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Horizons
Quand le handicap, la maladie ou la vieillesse touchent leurs proches, conjoints et parents peuvent avoir besoin de partager leurs expériences hors des lieux de soins. Les Cafés des aidants se veulent un terrain propice à ces échanges.
Dix janvier, place des Terreaux, à Lyon. Depuis le mois d'octobre, un samedi matin par mois, l'Association française des aidants familiaux propose à des proches de personnes malades de se retrouver et d'engager la conversation. Ici, c'est une autre association, l'École des parents (1), qui met ses locaux à disposition. Edwige Lafaury, psychologue clinicienne et Nadia Nacer, coordinatrice, installent gâteaux et boissons autour d'une table. C'est par cet instant de partage, de respiration, que débute chaque réunion. « Ici, on ne fait pas de thérapie, prévient d'emblée Edwige Lafaury. On est là pour aider les participants à mettre des mots sur ce qu'ils vivent, à reconnaître leurs émotions, à partager leurs expériences... »
Dans un esprit de liberté : c'est gratuit, il n'y a pas d'obligation de revenir d'une fois sur l'autre, et après avoir décliné son nom et son prénom, chacun dévoile ce qu'il veut sur sa situation d'aidant. Aujourd'hui, par exemple, se présentent la mère d'un enfant autiste, les accompagnateurs de personnes âgées dépressives ou atteintes par la maladie d'Alzheimer, une personne confrontée à l'entrée de sa mère en maison de retraite... Après leur succincte présentation, la psychologue lance la conversation sur le thème que les participants ont choisi d'aborder : « Comment coordonner aide familiale et aide professionnelle ? » « Il n'est pas toujours facile pour les proches d'accepter l'intervention des professionnels. Et vice- versa ! Chaque famille est particulière. Et les institutions ont leurs propres règles... » « Au départ, reconnaît la parente d'une personne âgée, les familles se sentent évincées, comme incapables. C'est difficile de confier son proche à des inconnus. Pour moi, ce terme de "coordonner" contient celui de "séparer" ! » « Non, c'est plutôt accorder ce qui est séparé », réagit une autre aidante...
« Pour éviter une rivalité, créer une relation de partenariat, il faut déjà comprendre le rôle de chaque intervenant, suggère la psychologue. Cela permet d'éviter de le mettre en porte-à-faux ou de lui demander quelque chose qui n'entre pas dans son domaine de compétence. Il faut aussi savoir partager des informations. » « C'est difficile, quand on est confronté à un manque de personnel ou à un changement fréquent des interlocuteurs, intervient un participant. Surtout dans les hôpitaux : ils se ressemblent tous, avec les mêmes couleurs de tenues, les mêmes badges illisibles... Et puis, chacun a sa manière de procéder. C'est pourquoi, dans une même institution, on peut parfois faire confiance à une infirmière et pas à une autre. » « Comment la créer, cette entente ? », rebondit Edwige. Intervention d'Élise, ancienne infirmière : « Il faut parler de tout. Il est très important d'aller main dans la main, autrement c'est l'aidé qui en pâtit. » « Des confrontations naissent parfois de bonnes choses », la contredit-on aussitôt...
En revanche, tous s'accordent à dire que « l'échange ne doit pas être seulement technique mais aussi humain ». Sur l'importance du sourire et de l'empathie. Sans pour autant entrer dans l'intime... Joseph, actuel accompagnant familial, adhérant à l'Adapei(2) du Rhône et médecin généraliste à la retraite, explique aussi que pour pouvoir être aidée, « la famille doit avoir fait son deuil du vieillard ou de l'enfant idéal, en ayant accepté la situation de dépendance ou de handicap ». Pour lui, les situations de conflit surviennent surtout « quand les professionnels se défilent, en refusant de vous recevoir ou en se murant dans le silence. Cela arrive parfois aux médecins, qui ne sont pas formés à la relation ». « Dans ces cas-là, le minimum est qu'ils passent le relais à quelqu'un d'autre », commente Élise... « Une fois, soupire une dame demeurée jusque-là silencieuse, je ne suis parvenue à être écoutée qu'en décrochant un rendez-vous à la hussarde. C'est pourtant si peu conforme à ma nature ! » Une heure et demie vient déjà de s'écouler. Comme midi approche, il est proposé de se revoir le mois suivant autour d'un nouveau thème : « Comment prendre soin de soi. »
C'est en novembre 2003, avec une amie, que Caroline Laporthe, ancienne journaliste dans la presse santé, a eu l'idée de fonder l'Association française des aidants familiaux. Pourquoi ? « Parce les aidants ne sont parfois pas entendus, pas soutenus ! répond-elle. Mal préparés à cette tâche, certains proches vont au-delà de leurs forces, sombrent dans la dépression... Il arrive même que l'aidant décède plus vite que la personne aidée ! C'est pourquoi je considère ces cafés comme un programme de prévention de santé publique. Ils permettent aussi aux aidants de se rassurer, de s'améliorer dans leur rôle, d'exprimer leurs sentiments de frustration, de culpabilité ou de colère. Nous pouvons également contribuer à limiter les phénomènes de maltraitance . »
D'abord soutenus à Paris par l'Union nationale des associations d'aide à domicile et la Ville, les Cafés des aidants essaiment en province, avec le soutien des conseils généraux et de différents partenaires (Centres communaux d'action sociale, Clic, École des parents, ADMR...). Des ouvertures qui se font au gré des rencontres et des occasions... Ne sont-ils pas redondants par rapport à d'autres actions menées par des associations spécialisées ? « Dans la mesure du possible, commente Caroline Laporthe, nous essayons de nous implanter sur des territoires où il n'existe pas déjà de groupes de parole conduits par la caisse régionale d'assurance-maladie ou la Mutualité sociale agricole... Par ailleurs, beaucoup d'associations spécialisées fournissent des renseignements sur la maladie, les structures d'accueil, sans pour autant assister les aidants... De plus, nos groupes sont volontairement hétérogènes, puisqu'ils mélangent notamment des proches d'handicapés et de personnes âgées. Cela permet une mise à distance différente, en offrant la possibilité de ne pas s'enfermer dans une seule pathologie. »
Quant aux limites du dispositif, elles sont lucidement rappelées par Caroline Laporthe : « Il est clair que nous ne sommes pas là pour répondre à des situations d'urgence et que l'on ne pourra pas résoudre tous les problèmes des gens. Nous n'apportons aucune aide matérielle ou financière. Mais nous donnons des pistes d'action et jouons parfois le rôle de bouée de sauvetage, voire de porte d'entrée dans le système, puisque nous renseignons aussi sur les autres structures existant autour de nous. »
1- L'École des parents et des éducateurs du Rhône, tél. : 04 78 27 44 29, http://www.ecole-des-parents.org.
2- Adapei : Association départementale des amis et parents de personnes handicapés mentales.
Les Cafés des aidants, s'ils s'adressent d'abord aux proches des malades, échangent également avec les professionnels qui les prennent en charge. « Comme dans la pratique, nous nous sommes aperçus qu'ils s'y intéressaient beaucoup, pointe Caroline Laporthe, notre association anime justement jusqu'au 15 juin prochain une série de conférences gratuites ouvertes à tous sur le thème "Aide à domicile : la collaboration entre les familles et les professionnels" dans le bus Ircem(1), en tournée dans les grandes villes de France. »
Il sera à Bordeaux le 6 mars, Biarritz le 13 mars, Toulouse le 20 mars, Marseille le 28 mars, Montpellier le 3 avril, Nice le 10 avril, Valence le 17 avril, etc. Pour s'informer et s'inscrire, se rendre sur le site Internet http://www.aidants.fr, rubrique « prochains rendez-vous ». Il est également possible d'assister au congrès annuel de coordination des Cafés des aidants, à Paris le 5 juin prochain.
1- L'Ircem est un groupe de mutuelle, de retraite complémentaire et de prévoyance.
- Association française des aidants familiaux, 32, rue Levert, 75020 Paris.
Une permanence d'écoute et d'information est assurée chaque samedi matin, de 8 heures à midi, au 09 50 27 00 08.
Site Internet : http://www.aidants.fr. Courriel : aide@aidants.fr.