La défibrillation automatisée externe - L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009

 

cardiologie

Fiches

INTRODUCTION

L'arrêt cardiaque inopiné, ou mort subite de l'adulte, est responsable de près de 50 000 décès par an en France. L'intérêt de la défibrillation électrique dans la prise en charge de la fibrillation ventriculaire est connue depuis les années 1950. Elle améliore nettement la survie des patients victime d'arrêt cardio-respiratoire (ACR) (de 0,4 % à 20 %).

La précocité de la défibrillation étant une notion essentielle, il est décidé en 1998 de permettre aux paramédicaux et aux secouristes d'utiliser un défibrillateur semi-automatique. Le décret de mai 2007 autorise désormais l'utilisation de défibrillateurs automatiques par le public sans aucune restriction. Les défibrillateurs automatiques seront disponibles dans les lieux publics, centres commerciaux, entreprises... On estime à 3 000 ou 4 000 le nombre de vies qui pourraient être sauvées ainsi chaque année en France.

CHAÎNE DE SURVIE

La chaîne de survie correspond aux différentes actions requises pour améliorer la survie des patients en ACR :

1- Reconnaissance des signes précurseurs de l'ACR et alerte précoce des secours < 2 minutes.

2- Réanimation cardio-pulmonaire (RCP) précoce par les témoins < 3 mn.

3- Défibrillation précoce < 5 minutes.

4- Réanimation spécialisée précoce < 8 minutes.

ÉTIOLOGIE

Les causes de l'arrêt cardio-respiratoire sont multiples :

- cardiovasculaires (trouble du rythme, trouble de la conduction, infarctus du myocarde, choc réfractaire, hémorragie...) ;

- traumatiques (section du rachis, plaies pénétrantes) ;

- neurologiques (AVC) ;

- intoxications (monoxyde de carbone, opiacés, tricycliques...) ;

- respiratoires (fausse route, noyade...) ;

- troubles métaboliques (hypo ou hyperkaliémie...).

L'origine des ACR inopinés de l'adulte est en grande majorité cardiaque. L'interruption de toute activité efficace du coeur est liée le plus souvent à une atteinte secondaire du myocarde par infarctus. Le rythme retrouvé initialement est alors une tachycardie ventriculaire ou, plus fréquemment, une fibrillation ventriculaire.

TRACÉ DE L'ÉLECTROCARDIOGRAMME

Au cours de l'arrêt cardio-respiratoire, suivant la cause de l'arrêt cardiaque, on retrouve quatre types de tracé initial.

Tachycardie ventriculaire

Tachycardie rapide (>180) à complexes QRS larges et identiques.

Fibrillation ventriculaire

L'ECG enregistre une activité ventriculaire rapide et irrégulière prenant l'aspect d'ondulations plus ou moins fines, mais sans complexes QRS organisés. Elle est rencontrée fréquemment. On distingue deux types de fibrillation ventriculaire :

- la fibrillation ventriculaire tonique ou à « grandes mailles ». Les oscillations électriques sont amples et bien voltées ;

- la fibrillation atonique, ou à « petites mailles », peu voltée, de faible amplitude.

Asystolie

Tracé plat, pas d'activité électrique cardiaque.

Dissociation électromécanique

Le myocarde ne bat plus mais l'ECG montre une activité électrique lente à complexes très larges.

-> La cause et le tracé initial déterminent la perspective de la réanimation. La tachycardie ventriculaire et la fibrillation ventriculaire sont de bien meilleur pronostic que l'asystolie ou la dissociation électromécanique, car elles peuvent être réduites par un défibrillateur. La défibrillation automatisée externe a une qualité de détection de l'ordre de 99 %.

CHRONOLOGIE DU RYTHME DANS L'ACR

La chronologie des rythmes ECG des ACR d'origine cardiaque est souvent la même. On retrouve une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire tonique sans pouls, puis une fibrillation ventriculaire atonique, et enfin une asystolie. Les fibres n'étant plus vascularisées, elles s'épuisent rapidement car le coeur ne peut produire de l'énergie qu'en présence d'oxygène. Cette évolution se fait en quelques minutes. On comprend donc l'intérêt de disposer d'une défibrillation automatisée externe le plus rapidement possible.

PHYSIOPATHOLOGIE

Chaque cellule myocardique a la capacité de s'autoexciter. À l'état normal, toutes les cellules sont excitées au même moment par la stimulation du noeud sinusal. Dans la fibrillation ventriculaire, chaque cellule travaille séparément. L'onde électrique émise par le défibrillateur va re-synchroniser la contraction des fibres myocardiques, rendant de nouveau un mécanisme circulatoire efficace. Elle doit réussir à faire passer le plus grand nombre possible de cellules du myocarde en phase réfractaire pour qu'elles repartent toutes en même temps ensuite. Un certain pourcentage de fibres doit se re-synchroniser au même moment pour que le choc soit efficace. Ce pourcentage de fibres est appelé « masse critique ».

RECONNAISSANCE DE L'ACR

Il faut vérifier dans l'ordre : l'état neurologique, respiratoire, puis circulatoire. La victime est en coma aréactif, Glasgow coté à 3, arrêt respiratoire (penser à la libération des voies aériennes), éventuellement gasps, absence totale de pouls carotidien, plus de tension.

DÉROULEMENT DE L'ACTION DE SECOURS

-> Après avoir reconnu l'ACR :

- Avant toute action de secours, penser à la protection, surtout en extra-hospitalier. Dégagement d'urgence de la victime si risque de sur-accident ou endroit difficilement propice à la réalisation d'une RCP (voiture, toilettes...).

- Alerter et demander le chariot d'urgence ainsi que le défibrillateur semi-automatique (intra-hospitalier) ou si un défibrillateur automatique est disponible (extra-hospitalier).

- Noter l'heure.

- Faire réaliser sans délai la réanimation de base : 30 compressions thoraciques pour deux insufflations au bavu (ballon autoremplisseur à valves unidirectionnelles) + oxygène 15 L/min.

- Dénuder la poitrine et scoper le patient.

- Si vous suspectez une origine respiratoire à l'ACR, si la personne est en ACR depuis plus de cinq minutes ou si vous êtes face à un enfant, commencer par 5 cycles (10 pour l'enfant) de réanimation pour oxygéner les cellules myocardiques et rendre la fibrillation ventriculaire plus tonique, mieux réactive à la défibrillation qui va suivre.

- Déposer le défibrillateur près de la personne.

- Mettre en marche l'appareil.

- Écouter et respecter les consignes vocales.

- Préparer la victime (sécher, raser) et coller les électrodes : une sous la clavicule droite, contre le bord droit du sternum, l'autre sur le côté gauche du thorax, 5 à 10 cm en dessous de l'aisselle. L'objectif est que le faisceau électrique traverse le coeur de part en part.

-> Durant la préparation du défibrillateur, la réanimation cardio-pulmonaire doit absolument être poursuivie.

- Le défibrillateur semi-automatique annonce l'analyse du rythme. Arrêter la RCP, s'écarter de la victime.

- Si le défibrillateur semi-automatique annonce « choc indiqué » : rester à l'écart lors de la charge, demander à nouveau de s'écarter de la victime. Appuyer sur le bouton « choc » dès que l'appareil vous invite à délivrer le choc. Reprendre immédiatement la réanimation sans rechercher le pouls.

- Si le défibrillateur semi-automatique annonce « pas de choc indiqué » ou « rechercher les signes de circulations » : aucun rythme choquable n'est décelé. Rechercher le pouls. En son absence, reprendre la RCP.

- Le défibrillateur semi-automatique déclenche une analyse toute les deux minutes.

- Compter et noter l'heure de chaque choc.

- Le défibrillateur doit rester en place jusqu'à l'arrivée d'un médecin.

FONCTIONNEMENT DU DÉFIBRILLATEUR

Le défibrillateur automatique externe (défibrillateur automatique et semi-automatique) est un appareil capable :

- d'analyser le rythme cardiaque de la victime ;

- de reconnaître une tachycardie ventriculaire ou une fibrillation ventriculaire tonique ;

- de se charger automatiquement ;

- de délivrer ou d'inviter à délivrer une quantité d'énergie électrique au travers du thorax (150 joules, biphasique).

C'est un appareil compact, assez léger et robuste.

Il est composé :

- d'un écran d'état de fonctionnement ;

- d'un haut-parleur ;

- d'un accumulateur d'énergie ;

- d'un bouton qui délivre le choc si c'est un défibrillateur semi-automatique.

Il est équipé des accessoires suivants :

- une mémoire qui enregistre les événements (date, heure, tracé ECG, chocs) ;

- des électrodes autocollantes pour capter l'activité cardiaque et pour délivrer le choc électrique. On doit trouver deux paires d'électrodes adultes et une paire d'électrode enfant ;

- une paire de ciseaux pour découper les vêtements ;

- des compresses pour sécher la peau de la victime si besoin ;

- un rasoir pour améliorer le contact des électrodes avec la peau en cas de pilosité importante.

CARACTÉRISTIQUES DU CHOC

Les défibrillateurs modernes sont tous biphasiques : l'onde électrique effectue un aller-retour entre les électrodes, ce qui permet de remettre le maximum de cellules dans le même état de polarisation. La puissance du courant utilisé par ces appareils est généralement de 150 joules contre 360 joules pour les monophasiques. Ce courant moins puissant est aussi moins susceptible de créer des lésions du muscle cardiaque.

CONDITIONS PARTICULIÈRES

- Enfant : allumer le défibrillateur semi-automatique après avoir réalisé 10 cycles de RCP, utiliser des électrodes pédiatriques. Coller les électrodes en antéro-postérieur, l'une sur la face antérieure du thorax, au milieu, l'autre sur sa face postérieure, entre les deux omoplates.

- Nourrisson : pas d'autorisation d'utilisation de défibrillateur automatique externe avant 1 an.

- Timbres médicamenteux : retirer les timbres avant d'appliquer les électrodes.

- Stimulateur cardiaque : coller l'électrode sous le boîtier.

- Eau : elle diminue l'efficacité du choc. Dégager la victime si la zone est mouillée (piscine...), sécher la victime.

- Surface métallique : supprimer tout contact de la victime avec la surface métallique ou conductrice en glissant un isolant sous elle.

- Transport : l'utilisation d'un défibrillateur semi-automatique n'est pas possible car les vibrations du véhicule perturbent l'analyse.

Références

-> Référentiel national de compétences de sécurité civile PSE I.

-> Recommandations pour l'organisation de programmes de défibrillation automatisée externe pour le public (CFRC), décembre 2008.

-> Recommandation formalisée d'experts « Prise en charge de l'arrêt cardiaque » Sfar/SFMU/SFC, septembre 2006.

-> Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 concernant la profession d'infirmier.

-> Décret n° 2007-705 du 4 mai 2007 relatif à l'utilisation des défibrillateurs automatisés externes par des personnes non médecins.