La responsabilité pénale - L'Infirmière Magazine n° 244 du 01/12/2008 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 244 du 01/12/2008

 

Professionnels de santé

Juridique

En cas de dommages sur la santé ou la vie d'un patient, les soignants peuvent voir leur responsabilité engagée devant les tribunaux, et encourent parfois des peines de prison.

Début octobre, dans la drôme, un médecin du samu a été placé en garde à vue, puis présenté devant un juge d'instruction pour homicide involontaire, avant d'être remis en liberté sans avoir été mis en examen. Ces faits ont illustré, une nouvelle fois, la délicate question de la responsabilité pénale des professionnels de santé.

Appelé dans un salon de coiffure où une vieille dame venait de faire un malaise cardiaque, l'urgentiste n'est pas parvenu à la réanimer, et le décès a été constaté après son transport à l'hôpital. Six jours après, une plainte a été déposée, très certainement par la famille, après que des traces d'hématomes ont été relevées et que des témoignages ont relaté des gestes « bizarres », voire violents, faisant penser à une tentative d'étouffement. L'avocat de ce médecin a expliqué que « lorsque les appareils ont été retirés, la mâchoire de la victime a eu des mouvements réflexes, dits "gasp", et [l'urgentiste] a fermé sa mâchoire par en-dessous ».

Dans notre code pénal, en matière de responsabilité, il n'existe pas de régime dérogatoire pour les professionnels de santé. Ces derniers, comme tout citoyen, peuvent voir leur responsabilité engagée devant un tribunal correctionnel ou une cour d'assises.

C'est sur la base de délits d'atteinte involontaire à l'intégrité corporelle que les procès en responsabilité sont les plus fréquents. Les poursuites et condamnations d'infirmiers pour homicide involontaire peuvent être liées à de nombreux motifs : erreur de dosage d'un médicament, ou quant à la nature d'un médicament, ou encore en cas de mauvaise identification d'un prélèvement. Des fautes même légères mais aux conséquences graves peuvent être constitutives d'homicide ou de coups et blessures involontaires.

Règles élémentaires

Plus généralement, la maladresse d'une infirmière est coupable lorsqu'elle résulte de la méconnaissance des règles fondamentales de l'exercice professionnel garantissant la sûreté d'un malade : par exemple le non-respect des règles élémentaires d'asepsie lors de la réalisation d'un pansement.

L'imprudence, elle, est coupable lorsque l'infirmier s'obstine à réaliser un traitement qui dépasse ses compétences, alors que la prudence l'oblige à faire appel à un médecin. Enfin, l'inattention, la négligence et la non-observation des règlements sont fautives si elles traduisent l'ignorance ou la méprise des devoirs professionnels.

Non-assistance

Autre motif courant de dépôt de plainte : la non-assistance à personne en péril. Obligation juridique de portée générale, définie par l'article 223-6 du Code pénal, le devoir d'assistance s'applique plus particulièrement au médecin et à l'infirmière, que leurs compétences rendent plus aptes à secourir une personne. Les tribunaux se montrent très sévères à leur encontre en cas de manquement volontaire à l'obligation de soins et de surveillance. Les prévenus risquent jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende.

Quant aux poursuites pour violences volontaires, elles peuvent viser, par exemple, un médecin qui effectuerait une intervention chirurgicale non nécessaire (à l'exception d'une intervention chirurgicale esthétique pratiquée avec le consentement du patient). Les peines prévues pour ces violences (articles 222-7 à 222-13 du Code pénal) dépendent de l'incapacité de travail qui en résulte pour la victime.

La profession de médecin a ceci de particulier qu'elle porte directement atteinte à l'intégrité corporelle du patient. C'est donc l'état de nécessité prévu par le Code pénal (art. 122-7) qui va exonérer, dans certaines limites, le professionnel de sa responsabilité pénale : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Manque d'information

Ainsi, le geste ou l'intervention doivent être nécessaires, faute de quoi le professionnel commettrait un acte de violences volontaires. Dans le cas d'un médecin urgentiste appelé pour un malaise cardiaque, ses gestes sont absolument nécessaires, mais ils peuvent susciter l'incompréhension des personnes présentes.

La communication entre le médecin et son patient, ou la famille de celui-ci, est donc délicate. Rappelons que 80 % des procès en responsabilité médicale sont engagés pour manque d'information sur des dommages dont les risques étaient inévitables mais qui n'ont pas été abordés avec l'entourage. Bien souvent, ces procès ne vont pas au-delà de l'expertise médicale ordonnée par un juge, et sont l'occasion pour le patient de recevoir une information complète. Une information qui, si elle avait été correctement dispensée au moment de l'accident, aurait évité d'en passer par une expertise judiciaire.

À RETENIR

> Les principaux motifs de poursuite et de condamnation d'infirmières sont les dommages corporels et les homicides involontaires, ainsi que la non-assistance à personne en péril.

> Des fautes même légères mais aux conséquences graves peuvent être retenues à leur encontre par les tribunaux.