Acides gras et athérosclérose - L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009

 

cardiologie

Conduites à tenir

Principale cause des maladies cardiovasculaires, l'obstruction des artères par les plaques d'athérosclérose peut être prévenue par une alimentation ciblée.

DÉFINITION

L'athérosclérose vient de deux mots grecs : athérê (bouillie) et sklêros (dure). Elle correspond à un remaniement de l'intima des artères de gros et moyen calibre (aorte et ses branches, artères coronaires, artères cérébrales, artères des membres inférieurs entre autres) par accumulation segmentaire de lipides, glucides complexes, sang et produits sanguins, tissus adipeux, dépôts calcaires et autres minéraux. Elle est la principale cause des maladies cardiovasculaires.

ANATOMO-PATHOLOGIE

Les molécules de LDL-cholestérol (LDL-C, « mauvais cholestérol ») jouent un rôle central dans son développement, surtout si elles sont nombreuses dans le sang. Sous l'effet de l'inflammation, elles traversent la paroi artérielle au niveau de l'endothélium où elles vont s'oxyder ; parallèlement vont être recrutés, depuis le sang vers l'espace sous-endothélial, des monocytes et lymphocytes circulants qui se différencient en macrophages.

Puis les LDL oxydées sont capturées par ces macrophages, par l'intermédiaire des récepteurs éboueurs et l'ensemble devient une cellule spumeuse ; la multiplication de ces cellules spumeuses constitue le début de la formation d'une plaque d'athérosclérose (cf. figure 1) qui va s'accentuer avec le temps, plus ou moins vite selon la présence de facteurs de risque. Une rupture de plaque se produit quand le coeur lipidique n'est plus contenu par sa chape fibromusculaire. Elle libère des substances qui favorisent l'agrégation plaquettaire (thrombus plaquettaire), premier stade de la formation du caillot de sang qui va obstruer brutalement la lumière de l'artère, compromettant la perfusion tissulaire d'aval. À ce stade, le terme d'athérosclérose est remplacé par celui d'athérothrombose (cf. figure 2).

Les conséquences cliniques sont l'ischémie ou la nécrose :

- au niveau du myocarde : l'angine de poitrine, l'infarctus ;

- au niveau des carotides : l'accident ischémique transitoire, l'accident vasculaire cérébral, la démence ;

- au niveau des membres inférieurs : l'artérite des membres inférieurs.

ACIDES GRAS

Les acides gras jouent de très grands rôles dans notre organisme : structural au niveau des membranes cellulaires dont ils conditionnent la flexibilité et les réponses des récepteurs ; énergétique puisque ce sont des réserves utilisables au niveau des adipocytes ; métabolique puisqu'ils sont précurseurs des prostaglandines ; transporteur des vitamines liposolubles ; organoleptique.

Ils peuvent être saturés, mono-insaturés ou poly-insaturés (cf. figure 3).

Acides gras saturés

Absence de double liaison sur la chaîne de carbone. Les principaux sont les acides palmitique, stéarique, myristique.

Acides gras mono-insaturés

Le principal est l'acide oléique qui a une seule double liaison au niveau du neuvième carbone à partir de l'extrémité CH3. C'est l'oméga 9.

Acides gras poly-insaturés

Présence de plusieurs doubles liaisons sur la chaîne de carbone.

Parmi l'ensemble des acides gras poly-insaturés, il faut citer :

- l'acide linoléique : présence de deux doubles liaisons sur la chaîne de carbone dont la première se trouve sur le sixième carbone à partir de l'extrémité CH3. C'est l'oméga 6 ;

- l'acide alpha-linolénique : trois doubles liaisons sur la chaîne de carbone dont la première est sur le troisième carbone à partir de l'extrémité CH3. C'est l'oméga 3.

Ces deux acides gras poly-insaturés sont dits indispensables car l'organisme humain ne peut les synthétiser. Ils sont les précurseurs d'acides gras à longue chaîne (dont l'EPA et la DHA, cf. figure 3) retrouvés en abondance dans les huiles de poissons.

« Protecteurs » et « facilitateurs »

Théoriquement, les apports lipidiques quotidiens recommandés comportent 30 % de la ration calorique dont 8 % d'acides gras saturés, 15 % d'acides gras mono-insaturés et 7 % d'acides gras poly-insaturés avec un rapport oméga 6/ oméga 3 voisin de 5.

Très schématiquement (car les données scientifiques actuelles sont partielles, insuffisantes et parfois sources de débats contradictoires) certains acides gras sont :

- « protecteurs » vis-à-vis de l'athérosclérose : les oméga 3 et les oméga 9 ;

- « facilitateurs » : les acides gras saturés, les acides gras « trans » et un apport oméga 6/oméga 3 trop élevé.

ACIDES GRAS « PROTECTEURS »

Acides gras poly-insaturés oméga 3

Conséquences :

- Ils abaissent le taux de triglycérides, surtout si le taux initial est élevé ;

- Ils diminuent l'inflammation (celle-ci a un rôle prédominant dans la formation de l'athérosclérose), l'agrégation plaquettaire et le risque de mort subite.

Sources :

- D'origine végétale : les algues, le phytoplancton, les huiles de colza, soja, noix et lin, certaines salades, surtout la mâche, les fruits oléagineux : noix, noisettes et amandes, avocats, le soja, le pourpier et certaines margarines enrichies ou naturellement riches en ALA ;

- D'origine animale : acide eicosapentaénoïque (ou EPA) et docosahexaénoïque (ou DHA) contenus dans les poissons gras : sardines, saumons, maquereaux... ou d'autres animaux (escargots).

Acides gras mono-insaturés oméga-9

Conséquences. Ils protègent également de l'athérosclérose, par leurs effets anti-oxydant et anti-inflammatoire.

Sources. L'huile d'olive et les avocats. Toutefois, certains effets présumés favorables de l'huile d'olive passent sans doute par sa fraction insaponifiable.

ACIDES GRAS « FACILITATEURS »

Acides gras saturés

Conséquences. Ils augmentent, sauf l'acide stéarique, le taux de LDL-C mais leur rôle respectif est encore controversé. Ceux à longue chaîne carbonée sont peut-être plus nocifs que ceux à courte chaîne.

Sources :

- Les charcuteries ;

- Les viandes grasses comme le mouton, l'agneau et certains morceaux du boeuf ou du porc ;

- Le beurre (environ 66 %) et certaines margarines ;

- Le lait et les fromages. En ce qui concerne les matières grasses d'origine laitière, les incertitudes sont toutefois nombreuses. Certes, elles contiennent beaucoup d'acides gras saturés (environ 60 %), mais beaucoup sont à courte chaîne. De plus, le lait n'est pas complètement dépourvu d'acides gras oméga 3 et le rapport oméga 6/oméga 3 est excellent ; il contient des acides gras « trans » naturels qui pourraient avoir un rôle protecteur ; enfin, les laitages consommés en abondance pourraient protéger contre l'obésité (rôle du calcium ?). Les connaissances actuelles sont donc insuffisantes pour restreindre la consommation des laitages, sauf en cas d'hypercholestérolémie nette ;

- Les graisses de canard et d'oie.

Acides gras « trans »

Un « trans », hormis celui d'origine naturelle, est un acide gras insaturé dont la chaîne de carbone a subi des traitements industriels comme le chauffage et l'hydrogénation qui modifient sa structure chimique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, la ration quotidienne ne doit pas excéder 1 % des apports énergétiques. Or, un Européen en consomme entre 1 et 6 % par jour.

Conséquences. Ils semblent encore plus nocifs que les acides gras saturés car :

- ils augmentent le LDL-C et les triglycérides ;

- ils diminuent le HDL-C (le « bon cholestérol ») ;

- ils augmentent l'inflammation et l'insulino-résistance.

Actuellement, on ne connaît pas de rôle favorable de ces acides gras « trans » industriels, hormis leur apport énergétique.

Sources :

- Les viennoiseries, les pâtisseries du commerce, les biscuits secs ;

- Les pâtes à tarte et pizzas du commerce ;

- Les huiles de friture ;

- Les margarines ;

- Certaines céréales de petit-déjeuner ;

- Les sucreries surtout chocolatées ;

- Les potages déshydratés.

Acides gras poly-insaturés oméga 6

Les acides gras oméga 6 sont très abondants dans l'alimentation occidentale, de telle façon que le rapport oméga 6/oméga 3 est voisin de 20 tandis que le rapport recommandé est de 5.

Conséquences (seulement si ce rapport est trop haut) :

- ils augmentent l'agrégation plaquettaire, premier temps de la coagulation ;

- ils augmentent l'inflammation ;

- ils augmentent la vasoconstriction ;

Tous ces éléments sont défavorables, et ne sont pas compensés par la réduction du taux de LDL-C.

Sources :

- Les huiles de tournesol et d'arachide ;

- Les oeufs ;

- Les viandes (en fonction des sources alimentaires de l'animal).

CONCLUSION

Au cours de l'évolution de l'humanité, nous sommes passés schématiquement de l'ère du cueilleur-chasseur à celle de l'agriculteur, puis de l'industriel. Parallèlement, la proportion de lipides dans les apports énergétiques quotidiens est passée de 20 à 40 %, avec augmentation des acides gras saturés, « trans » et oméga 6 qui facilitent l'athérosclérose. Un des moyens relativement simples de réduire l'apparition d'événements cardiovasculaires est de privilégier une alimentation protectrice avec une réduction des acides gras saturés, des « trans » et des oméga 6 et une augmentation des oméga 3 et 9.

Dans un travail réalisé par le service de cardiologie de Dax en collaboration avec le laboratoire de biochimie nutritionnelle de l'hôpital Rangueil à Toulouse, il a été démontré que les conseils donnés en ce sens en éducation thérapeutique entraînent des modifications parallèles, et donc favorables, des membranes cellulaires des patients ayant développé un syndrome coronaire aigu.

Articles de la même rubrique d'un même numéro