La prévention à visage urbain - L'Infirmière Magazine n° 245 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 245 du 01/01/2009

 

Addictions

Du côté des associations

Dans le centre-ville de Bordeaux, Caan'abus a pignon sur rue. L'association aiguille les jeunes confrontés, de près ou de loin, à la consommation de substances psycho-actives.

C'est une vitrine, discrète, ouverte sur une artère majeure du coeur de Bordeaux, où la jeunesse déambule, nonchalante ou affairée. À l'intérieur, un espace d'accueil cosy, plus proche d'un salon que d'une salle d'attente. Lumières douces, sofa, affiches invitant au voyage... les dépliants faisant le point sur les risques induits par la dépendance au cannabis ou à l'alcool sont là, mais ne s'affichent pas de façon agressive. Ils se feuillettent, avant, peut-être, d'inciter au questionnement.

Structure pionnière

L'ambition de Caan'abus (1) : « Être un point fixe, inscrit dans la ville au plus près des jeunes, un espace accessible et non stigmatisant pour pouvoir toucher les 12-30 ans confrontés à l'usage de substances psycho-actives (tabac, alcool, cannabis pour l'essentiel)... de façon à ne pas les retrouver, "noyés" sous leur consommation, dans les centres d'accueil spécialisés », explique Laurence Garcia, éducatrice spécialisée. L'idée fondatrice a germé au sein de trois structures locales - le CEID (Centre d'étude et d'information sur les drogues), l'Anpaa 33 (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) et le département d'addictologie du centre hospitalier Charles-Perrens. Soutenu par la Ddass de Gironde, le trio s'est associé pour créer Caan'abus en 2003, chacune mettant à disposition, à temps partiel, une partie de son personnel. Médecin, éducateurs spécialisés, psychologue et animateur... sept personnes accueillent, écoutent, informent, orientent et prennent éventuellement en charge les jeunes Bordelais.

Caan'abus n'est pas la seule structure en France à proposer un tel accueil, puisque la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) a instauré en 2005 des consultations « de type Caan'abus » dans chaque département... Mais la structure bordelaise pionnière reste originale, inscrite dans la ville et non pas rattachée à un centre de consultation (qui souvent « fait peur aux jeunes »), et rassemblant des professionnels issus de trois établissements aux cultures distinctes... « ce qui favorise un échange de pratiques enrichissant », souligne Marielle Boclé, jeune psychologue-tabacologue.

Vaste public

Collégiens et lycéens venus à l'occasion d'une recherche sur les risques induits par l'usage de drogues ou ayant entendu parler des lieux par un copain, risquant au fil de l'échange un « J'ai un ami qui fume un joint le matin avant les cours, c'est grave ? » ; étudiants abordant leur consommation festive d'alcool ou l'usage de médicaments en période d'examens ; ou des jeunes marginaux... les professionnels de Caan'abus, présents dans les lieux du mardi au vendredi, accueillent des 12-30 ans aux profils variés en veillant, toujours, à prendre leur demande pour point de départ.

Du court au long terme

Pas de moralisation, mais la volonté « de mettre les jeunes face à la réalité des choses, d'autant que pour beaucoup, fumer et boire est souvent associé à la fête, ce qui occulte la dépendance » explique François Richard, éducateur spécialisé. Et une écoute attentive, rajoute Alain Loubière, psychologue, « car la consommation de drogues peut être à la fois un vrai problème en soi - une dépendance - et le symptôme d'une souffrance psychologique profonde. » Lieu de premier accueil, anonyme et gratuit, Caan'abus est aussi un espace de prévention et de soin, offrant informations et prises en charge de courte durée, via des consultations étalées généralement sur cinq ou six séances. Et pouvant orienter, en cas de dépendance nécessitant une prise en charge sur le long terme.

Par ailleurs, l'équipe a développé un important travail d'accueil des proches. Parents, travailleurs sociaux, professionnels de l'Éducation nationale... peuvent eux aussi s'informer et être écoutés. Plus encore, l'équipe se déplace : dans les collèges, lycées et foyers d'accueil de Gironde, où elle anime des séances de prévention, à la demande. « Soutenir les adultes est essentiel pour aider les jeunes, car cela implique, et permet à chacun d'acquérir des compétences en matière de repérage », souligne Véronique Garguil, psychologue.

Ecole, justice...

En cinq ans, Caan'abus a trouvé sa place dans le paysage médico-social bordelais. Les demandes sont en augmentation constante - 219 jeunes ont été reçus en consultation en 2007, et 30 personnes de l'entourage. La structure a ouvert deux antennes autour du bassin d'Arcachon. Et entend développer encore son partenariat avec les établissements scolaires, ainsi qu'avec la justice, comme lieu d'alternative à la sanction.

1- Consultation avancée en addictologie sur les nouveaux usages et abus de drogues chez les jeunes.

contact

Caan'abus 130, cours d'Alsace-Lorraine

33000 Bordeaux

Tél. : 05 56 01 25 66

caanabus@yahoo.fr

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