Contrat de travail
Juridique
Si la nouvelle forme de rupture du contrat de travail est censée reposer sur un accord entre les parties, elle peut aussi aider un employeur à se débarrasser d'un salarié sans motif légal.
La loi du 25 juin 2008 (1) a instauré un nouveau mode de rupture du contrat de travail, appelé rupture conventionnelle. Désormais, un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) peut être rompu d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Cet accord, ou rupture conventionnelle, est distinct du licenciement ou de la démission. En théorie, il ne peut être imposé par l'une ou l'autre des deux parties.
La rupture conventionnelle doit être précédée d'un ou plusieurs entretiens entre le salarié et l'employeur. Cependant, l'accord interprofessionnel ne précise ni la durée de ces entretiens ni leur fréquence.
Durant ces entretiens, les parties doivent s'entendre sur le principe de la rupture. Imaginons la situation suivante : une clinique a décidé de se débarrasser d'une de ses infirmières, salariée, sans disposer de raison valable ou de motif légal de licenciement. Un membre de la direction va convoquer l'infirmière pour lui faire connaître ses intentions de se séparer d'elle, en lui signifiant qu'il serait de son intérêt d'accepter ce départ, sachant que sa présence dans la clinique ne serait plus souhaitée.
L'infirmière, elle, n'a aucun motif ni envie de quitter son poste. Libre alors à l'employeur de la convoquer tous les jours pour la persuader de l'intérêt de son départ. Ces entretiens à répétition vont être vécus par l'infirmière comme un véritable harcèlement et celle-ci n'aura plus, à terme, d'autre choix que d'accepter la rupture.
Reste que lors de ces entretiens, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix, délégué du personnel ou un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative (la DDTEFP) (2). Dans ce cas, la même faculté est offerte à l'employeur, lequel peut être assisté d'une personne de son choix membre de l'entreprise, d'un membre de son organisation syndicale d'employeurs, voire d'un autre employeur appartenant à la même branche.
À l'issue de ces entretiens, une convention de rupture actant de l'accord des parties doit être signée, et le salarié comme l'employeur disposent d'un délai de quinze jours calendaires (tous les jours de la semaine) pour se rétracter. Il est préférable de se rétracter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, voire par lettre remise en main propre à l'employeur, contre décharge mentionnant la date de remise.
À l'issue du délai de rétractation de quinze jours, une demande d'homologation doit être adressée par l'employeur à la DDTEFP, accompagnée de la convention de rupture. À défaut de réponse dans un nouveau délai de quinze jours, l'homologation est réputée acquise. Il s'agit donc d'une homologation purement tacite. Comment être sûr, alors, de la transmission par l'employeur de la convention à la DDTEFP ? Par ailleurs, le rôle de l'Inspection du travail se limite à contrôler que les règles relatives à l'assistance des parties, au droit de rétractation et au montant minimal de l'indemnité spécifique de rupture ont été respectées.
La rupture conventionnelle garantit au salarié une indemnité de rupture interprofessionnelle unique, égale à un cinquième de mois par année de présence dans l'entreprise. Mais ce montant semble bien dérisoire au regard du préjudice subi dans le cadre d'un licenciement injustifié. Qui plus est, ce montant est inférieur à ce que prévoient la plupart des conventions collectives en matière de licenciement. Cette indemnité est exonérée de cotisations de Sécurité sociale et d'impôt sur le revenu, comme l'indemnité de licenciement. Les congés payés non pris à la date de la rupture doivent être réglés sous la forme d'une indemnité compensatrice de congés payés.
Enfin, l'employeur doit remettre une attestation Assedic au salarié, lequel aura droit aux allocations de chômage, s'il remplit les conditions requises (d'âge et de durée de cotisation). Ce nouveau dispositif risque de créer un gouffre financier pour l'Unedic, à l'heure où les pouvoirs publics appellent de tous côtés aux économies.
Ainsi a-t-on institutionnalisé une pratique bien connue des partenaires sociaux consistant à procéder à de faux licenciements. Il est bien évident que les employeurs peu scrupuleux ne peuvent que se féliciter de ce nouveau mode de rupture, qui au final, apparaît comme un licenciement dépourvu de tout motif réel et sérieux. Et cela risque d'être une source supplémentaire de précarité pour les salariés, voire la porte ouverte à une nouvelle forme de harcèlement professionnel des salariés les plus vulnérables.
1- Loi n° 2008-596 portant modernisation du marché du travail.
2- Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
> La rupture conventionnelle permet à l'employeur et au salarié de rompre d'un commun accord un CDI.
> Les parties peuvent s'entendre sur le principe de la rupture lors d'un ou plusieurs entretiens.
> La rupture conventionnelle garantit au salarié une indemnité égale à un cinquième de mois par année de présence dans l'entreprise.
> L'employeur doit remettre au salarié une attestation Assedic.