La première consultation de suivi est réalisée une semaine après la première diminution de dose, puis à chaque diminution, soit toutes les 2 à 4 semaines.

À court terme après l'arrêt. Pour les patients qui ont réussi à arrêter la benzodiazépine, il est recommandé une consultation au cours des 3 à 7 jours après la dernière prise afin d'évaluer les symptômes liés à l'arrêt. Le patient sera informé sur les risques de rebond d'insomnie ou d'anxiété (nature, explication de l'origine, durée potentielle).

À moyen terme. Un suivi régulier sera instauré durant les 6 premiers mois qui suivent l'arrêt.

CONSEILS AU PATIENT

- Le patient est prévenu du risque de dépendance. Il doit savoir qu'il faudra diminuer progressivement les doses en fin de traitement.

- Chez tout patient âgé sous somnifère de la famille des benzodiazépines ou apparentée depuis plus de 30 jours, ou anxiolytique depuis 3 mois, il est recommandé d'arrêter ces médicaments.

- Il est utile que le patient ait la possibilité d'avoir un contact téléphonique avec le médecin ou le service où le sevrage s'est déroulé.

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