La sclérose en plaques - L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 246 du 01/02/2009

 

neurologie

Cours

Plus de cent ans après sa découverte, la sclérose en plaques reste par certains aspects mystérieuse quant à ses origines et à son évolution. Toutefois, des avancées récentes ont permis d'améliorer à la fois la compréhension des mécanismes de cette maladie et les perspectives thérapeutiques.

La sclérose en plaques (SEP) est une affection neurologique chronique évolutive. Bien que n'étant pas systématiquement invalidante, elle représente la première cause de handicap neurologique acquis non traumatique chez l'adulte jeune. Elle concerne environ 80 000 personnes en France et touche 1 individu sur 1 000 environ, soit entre 2 000 et 3 000 nouveaux cas par an. Chez 70 à 80 % des malades, les premières manifestations cliniques sont observées entre 20 et 40 ans. La sclérose en plaques est une maladie du sujet jeune. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. Il existe également des formes de l'enfant (entre 2 et 5 % des cas commencent avant l'âge de 16 ans) et des formes du sujet âgé. Toutefois, au-delà de 65 ans, les diagnostics différentiels sont nombreux, ce qui complique le diagnostic.

UNE ORIGINE DISCUTÉE

La SEP est une maladie de la substance blanche du système nerveux central. Elle n'atteint jamais le système nerveux périphérique mais peut toucher la substance grise [cf. encadré p. IV]. Elle résulte d'une destruction de la myéline dont l'origine, primitive ou secondaire, reste mystérieuse et discutée. « Toutefois, indique le Dr Sandra Vukusic (praticien hospitalier au service de neurologie A et centre de coordination Edmus sur la sclérose en plaques, hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Hospices civils de Lyon et Inserm U 842, Lyon), l'hypothèse qui rallie aujourd'hui le plus grand nombre de voix consiste à dire que la sclérose en plaques est une maladie démyélinisante, auto-immune, rapidement associée à un processus dégénératif secondaire d'origine inflammatoire. » Cette démyélinisation sélective par plaques multifocales est liée à une réaction auto-immune vis-à-vis d'un antigène cible myélinique. La destruction de l'élément trophique que constitue la gaine de myéline engendre un trouble de la conduction nerveuse à l'origine des symptômes cliniques et d'une souffrance axonale constituant l'un des mécanismes de la composante neurodégénérative de la sclérose en plaques. « Au-delà de la réaction auto-immune, précise le Dr Vukusic, il existe probablement un terrain génétique favorisant la dérégulation du système immunitaire, puisqu'on observe des formes familiales de SEP (1). Si le principal gène incriminé est un gène du système HLA (HLA-DR2) surreprésenté chez les patients atteints de sclérose en plaques, ce gène n'est pas seul en cause, et des études sont actuellement en cours pour mieux cerner ces gènes de susceptibilité. »

LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA MALADIE

La sclérose en plaques peut prendre plusieurs formes selon qu'elle commence progressivement (15 % des cas) ou par des poussées (85 % des cas).

Formes commençant par des poussées

Les poussées sont le reflet clinique de l'apparition d'une nouvelle lésion aiguë focale inflammatoire démyélinisante ou de la réactivation d'une lésion ancienne dans le système nerveux central. Elles se développent sur une durée allant de quelques heures à quelques jours, pour atteindre une phase de plateau suivie d'une récupération plus ou moins complète. Les patients dont la maladie se manifeste par des poussées d'emblée ont une forme de sclérose en plaques dite rémittente (qui s'améliore de façon temporaire) récurrente (qui se reproduit à distance). Cette forme concerne plutôt des sujets jeunes. Parmi ces patients, certains vont rester en forme rémittente et faire des poussées dont ils vont plus ou moins récupérer ou conserver des séquelles, mais sans évolution progressive de la maladie. Toutefois, dans la majorité des cas, les patients rémittents évoluent dans un deuxième temps vers une forme secondairement progressive de la maladie, avec ou sans poussées surajoutées. On considère que si l'on suivait tous les patients très longtemps, cette évolution surviendrait chez l'intégralité d'entre eux.

Formes progressives d'emblée

La progression est définie par une aggravation continue des symptômes neurologiques sur une période d'au moins six mois. La progression serait le reflet de la dégénérescence diffuse chronique et évolutive du système nerveux central. En général, lorsqu'elle survient, elle ne s'interrompt plus. Les personnes atteintes de cette forme de sclérose en plaques ne s'en rendent souvent pas compte tout de suite ; les symptômes s'installent progressivement et s'aggravent de manière continue sur plusieurs mois ou plusieurs années. D'installation insidieuse, cette forme de SEP est plus difficile à diagnostiquer car ses symptômes sont similaires à ceux d'autres maladies. L'âge est un critère qui oriente le diagnostic car plus on avance en âge (45-50 ans), plus le début de la maladie est progressif. Comme pour la forme secondairement progressive, la forme progressive d'emblée peut être ou non associée à distance à des poussées. On se trouve donc en présence de trois formes cliniques principales :

- la forme rémittente-récurrente ;

- la forme secondairement progressive (avec ou sans poussées surajoutées) ;

- la forme progressive d'emblée (avec ou sans poussées surajoutées).

MÉCANISMES CLINIQUES DE DÉCLENCHEMENT

La maladie se manifeste cliniquement alors qu'elle est déjà probablement présente depuis plusieurs années. « Une hypothèse probable, indique le Dr Vukusic, est que, dans l'enfance ou l'adolescence, chez des sujets ayant un terrain de susceptibilité génétique, la rencontre avec certains virus ou plus vraisemblablement avec un ensemble de virus, déréglerait le système immunitaire et permettrait à la maladie de s'installer sans se déclarer immédiatement par des symptômes. Ensuite, il est encore difficile de dire ce qui déclenche précisément la maladie ou à quel moment les premières manifestions vont apparaître. C'est aléatoire. »

Certes, les facteurs incriminés sont nombreux (infections, vaccins, traumatismes crâniens, anesthésies, stress). Ils sont souvent évoqués par les patients qui cherchent une explication rationnelle à leur état en rattachant leurs poussées à un événement particulier. « Cela peut effectivement coïncider avec un stress, mais combien de situations de stress ont-ils vécu sans déclenchement de poussées ?, interroge la spécialiste. Il ne faut donc pas tenir pour preuve un événement en particulier car, à part la grossesse ou plus exactement les mois qui suivent l'accouchement [cf. encadré p. V], aucun élément scientifique n'apporte la preuve que ces événements constituent des facteurs réellement déclenchants. »

De nombreuses études épidémiologiques sont pourtant réalisées, mais soit elles ne sont pas confirmées par les études IRM (cas des infections), soit elles apportent des résultats contradictoires, voire inverses. Par exemple, concernant le stress, une étude danoise montre que le risque de déclencher une sclérose en plaques est plus important chez des personnes qui ont subi le décès d'un enfant tandis qu'une étude israélienne montre que les personnes exposées aux bombardements présentent moins de risque de poussées.

« De même, ajoute le Dr Vukusic, aucun élément scientifique ne permet d'établir que la vaccination contre l'hépatite B déclenche des scléroses en plaques chez des patients qui n'en ont pas, ou des poussées chez des patients qui ont une sclérose en plaques [cf. encadré p. VII]. La seule certitude que nous ayons, c'est que les facteurs qui déclenchent les manifestations cliniques inaugurales seront les mêmes que ceux qui déclencheront les poussées tout au long de la maladie. »

MANIFESTATIONS CLINIQUES

D'une manière générale, les manifestations cliniques des poussées de sclérose en plaques sont les mêmes chez l'adulte et l'enfant. Toutefois, l'expression de la maladie chez l'enfant présente des particularités en termes de symptômes et de pronostic.

Manifestations communes à l'adulte et l'enfant

Lorsqu'une poussée survient, les symptômes neurologiques d'atteinte du système nerveux central apparaissent de façon subaiguë, en quelques heures ou quelques jours. Ils durent de quelques jours à quelques semaines et régressent spontanément de manière complète dans la grande majorité des cas au début de la maladie.

Le premier symptôme, qui est aussi le plus fréquent, est la névrite optique rétrobulbaire. Cette atteinte peut se manifester par une baisse de l'acuité visuelle, une impression de voile devant l'oeil, voire une tache dans l'oeil, une mauvaise perception des couleurs et/ou une douleur à la mobilisation du globe oculaire (symptôme unilatéral). Ce symptôme constitue un signe d'appel assez fort car il est présent au début de la maladie dans un quart des cas. Au-delà de ce symptôme majeur, les patients peuvent présenter tous les symptômes caractéristiques de l'atteinte du système nerveux central : fourmillements, perte de force au niveau d'un membre (jambe, main), troubles de l'équilibre, incoordination, troubles vésico-sphinctériens, vision double, vertige, paralysie faciale... Ces symptômes peuvent être associés ou non en fonction de l'endroit où se situe la lésion.

Particularités cliniques de l'enfant

Chez l'enfant, la poussée se manifeste de façon beaucoup plus impressionnante en raison notamment de signes encéphaliques (céphalées, troubles de la vigilance, fièvre, vomissements) très rarement observés chez l'adulte. Ces signes constituent la principale différence clinique. Une autre particularité de l'enfant tient au fait que l'évolution vers le handicap est plus longue chez ce dernier (en moyenne vingt ans contre quinze chez l'adulte).

Toutefois, cela ne constitue pas un facteur de bon pronostic car la maladie débutant plus tôt, le sujet vit beaucoup plus longtemps handicapé comparé aux personnes qui déclarent une sclérose en plaques à 30 ou 40 ans et dont le handicap survient quinze ans plus tard. Enfin, la survenue d'une sclérose en plaques chez un enfant ou un adolescent expose à tous les problèmes liés à la prise en charge d'une maladie chronique chez des individus en cours de développement auxquels on administre des traitements de fond susceptibles de perturber la croissance, la scolarité et la vie sociale, et d'entraîner des désordres psychologiques.

DIAGNOSTIC

En l'absence de signes pathognomoniques (signes diagnostiques de certitude) et de test diagnostique spécifique à cette maladie, le diagnostic de sclérose en plaques repose sur un faisceau d'arguments mis en évidence par l'interrogatoire, l'examen clinique et les examens complémentaires. « Lorsque les patients consultent pour des troubles neurologiques en lien avec un diagnostic possible de SEP, un certain nombre d'éléments doivent être réunis pour poser le diagnostic avec certitude. Dans le cas contraire, et s'il n'existe pas d'alternative diagnostique permettant d'éliminer une SEP, nous devons attendre d'avoir plus d'éléments pour confirmer le diagnostic, explique le Dr Vukusic. Ceux-ci peuvent nous être apportés avec le temps par le suivi clinique (la survenue d'une deuxième poussée), ou la répétition des examens d'imagerie IRM. » Les éléments qui permettent de suspecter et de confirmer le diagnostic reposent sur les prérequis suivants.

Contexte

Si le patient présente des signes d'atteinte du système nerveux périphérique, cela exclut une sclérose en plaques. De la même manière, si l'atteinte concerne la substance grise, d'autres organes, ou s'il s'agit d'une personne âgée ou d'un enfant, on s'orientera d'emblée vers d'autres pathologies. Les éléments du contexte sont l'âge (maladie du sujet jeune) et l'atteinte isolée (maladie du cerveau et de la moelle épinière, exclusivement) de la substance blanche du système nerveux central. Dans ce contexte, les quatre critères suivants participent à l'établissement du diagnostic.

Dissémination des symptômes dans le temps

Elle peut se traduire par la présence d'au moins deux épisodes différents à des moments séparés d'au moins un mois, ou par une poussée suivie du début de la phase progressive. Pour les formes progressives d'emblée, où il n'existe par définition qu'un seul événement inaugural, le critère de dissémination des symptômes dans le temps est rempli dès lors que la maladie évolue et continue à s'aggraver sur plus d'un an.

Dissémination des symptômes dans l'espace

La SEP est une maladie multifocale qui touche des espaces différents du système nerveux central. Ce critère constitue un élément indispensable du diagnostic. Il peut être objectivé cliniquement et/ou par des examens d'imagerie ou d'électrophysiologie.

Inflammation du système nerveux central.

Elle est confirmée par la ponction lombaire et l'analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR).

Absence de syndrome inflammatoire général.

La sclérose en plaques est une maladie isolée du système nerveux central qui n'atteint aucun autre organe ni ne présente de syndrome inflammatoire général tel qu'il en existe dans le lupus ou la maladie de Gougerot- Sjögren, par exemple. Ces critères différentiels permettent d'écarter certaines pathologies d'emblée. « La manière dont ces prérequis sont associés permet d'établir le diagnostic et la forme de la maladie, poursuit la spécialiste. Par exemple, un patient de 35 ans (jeune) qui a fait une névrite optique il y a un an et qui revient parce qu'il a des fourmillements dans les deux jambes présente une dissémination des symptômes dans le temps et une dissémination des symptômes dans l'espace car on est en présence de deux épisodes à plusieurs mois d'intervalle (critère de dissémination des symptômes dans le temps) et forcément deux endroits du système nerveux central qui sont touchés (critère de dissémination des symptômes dans l'espace) car anatomiquement, une même lésion ne peut pas donner à la fois une névrite optique et des troubles sensitifs dans les deux jambes. »

En théorie, ces trois critères (âge, dissémination des symptômes dans le temps, dissémination des symptômes dans l'espace) pourraient à eux seuls permettre d'établir le diagnostic clinique de sclérose en plaques sans faire aucun examen complémentaire. En pratique, il est rare qu'en présence d'une suspicion de SEP, les cliniciens attendent la survenue du deuxième épisode pour confirmer le diagnostic. La conduite dans ce cas consiste plutôt à « traquer » les signes par une IRM, complétée si nécessaire (atypies) par une ponction lombaire (le liquide céphalo-rachidien est anormal chez 40 % des patients suspects de sclérose en plaques et 90 % des SEP certaines) (2).

Réalisée trois ou six mois après le premier épisode clinique, l'IRM permet de constater la présence de nouvelles lésions (3) qui confirment les critères de dissémination dans le temps et dans l'espace alors même que le patient reste asymptomatique (critères de McDonald). Lorsque ni la clinique ni l'IRM ne permettent de poser le diagnostic, il est possible d'avoir recours aux potentiels évoqués, en particulier visuels, pour attester d'une atteinte à un autre endroit (cf. encadré p. VI). Par exemple, chez des patients qui présentent une gêne à la marche ou des troubles de la sensibilité plutôt évocateurs d'une lésion médullaire, l'examen des potentiels évoqués visuels, s'il est anormal, peut attester de la présence d'une atteinte visuelle infraclinique et donc de la dissémination des lésions cérébrales, apportant la preuve qu'il s'agit d'une sclérose en plaques.

ÉVOLUTION VARIABLE

Dans le grand public, la SEP est généralement perçue comme une maladie grave très invalidante. Cette perception rend l'annonce du diagnostic très difficile car les patients associent d'emblée la maladie au handicap, voire à la mort. « Or, insiste le docteur Vukusic, c'est une maladie dont l'évolution peut être extrêmement variable d'un individu à l'autre. S'il est difficile d'appréhender le pronostic au début de la maladie, il est important de préciser que la sclérose en plaques ne fait pas mourir et qu'elle peut être bénigne. Environ un quart des patients ont une forme bénigne, voire asymptomatique, et font des poussées dont ils récupèrent parfaitement sans qu'on le sache, car ils n'en parlent pas. »

Il est donc important de le savoir pour donner des raisons d'espérer aux patients. Parmi les deux tiers des patients dont le handicap progresse au cours de la maladie, 50 % perdent progressivement leur autonomie à la marche et passent à terme au fauteuil roulant et 50 % conservent l'usage de la marche mais avec une gêne fonctionnelle qui réduit progressivement leur périmètre d'autonomie et peut justifier le recours à une aide pour se déplacer.

HANDICAP

La survenue du handicap est très variable d'un patient à l'autre. Elle peut être extrêmement précoce ou, à l'inverse, n'apparaître que tardivement. En moyenne, le handicap se traduit, après huit ans, par une réduction du périmètre de marche comprise entre 500 mètres et 1 kilomètre ; après vingt ans par un recours à une aide technique et/ou une autonomie limitée à moins de 100 mètres ; et après vingt-cinq à trente ans par l'utilisation du fauteuil roulant.

Pour l'heure, compte tenu de la durée d'évolution de la maladie (trente à quarante ans, voire plus), le recul dont on dispose avec les traitements récents (une douzaine d'années) ne permet pas encore de savoir s'il existe un impact des traitements sur l'évolution du handicap à long terme. D'autant que les traitements actuellement disponibles agissent essentiellement sur le système immunitaire et l'inflammation, donc sur les formes récurrentes-rémittentes et secondairement progressives, et beaucoup moins sur les formes progressives d'emblée et la dégénérescence.

TRAITEMENTS

Schématiquement, on peut distinguer trois grandes familles de traitements contre la sclérose en plaques.

Traitement des poussées

Ils sont utilisés au cours des épisodes aigus, afin d'accélérer la récupération des symptômes apparus de manière récente. En revanche, ils n'améliorent pas la qualité de cette récupération. Ce sont des traitements courts, dont on peut s'abstenir car la poussée régresse naturellement du fait de la réparation spontanée de la myéline. C'est une des raisons pour lesquelles seules les poussées gênantes pour les patients sont traitées.

Dans ce cas, le traitement repose sur la cortisone (méthylprednisolone, Solumédrol®) à forte dose en bolus de 1 gramme par jour pendant trois à cinq jours par voie intraveineuse (4). Des alternatives sont en cours d'évaluation et notamment la même dose par voie orale sachant qu'une dose standard de 60 à 80 mg n'est pas efficace. Il est également important de préciser à ces patients que le traitement d'une poussée n'est pas une urgence thérapeutique et qu'il ne doit intervenir que si les symptômes perdurent plus de vingt-quatre heures (en deçà, on ne peut pas parler de poussée).

Traitements symptomatiques

« Souvent négligés, les traitements symptomatiques sont pourtant aussi importants, voire parfois plus importants que le traitement de fond », insistent les spécialistes. Ils consistent à traiter les troubles séquellaires de la maladie (fatigue, troubles sphinctériens - fuites, pollakiurie -, trouble de la marche ou spasticité, constipation, troubles sexuels, douleurs...) dans le but d'améliorer la qualité de vie des patients.

Les soignants doivent être particulièrement attentifs à la prescription de ces traitements, qu'ils soient médicaux ou qu'ils fassent appels aux techniques de réentraînement à l'effort (fatigue) ou de kinésithérapie. Celle-ci est indispensable pour préserver l'autonomie des patients le plus longtemps possible et pour maintenir la capacité de transfert des patients très handicapés, en évitant les rétractions tendineuses liées aux attitudes vicieuses. « Ces traitements sont indispensables car ce sont eux qui améliorent véritablement l'état et la qualité de vie des patients. Ils doivent être instaurés dès l'apparition des troubles et sont d'autant plus importants que le handicap progresse car le traitement de fond devient inopérant. »

Traitement de fond

Son objectif est strictement préventif. Il sert à diminuer la fréquence des poussées, à empêcher l'apparition de la progression du handicap ou à le stabiliser s'il est déjà installé. En aucun cas, le traitement de fond ne fait régresser les symptômes déjà présents ni n'améliore les handicaps acquis. Il est important de l'expliquer aux patients car certains arrêtent leur traitement parce qu'ils ne voient pas leur état s'améliorer. Les traitements de fond bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication sont les interférons bêta (Betaferon®, Rebif®, Avonex®), les plus anciens reconnus comme étant efficaces dans le traitement de la SEP, l'acétate de glatiramère (Copaxone®), commercialisé en France depuis 2002, le natalizumab (Tysabri®), disponible sur le marché depuis mai 2007, et la mitoxanthrone (Elset®, Novanthrone®), anticancéreux utilisé à des doses moindres pour son effet immunosuppresseur [cf. conduite à tenir p. X].

En pratique, d'autres traitements sont également utilisés bien que n'ayant pas l'AMM dans cette indication. Il s'agit principalement des immunosuppresseurs en comprimés tels que l'azathioprine (Imurel®) et le mycophénolate mofétil (Cellcept®). « Historiquement, l'Imurel® est le premier traitement qui a été proposé dans la SEP, explique le Dr Vukusic. Comme le Cellcept®, utilisé en remplacement de l'Imurel® chez les patients qui ont un lupus ou sont greffés, c'est un immunossupresseur par voie orale qui présente une efficacité certaine mais qui n'a jamais fait l'objet d'essais thérapeutiques aboutis permettant de lui attribuer une AMM dans cette indication. On utilise également le méthotrexate par voie orale ou intramusculaire dans les formes progressives ou encore, l'Endoxan® par voie intraveineuse dans les mêmes indications que la mithoxantrone en cures dans des formes très évolutives » [cf. conduite à tenir p. X].

Les immunosuppresseurs par voie orale restent dans l'arsenal thérapeutique de façon non officielle car ils constituent une alternative intéressante pour les patients qui n'acceptent pas ou ne supportent pas les traitements injectables. Le choix va dépendre de la forme clinique de la maladie, de la rapidité d'évolution des symptômes, des préférences du patient et du neurologue, et des contraintes liées à chaque médicament.

Schématiquement, l'ensemble de ces traitements peut être répertorié selon des critères d'efficacité croissants mais plus les traitements sont efficaces plus les effets indésirables sont potentiellement graves :

> Première intention : interférons, Copaxone®,

voire immunosuppresseurs par voie orale pour les patients réfractaires à la voie parentérale (S/C ou IM).

> Deuxième ligne en cas d'échec ou d'intolérance au traitement de première ligne : Tysabri®.

> Troisième ligne : chimiothérapies anticancéreuses (mithoxantrone, Endoxan®).

Induction du traitement

Les premières autorisations de mise sur le marché des traitements de fond nécessitaient d'attendre que le patient ait fait deux poussées en deux ou trois ans selon les médicaments avant d'instaurer le traitement. Ces AMM ont été étendues dans un second temps à une utilisation dès le premier épisode, à condition que les critères IRM associés aux arguments cliniques permettent au clinicien d'être sûr du diagnostic. Elles fondent leur décision sur l'idée qu'il faut traiter le plus tôt et le plus fort possible pour prévenir le handicap à long terme. Certaines équipes préfèrent toutefois attendre un second épisode avant de proposer un traitement. Elles jugent qu'en l'état actuel des connaissances, l'abstention thérapeutique peut parfois s'avérer préférable dans cette période de la maladie où le traitement est souvent plus lourd que le ressenti de la maladie elle-même et où l'on ne sait pas évaluer le délai (parfois plusieurs années) avant la survenue de la deuxième poussée.

PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES

Contre la sclérose en plaques, la recherche offre des pistes assez prometteuses. De nombreux travaux sont en cours. Certains explorent de nouvelles voies (allogreffes de moelle osseuse pour traiter les formes très rapidement évolutives, par exemple) ; d'autres valident l'efficacité de nouveaux traitements immunosuppresseurs ou des formes orales de médicaments disponibles par voie injectable ; d'autres encore s'intéressent aux potentialités de certains médicaments déjà commercialisés pour d'autres pathologies, tels que l'alemtuzumab ou le rituximab (5). Enfin, certains testent de nouvelles idées, comme la possibilité d'un traitement hormonal, dans la foulée des enseignements tirés des effets protecteurs de la grossesse.

Autant dire qu'il y a des raisons de penser que l'aboutissement de toutes ces recherches apportera des réponses thérapeutiques qui permettront d'améliorer la qualité de vie des patients atteints de cette maladie chronique. En attendant, il convient de rester pragmatique et d'utiliser les thérapeutiques disponibles sans oublier que les traitements symptomatiques doivent occuper une place prépondérante dans la prise en charge globale des patients.

1- Entre 5 et 10 % des patients atteints de sclérose en plaques ont dans leur entourage ou leurs antécédents une personne qui a une SEP. Chez les jumeaux monozygotes, le risque pour le jumeau d'avoir une SEP lorsque son jumeau est atteint est de 30 %.

2- La ponction lombaire est le seul examen permettant d'affirmer la nature immunitaire ou inflammatoire de la maladie.

3- En présence de lésions à l'IRM après un premier épisode clinique suggérant une SEP, les critères de Barkhof (voir : http://www.has-sante.fr/ portail/upload/docs/ application/pdf/ sclerose3.pdf) permettent de différencier les lésions de SEP des lésions liées à d'autres maladies.

4- Source : Haute Autorité de santé, conférence de consensus : « La Sclérose en plaques », jeudi 7 et vendredi 8 juin 2001, amphithéâtre Charcot, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.

5- L'alemtuzumab a fait l'objet d'un essai de phase II sur 334 patients, dont les résultats relatifs aux bénéfices sur les poussées (rechutes moins fréquentes qu'avec l'interféron bêta-1) et à l'amélioration des images IRM, ont suscité beaucoup d'émoi. Toutefois, il convient de préciser qu'au cours de cette évaluation, sept patients traités par ce produit ont été atteints d'un purpura thrombopénique idiopathique (destruction des plaquettes pouvant entraîner des hémorragies massives) d'origine immunologique, dont un des patients est mort. En outre, le traitement semble favoriser la survenue de maladies auto-immunes de la thyroïde et d'infections. La sévérité et la fréquence des effets indésirables et des complications de ce traitement imposent, même s'il est prometteur, d'attendre les résultats des essais de phase III actuellement en cours.

Substance grise

En théorie, la sclérose en plaques est exclusivement une maladie de la substance blanche du système nerveux central. Cependant, à l'époque de la découverte de la maladie, Charcot avait déjà évoqué l'existence possible de lésions anatomiques au niveau du cortex (substance grise). Récemment, de nouvelles technologies d'investigation (imagerie, examens anatomopathologiques) ont montré qu'il existait également des lésions de la substance grise associées à une souffrance secondaire des neurones due à la destruction de la myéline.

La grossesse

Jusque dans les années 1990, être atteint de la sclérose en plaques contre-indiquait la grossesse. L'étude européenne Prims, conduite par le Pr Confavreux (Lyon) auprès de plus de 250 femmes enceintes de douze pays européens, a permis de clarifier les interactions entre SEP et grossesse et de changer complètement le discours des neurologues sur ce point. En résumé, cette étude montre que pendant la grossesse, une femme atteinte de sclérose en plaques présente un risque de poussée qui diminue tout au long de sa grossesse. Le taux de poussée moyen d'une femme en âge d'avoir un enfant est de 0,6 à 0,7 par an, soit une poussée tous les deux ans environ. Au cours du troisième trimestre, le risque descend à 0,2 par an, attestant d'un effet protecteur ponctuel de la grossesse. En revanche, dans les trois mois qui suivent l'accouchement, le risque de poussée est multiplié par 2 à 3 par rapport au risque de base. Il augmente à 1,2-1,4 (une femme sur trois en moyenne fait une poussée durant cette période), ce qui montre un effet déclencheur du post-partum. Toutefois, il faut préciser que cette poussée n'est pas plus grave que celles qui ont lieu à un autre moment de la vie et que, lorsqu'on raisonne en « année-grossesse » (neuf mois de grossesse et trois mois après l'accouchement), le taux de poussées moyen est similaire à celui des années qui précèdent ou suivent la grossesse. Il ressort donc de cette étude que la grossesse ne change rien à moyen et long terme à l'évolution de la maladie, et que les femmes qui souhaitent avoir un enfant peuvent, malgré la SEP, envisager ce projet, à condition d'être dans une période « calme » de leur maladie.

Les potentiels évoqués

Les potentiels évoqués sont une technique qui consiste à stimuler un récepteur sensoriel et à calculer le temps écoulé entre la stimulation et l'arrivée des influx nerveux dans une région précise du cerveau. Leur étude permet d'appréhender la façon dont le système nerveux perçoit et transmet les sensations visuelles, auditives et sensitives. Ils permettent de confirmer l'atteinte clinique lorsque les symptômes sont inhabituels, de dépister une atteinte cliniquement muette et de pouvoir démontrer, a posteriori, la réalité d'un symptôme ou d'un signe qui a complètement régressé. Les anomalies observées confortent l'argument de dissémination des lésions dans le temps et l'espace.

Source : http://www.sclerose-en-plaques.apf.asso.fr.

Quel lien avec le vaccin anti-hépatite B?

Jusqu'ici, les études visant à montrer une association entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques ont donné des résultats négatifs, sauf deux d'entre elles. Les résultats de la première, publiée en 2004 dans Neurology, n'ont pas été retenus par l'Organisation mondiale de la santé car ils reposaient sur une population particulière, non représentative de la population générale, et présentaient beaucoup de risques d'erreurs. Plus récemment, un article publié dans Neurology par Marc Tardieu et Yann Mikaeloff (1) sur une cohorte neuro-pédiatrique française a suggéré qu'une vaccination par Engerix B® (vaccin recombinant contenant un antigène du virus de l'hépatite B -antigène HBs) pourrait entraîner une augmentation du risque si l'on ne considère que les SEP certaines, dans un sous-groupe de sous-groupes de patients présentant des critères particuliers. Or, il faut retenir d'abord que le résultat principal de cette étude montre qu'il n'y a pas d'augmentation du risque de SEP après vaccination contre l'hépatite B chez l'enfant en général. L'augmentation du risque retrouvée dans ce sous-groupe pourrait être liée aux spécificités de ce sous-groupe ou à des problèmes méthodologiques. Ces résultats ne peuvent donc pas être retenus et généralisés à l'ensemble de la population. Les autorités sanitaires recommandent aujourd'hui de vacciner les enfants contre l'hépatite B car elles considèrent qu'il n'existe aucun lien démontré entre le vaccin et la survenue de poussées de SEP ou de nouveaux cas de la maladie.

1- Hepatitis B Vaccine and the Risk of CNS Inflammatory Demyelination in Childhood, novembre 2008.