En son fort intérieur - L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009

 

Françoise Ducasse

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Au sein d'une véritable « forteresse républicaine », Françoise Ducasse examine les fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, les aide à anticiper les risques pour leur santé, et participe aux campagnes de prévention.

Place Beauvau, dans le VIIIe arrondissement de Paris, deux forteresses républicaines se font face. La première, c'est le palais de l'Élysée. La seconde, le ministère de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités territoriales, qui pilote la réprésentation de l'État sur le territoire français et l'activité des services de police. Outre le cabinet du ministre, l'hôtel de Beauvau héberge, parmi bien d'autres services, la direction de la police judiciaire ou encore le service de protection des hautes personnalités. Quelque 4 000 agents, dont 3 000 policiers, s'activent sur le site. Trois médecins et trois infirmières veillent sur leur santé (1). Parmi elles, Françoise Ducasse. D'une voix calme, au débit maîtrisé, cette soignante revient sur son parcours.

Après avoir exercé pendant huit ans à l'hôpital Cochin, elle réussit en 1975 le concours de recrutement interministériel des infirmières de l'État - qui n'existe plus aujourd'hui. Au gré de ses différents postes, Françoise Ducasse explore de multiples facettes du service public : à la météorologie nationale, au sein de la Ddass des Yvelines, puis d'un lycée agricole. En 1992, elle postule au ministère de l'Intérieur. « J'ai choisi ce poste non pas par désir mais par opportunité, avoue-t-elle avec franchise. Simplement, ce service est celui qui m'a réservé le meilleur accueil parmi les différents postes vacants. » Après une période d'encadrement d'un mois, elle effectue seule ses premiers actes. « La gestion des soins de médecine de prévention ne m'a posé aucun problème, affirme-t-elle, contrairement à la prise en charge des urgences. Dès que le téléphone sonnait et qu'une voix affolée nous annonçait le malaise d'un agent, je partais avec ma sacoche avec un peu d'appréhension. »

La prévention d'abord

L'infirmière de la Place Beauvau a trois missions principales. Elle pratique des soins et participe aux actions de santé publique organisées par le ministère, mais la partie la plus importante de son métier concerne la médecine de prévention.

Dans ce cadre, les agents, après avoir été convoqués pour une consultation médicale, sont reçus par Françoise Ducasse ou l'une de ses deux collègues. Elle complète le dossier administratif et, en fonction du poste de travail, effectue des examens complémentaires (analyse urinaire) et planifie les bilans sanguins. Pour les policiers reçus pour la première fois, elle vérifie par des contrôles visuels et auditifs la compatibilité de l'état de santé de l'agent avec son port d'arme. Un électrocardiogramme peut être réalisé si l'agent est amené à faire des efforts physiques intenses ou à se déplacer fréquemment en avion. Une attention particulière est portée au personnel qui part à l'étranger, par un suivi annuel des vaccinations et par une information sur les risques médicaux encourus dans certains pays.

La visite médicale est obligatoire tous les trois ans mais, suivant les postes, elle peut être annuelle. « Pour servir correctement ces agents, il faut les suivre médicalement aussi rapidement que se décident les missions, précise le Dr Florence Foullon, médecin-chef coordonnateur national de la médecine de prévention. Si la vaccination contre la fièvre jaune est requise, il faut douze jours pour qu'elle soit efficace lors de la primovaccination, d'où une planification nécessaire des vaccinations. Ces actions de prévention ne peuvent être menées sans un vrai travail d'équipe avec les infirmières », poursuit-elle.

Sur le même registre, Françoise Ducasse est amenée à communiquer aux brigades des transports ferroviaires des mesures de prévention sur les risques infectieux encourus, sur la prise en charge des accidents d'exposition au sang, sur la conduite à tenir s'ils sont blessés. Elle vérifie également leurs vaccinations.

Consultations régulières

Afin que les policiers soient préparés psychologiquement à affronter des missions traumatisantes, le service médical de prévention travaille en amont. Recevoir les fonctionnaires de police régulièrement en consultation médicale crée un lien qui leur évite de se sentir seuls lorsque des difficultés surviennent. Néanmoins, s'ils présentent des symptômes de détresse - ce qui, heureusement, arrive rarement - ils savent qu'ils peuvent être reçus au sein du service de prévention.

Urgences en tout genre

La fonction infirmière ne s'arrête pas là. Françoise Ducasse est amenée à accompagner le médecin durant ses visites, ce qui lui permet d'examiner les conditions de travail des agents et de proposer des recommandations. Autre particularité, toujours en binôme avec le médecin, elle est soumise à des astreintes assez spécifiques : assurer des permanences médicales auprès des équipes de sécurité lors d'événements particuliers, par exemple la cérémonie du 14-Juillet.

De plus, l'infirmière pratique des soins d'urgence. « Les situations sont très diversifiées, observe-t-elle. De la crise convulsive du nourrisson (une crèche fonctionne au sein du ministère), en passant par l'entorse d'un agent, jusqu'au malaise cardiaque d'un fonctionnaire retraité en visite dans l'établissement. » Pour faire face à ces urgences, l'infirmière se déplace dans le service concerné avec le médecin s'il est présent.

Mais elle travaille souvent seule, car les praticiens ne sont pas présents à temps plein : leur emploi du temps est divisé en trois tiers-temps, dont un seul est passé Place Beauveau. Françoise Ducasse, elle, reste présente au ministère en permanence du lundi au vendredi. Bien souvent, sous les regards des collègues de travail, elle assure avec discrétion ses premiers soins. Si l'état du patient le permet, elle le prend en charge à l'infirmerie. Les protocoles de soins rédigés par l'équipe médicale du service et validés par le Samu lui confèrent une large autonomie. Bien entendu, en fonction de la gravité de l'état du patient, les pompiers ou le Samu peuvent être contactés.

Sens de la discrétion

Autre volet important de son exercice, l'éducation en matière de santé. En collaboration avec le service de communication et le médecin-chef, elle participe aux campagnes de sensibilisation de santé publique, à leur mise en oeuvre (informations sur la grippe aviaire, campagne de vaccinations, recommandations en matière de nutrition, lutte contre l'alcoolisme...) et assure la diffusion de plaquettes d'information éditées par les organismes officiels. « Ces actions nécessitent de se tenir informée des pathologies, des nouveaux traitements, ce qui rend ce métier très intéressant », souligne-t-elle.

La diversité des métiers existant au sein du ministère implique que les soignants aient une connaissance globale de l'organigramme, des fonctions et des missions de chacun. L'infirmière doit prendre en compte le tiers-temps des médecins pour travailler en complémentarité avec eux et les accompagner le plus possible dans les services. Cette fonction requiert également de l'autonomie, une parfaite gestion du stress, une faculté d'adaptation et une grande discrétion afin d'aborder au mieux les différents acteurs du ministère. « Nous sommes à la disposition de tous, y compris du ministre de l'Intérieur », souligne l'infirmière.

1- Plus précisément, le service médical du ministère de l'Intérieur regroupe un médecin-chef, deux médecins de prévention, trois infirmières et deux secrétaires.

moments clés

- 1967 : Françoise Ducasse reçoit son diplôme d'État d'infirmière.

- De 1967 à 1975 : elle exerce à l'hôpital Cochin (Paris) dans le service de chirurgie osseuse, puis au bloc opératoire de chirurgie générale.

- 1975 : succès au concours de recrutement interministériel des infirmières de l'État.

- De 1975 à 1982 : elle intègre le service médical de la météorologie nationale.

- 1982 : elle choisit le service de santé scolaire de la Ddass des Yvelines.

- 1985 : elle devient infirmière scolaire dans un lycée agricole.

- 1992 : entrée au service médical du ministère de l'Intérieur.