L'école de l'asthme respire dans la cité - L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009

 

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Pour travailler auprès d'enfants plus nombreux que ceux déjà suivis à l'hôpital, l'école de l'asthme du centre hospitalier de Dunkerque s'est installée en centre-ville. Un relais plus accessible, et qui a su se faire connaître.

«Auparavant, nous ne pouvions travailler qu'auprès des enfants asthmatiques hospitalisés ou reçus en consultation. C'est bien sûr essentiel, car leurs cas sont souvent les plus graves... mais quid de tous les autres ? » Depuis de longs mois, cette question revenait à l'esprit de Florence Delepoulle, pédiatre- allergologue au centre hospitalier général de Dunkerque, et de sa collègue Manuëla Scalbert-Dujardin, pneumopédiatre.

Depuis 2004, il existait, au sein du service de pédiatrie de l'hôpital, un programme complet d'éducation thérapeutique pour les enfants asthmatiques et leurs parents, animé par des infirmières, kinésithérapeutes, médecins et éducateurs. « Mais dès le départ, explique Florence Delepoulle, nous avions, en filigrane, la volonté d'élargir le champ de notre action. Comme l'hôpital fait parfois un peu peur à certains, il n'est pas forcément le lieu le plus adapté pour accueillir un tel programme. Le centre-ville, lui, est neutre, accessible, et non rattaché à la maladie. » D'un lieu à l'autre, le pas a été franchi voici un an, et le Relais d'éducation des enfants asthmatiques de Dunkerque a pris son envol.

Une démarche encore rare

Objectif affiché : décloisonner les pratiques pour plus d'efficacité, et s'adresser à un public plus large. Car, rappelle Florence Delepoulle, l'asthme touche pas moins de 5 % de la population française, dont 10 % des moins de 18 ans, pour lesquels il s'agit de la maladie chronique la plus fréquente. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les chiffres sont légèrement supérieurs à la moyenne nationale, avec 6 à 7 % de la population touchée, dont 12 % d'enfants. Soit quelque 6 000 enfants dans l'agglomération dunkerquoise. « Or, souligne-t-elle, nous voyons à peine quelques centaines d'enfants par an au centre hospitalier - en 2007 par exemple, 278 lors d'hospitalisations et 1 187 en consultations programmées. Il nous fallait faire plus ! » Certes, ces enfants sont suivis en ville. Mais par manque de temps, de codification de l'acte éducatif, de formation des intervenants... l'éducation à l'asthme reste peu pratiquée, et rarement sous la forme d'un programme structuré.

Infirmière coordinatrice

« Alors, en 2007, nous avons pris notre bâton de pèlerin, sourit Florence Delepoulle, et sommes parties chercher en ville des partenaires désireux de s'associer à notre projet ! » Très vite, la démarche séduit : la Maison de promotion de la santé de la ville, l'Union des mutuelles de Dunkerque, tout comme la Maison de l'environnement, la ville de Dunkerque et la communauté urbaine sont partantes. Ces partenaires décident de mettre à disposition du relais à naître qui des locaux, qui du personnel, qui une petite enveloppe financière... Une infirmière coordinatrice, Sabine Fardel, est recrutée pour un mi-temps - et payée par l'Union des mutuelles. Un conseiller médical en environnement est mis à disposition par la Maison de l'environnement pour les sessions collectives à venir avec les enfants. Les autres membres de l'équipe qui se relaient pour animer les sessions - les deux médecins promotrices du projet, deux kinésithérapeutes et quatre infirmières - exercent au centre hospitalier.

Observance soutenue

Installer tables et chaises, disposer jeux de l'oie, dominos et damiers. Préparer le tableau et les étiquettes magnétiques que les enfants utiliseront pour évoquer en images les signes de leurs crises... Sabine Fardel s'affaire, en vue de la session collective mensuelle qui aura lieu cet après-midi. Huit enfants, de 6 à 11 ans, sont attendus avec leurs parents. Il faut être prêt ! « Répondre à l'anxiété, casser les idées reçues associées à l'asthme - de la crainte de la pratique sportive à une tendance excessive à cantonner les enfants au chaud... en fait dans un espace confiné - apprendre à utiliser le matériel nécessaire au traitement, identifier les facteurs déclenchants des crises de chacun... le relais est un atout précieux, qui peut vraiment permettre aux enfants et à leurs parents de mieux comprendre et gérer la maladie et les traitements », commente-t-elle. Un atout d'autant plus pertinent, souligne la soignante, que des études ont montré que seuls 50 % des patients prennent régulièrement leur traitement ; et que parmi eux, un quart le prennent mal... alors que près de 75 % des hospitalisations pourraient être évitées grâce à une meilleure observance.

Plan d'action individualisé

Le relais mise sur l'écoute, l'échange, la compréhension. Le lieu est ouvert, gratuitement, aux enfants de 5 à 15 ans... même si, dans les faits, les plus grands ont rarement plus de 10 ou 11 ans, les adolescents étant plus réticents à un apprentissage commun. En premier lieu, Sabine Fardel reçoit enfants et parents pour un entretien individuel permettant de faire le point sur l'état de santé de l'enfant, le traitement utilisé, les conditions de vie à domicile, etc. Les jeunes malades et leurs parents sont ensuite conviés à participer à des sessions collectives de deux fois trois heures...

Les premiers mots des enfants comme des parents sont cet après-midi-là un peu timides, hésitants. Mais très vite, autocollants, damiers et jeux de l'oie délient les langues. Parents et enfants s'installent dans des salles séparées, qui pour échanger en table ronde avec le médecin, qui pour apprendre de façon ludique. Où sont situés mes poumons ? Qu'est-ce qu'un broncho-spasme ? Les remarques fusent, les questions se bousculent. Un goûter réunit en fin d'après-midi tout ce beau monde, suivi d'un jeu de souffle et d'exercices de relaxation accompagnés par la kiné Christine Demory, avant que Florence Delepoulle n'établisse avec chaque famille un plan d'action personnalisé à adopter en cas de crise... soigneusement noté par les enfants sur leur tout nouveau petit passeport bleu, et révisé à l'aide de dominos.

« Rassurés », ayant l'impression « d'avoir acquis en quelques heures des réflexes essentiels pour mieux déchiffrer, et donc maîtriser la crise de [leur] enfant »... à la sortie de la session, les parents ont des paroles encourageantes pour ce jeune relais. Et les regards de compréhension des enfants ont de quoi motiver - s'il était besoin - l'équipe animatrice du projet. D'autant que le relais a accueilli en 2008 plus de 86 enfants, contre seulement 52 reçus en 2007 à l'école de l'asthme alors située au centre hospitalier.

Des idées pour l'avenir

Pour autant, il y a encore du travail, assure Florence Delepoulle. Par exemple, pour mettre en place « une meilleure collaboration avec les médecins traitants, qui restent référents pour le suivi de la maladie, le relais venant "simplement" en complément de leur prescription. Pour le moment, nous leur adressons un courrier au terme de chaque session, et nous avons décidé, avec Manuëla Scalbert-Dujardin, de rencontrer individuellement les 300 généralistes de l'agglomération d'ici 2010. » En parallèle, tout en recherchant de nouveaux financements, le relais fourmille d'idées à mettre en oeuvre : un projet pour les 2 à 6 ans, un accueil plus individualisé des ados... et un autre pour les adultes, centré sur les techniques de prise de médicaments et l'échange via des groupes de parole.

contact

- Relais d'éducation des enfants asthmatiques de Dunkerque. Renseignements à la Maison de promotion de la santé, 2, rue Saint-Gilles, 59140 Dunkerque.

Tél. : 03 28 66 34 73.

Fax : 03 28 59 00 76.

témoignage

Former, informer, coopérer...

Ayant auparavant exercé en libéral et en tant qu'infirmière scolaire, Sabine Fardel, infirmière coordinatrice du projet, en est persuadée : « Travailler ensemble est l'une des clés d'une prise en charge réussie de l'asthme, chez l'enfant comme l'adulte. D'autant que les traitements qui y sont associés sont souvent complexes, difficiles donc à appréhender pour les patients, mais aussi, parfois, pour les soignants qui les accompagnent. »

Les deux médecins du relais ont commencé à rencontrer les médecins généralistes de l'agglomération, les incitant à leur envoyer leurs jeunes patients asthmatiques. La recherche de synergies ne s'arrête pas là : pharmaciens, kinésithérapeutes libéraux, médecins et infirmières scolaires ont également été contactés. Les membres du relais issus du centre hospitalier de Dunkerque dispensent par ailleurs des formations pour les généralistes, les kinés et les étudiants en Ifsi. Former, informer, cela aide aussi à améliorer l'égalité des chances de chacun face à la maladie, souligne la soignante.