La banlieue au coeur des soins

Lorsqu'elle évoque océane, karine didi a les mots d'une militante. La volubilité, la volonté de convaincre, comme une envie de déplacer des montagnes. « Décloisonner les relations entre professionnels hospitaliers et libéraux », « miser sur l'échange de regards pluriprofessionnel s», ces objectifs pratiques sont pour la directrice médicale et médecin coordinateur du réseau de véritables « valeurs ». La conviction que « tout patient peut et doit être acteur de sa propre santé » en est une autre, reflet du droit de chacun à une fin de vie digne. Et donc accompagnée avec professionnalisme, au domicile comme en institution.

Appui et coordination

À l'origine médecin généraliste, longtemps investie auprès des patients atteints du sida, Karine Didi a mis ses idées en pratique. En 1999, elle fonde l'association Océane, qui obtient l'année suivante un financement du FAQSV (Fonds d'aide à la qualité des soins de ville). Objectif : faciliter le maintien à domicile de personnes en fin de vie, optimiser la prise en charge médicale, le soutien psychologique et social des malades, soutenir les équipes soignantes et les proches des patients.

Au centre du réseau : une équipe d'appui et de coordination pluridisciplinaire de cinq personnes (deux médecins, deux infirmières et une psychologue) intervenant en Seine-Saint-Denis et dans trois communes limitrophes (Vincennes, Saint-Mandé et Fontenay-sous-Bois). Ainsi qu'un directeur, une secrétaire et un webmestre. Les demandes émanent d'intervenants multiples : structures hospitalières lorsqu'un patient souhaite rentrer quelque temps chez lui, voire y finir ses jours, libéraux, Ehpad... familles et patients eux-mêmes. « Avec toujours un préalable, l'accord du patient et de son médecin traitant », souligne Françoise Anselme-Heyssat, infirmière du réseau.

En dix ans, Océane a trouvé sa place dans un département où les fragilités de tous ordres (sanitaire, économique, du lien social...) se cumulent. L'équipe, qui a suivi 247 personnes en 2007, intervient quel que soit l'âge des malades (la moyenne est de 71 ans), et les pathologies (une grande majorité des patients sont atteints d'un cancer).

Visite en binôme

Un jour ou deux en moyenne après l'arrivée de la demande dans les bureaux d'Océane, une visite d'évaluation initiale est réalisée auprès du patient par deux membres de l'équipe - « binôme » associant médecin et infirmière, ou médecin et psychologue - quel que soit l'endroit où se trouve le malade : chez lui, mais aussi en institution, afin d'anticiper les retours au domicile. Propositions d'adaptations thérapeutiques, de prescriptions anticipées, de soutien psychologique, de participation d'intervenants de type hospitalisation à domicile (HAD), ou d'aide financière (constitution d'un dossier pour l'APA)... ce premier temps permet d'élaborer un plan de soins. Un dossier de liaison est créé, informatisé afin de le rendre accessible aux intervenants libéraux du patient.

Jusqu'au deuil

Et le suivi par Océane s'engage, au rythme minimum d'une visite par semaine, « au maximum tous les dix jours, précise Karine Didi. Car au-delà, nous estimons qu'un vrai suivi n'est pas possible ». Écouter, rassurer, accompagner, sur le plan thérapeutique comme sur le plan personnel, Océane mise sur la disponibilité. L'équipe de coordination est joignable en semaine de 9 heures à 19 heures, une permanence téléphonique est assurée le week-end par des médecins d'astreinte, et la nuit, une convention signée avec le Centre 15 de Seine-Saint-Denis lui donne accès aux dossiers médicaux des patients du réseau appelant en urgence.

L'accompagnement apporté par Océane ne cesse, sauf exceptions, qu'au décès des patients - des temps de « suivis de deuil » étant alors proposés aux familles par la psychologue du réseau, Isabelle Carmoin.

Formation, réflexion

Au total, quelque 260 professionnels de santé ont signé la charte du réseau, symbole du travail mené en concertation. Océane propose aussi nombre de formations - se déplaçant dans les établissements demandeurs, et organisant régulièrement des réunions de réflexion pluridisciplinaires, sur des thèmes allant de l'utilisation d'une pompe à morphine à l'accompagnement spirituel ou la place de la laïcité. Le réseau mène aussi, au sein d'un pôle ressources-santé, des travaux de recherche actuellement axés l'un sur la relation réseau-HAD, l'autre sur la question « Quels évaluateurs économiques autour du prendre-soin ? » En filigrane, toujours, le même désir de qualité de l'accompagnement.