Les brûlures chimiques - L'Infirmière Magazine n° 245 du 01/01/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 245 du 01/01/2009

 

soins d'urgence

Fiches

Les brûlures chimiques se distinguent des brûlures thermiques (1) par la dangerosité secondaire qu'elles peuvent induire en plus des lésions locales, en particulier la libération de molécules toxiques dans la circulation générale. Toutes les brûlures chimiques doivent être considérées comme des brûlures graves.

DÉFINITION

Une brûlure chimique est une destruction tissulaire générée par le contact de la peau avec une substance ou un produit caustique. Ce type de brûlure est surtout fréquent dans un cadre professionnel (lors de l'utilisation de produits dangereux), mais aussi à la maison, notamment à l'occasion du bricolage (ciment) ou du ménage (soude).

RISQUE

De nombreuses substances chimiques sont capables de provoquer une brûlure cutanée par agression de la paroi cellulaire des cellules de l'épiderme. Leur absorption cutanée est alors accrue et des signes toxiques systémiques potentiellement gravissimes apparaissent.

Les substances peuvent provoquer des désordres ioniques, comme dans le cas des lésions par acide fluorhydrique, très profondes et douloureuses, qui conduisent au risque létal par hypocalcémie si la brûlure atteint 2 % de la surface corporelle (deux paumes de main). Les brûlures par acide cyanhydrique font pénétrer du cyanure, qui bloque la respiration cellulaire et entraîne rapidement un coma puis un arrêt circulatoire.

RAPPEL PHYSIOLOGIQUE

L'absorption de l'épiderme dépend de son épaisseur. Les muqueuses, par la finesse de leur épiderme, la chaleur et la moiteur, ont une absorption importante. L'hydratation de la cornée augmente considérablement l'absorption de molécules. Les autres facteurs conditionnant l'absorption et la toxicité sont le temps de contact, la concentration, l'effet d'occlusion de la surface cutanée, la surface de contact, l'augmentation de la vascularisation cutanée, et l'âge (le nouveau-né a une absorption deux fois plus forte). Tous ces éléments vont influer directement sur la gravité de la brûlure.

LES PRODUITS CAUSTIQUES

Un produit caustique a la propriété de détruire les tissus vivants par des réactions physico-chimiques. La réaction la plus fréquente est celle induite par les différences (gradients) de concentration en ions hydrogène (H+) et hydroxyle (OH-).

Plus la solution est concentrée en ions H+, plus elle est acide et plus son pH baisse. Plus la solution est concentrée en ions OH-, plus elle est basique et plus son pH monte. L'échelle des pH varie de 0 à 14, un pH de 7 correspondant à la neutralité. Les solutions aux pH extrêmes sont caustiques. Le pH de la soude, à très forte concentration, se rapproche de 14, et celui de l'acide chlorhydrique du pH nul.

L'action de ces produits sur les tissus se résume ainsi : destruction des lipides de la membrane plasmique par les bases, coagulation des protéines par les acides. Plus vulgairement, les bases « liquéfient » les tissus et les acides les « cuisent ». Dans les deux cas, il en résulte une brèche dans l'épiderme, qui ne joue plus son rôle de barrière. Les molécules toxiques contenues dans la solution peuvent donc se répandre dans la circulation générale et provoquer les détresses systémiques évoquées plus haut.

CONDUITE À TENIR

Comme devant toute brûlure grave, l'infirmier devra traiter à la fois un choc hypovolémique, une hypothermie, une dette en oxygène, une douleur intense. Dans le cas des brûlures chimiques s'ajoute le risque d'intoxication systémique.

- Protéger (éloigner la victime du produit, reboucher le flacon sans se brûler soi-même...).

- Enlever les vêtements imbibés en se protégeant (mettre des gants, ou bien saisir les vêtements à l'aide d'un linge) ;

- Laver la peau à grande eau afin d'éliminer le produit, en évitant de contaminer une autre partie du corps. En cas de projection dans l'oeil, par exemple, s'assurer que l'eau ne coule pas dans l'autre. Le rinçage doit durer 10 minutes si la surface atteinte est importante (membre entier) car il existe un risque d'hypothermie majeure, 30 minutes si la zone brûlée est peu étendue. Dans certaines industries, des moyens actifs de décontamination des projections de produits chimiques améliorant le lavage à l'eau existent. L'utilisation d'une solution comme la diphotérine permet de limiter, voire supprimer, l'apparition de la brûlure chimique.

- Évaluer la surface brûlée.

- Prévenir ou faire prévenir les secours en précisant bien la zone touchée, la surface et la nature du produit.

- Après le rinçage, emballer la brûlure par un linge propre ou, mieux, par un champ stérile.

- Installer la victime en position demi-assise.

- Lutter contre l'hypothermie (couverture isotherme).

- À l'arrivée des sapeurs-pompiers, faire oxygéner la victime au masque haute concentration, 15 L/min.

- Proposer votre concours au médecin régulateur du Samu pour d'éventuelles prescriptions médicales. Les actes prescrits peuvent notamment comprendre la mise en place d'un abord veineux périphérique de gros calibre sur une zone saine. Utiliser du chlorure de sodium 0,9 %.

- Surveiller les paramètres vitaux :

- neurologique : état de conscience, coter le score de Glasgow ;

- respiratoire : fréquence respiratoire, saturation périphérique en oxygène, cyanose, signes de tirage, râles...

- circulatoire : tension artérielle, pouls, surveiller l'apparition de marbrures aux genoux.

- Si dégradation (personne inconsciente...), mettre en oeuvre les gestes appropriés.

- Attendre l'arrivée du Smur et transmettre un bilan complet à l'équipe médicale.

1- Lire « Les brûlures thermiques », L'Infirmière magazine n° 244, cahier de formation continue, p. XV.