Mutilations sexuelles
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Une mobilisation de tous les soignants aiderait à faire reculer des pratiques telles que l'excision.
A l'occasion de la journée internationale contre les mutilations sexuelles féminines, le 6 février, Richard Matis, gynécologue-obstétricien à Lille et membre de l'ONG Gynécologie sans frontières (GSF), fait le point sur un sujet qui commence tout juste à mobiliser les soignants de l'Hexagone.
Depuis quand GSF s'investit-elle dans la lutte contre les mutilations sexuelles féminines ?
Nous avons commencé en 2006, lorsqu'une association, Wadi, nous a demandé de réaliser une évaluation des mutilations sexuelles féminines au Kurdistan irakien. C'est une pratique très fréquente, qui a longtemps été niée par le gouvernement et les autorités locales. Nous avons ensuite présenté ce thème lors de notre première journée humanitaire pour la santé des femmes. Après ce colloque, le gouvernement français a manifesté sa volonté d'inclure les mutilations sexuelles féminines dans ses programmes de prévention des violences faites aux femmes. Il nous a demandé d'organiser des colloques sur ce thème dans neuf régions françaises et a rédigé deux circulaires incitant à la formation des puéricultrices, infirmières, sages-femmes, auxiliaires de puériculture et médecins.
À ce jour, ces professionnels sont-ils suffisamment formés à l'accueil et à la prise en charge de femmes excisées ?
Pas du tout. Après la circulaire, seuls certains établissements de formation ont sollicité des interventions spécifiques. Aussi avons-nous élaboré un support de cours à l'attention des enseignants (1). Quand je présente des topos sur le sujet, je note que le discours passe très bien auprès des sages-femmes et des puéricultrices, plus difficilement auprès des gynécologues : les mutilations ne sont pas toujours très visibles, et les médecins ont tendance à dire qu'ils n'y sont pas confrontés ou que les femmes ne s'en plaignent pas.
En matière de prévention, quelles sont aujourd'hui les priorités ?
Il faut d'abord former les professionnels de la périnatalité. C'est à eux d'amener le sujet, d'aider les femmes à en parler. Elles doivent être informées sur la mutilation subie et ses conséquences sur leur santé. Ce n'est pas facile. Il faut apprendre à le faire avec tact, un peu comme pour l'annonce d'un handicap...
Ces femmes doivent également être informées sur l'illégalité et les risques de réitérer la pratique sur leurs filles. Car en France, l'excision est un crime. Par ailleurs, il y a tous ceux qui seront en contact avec des fillettes : enseignants, travailleurs sociaux, infirmières, médecins scolaires... qui devront apprendre à détecter des situations à risque, sans pour autant examiner les enfants. Pour cela, une large campagne de sensibilisation et d'information est nécessaire.
1- Support disponible en ligne sur http://www.gynsf.org.
Les mutilations sexuelles féminines consistent en l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes. L'OMS estime que 100 à 140 millions de femmes vivent avec les séquelles d'une telle intervention (infections urinaires récidivantes, kystes, stérilité, complications maternelles à l'accouchement, mortalité périnatale augmentée, etc.). Chaque année, dans le monde, 2 à 3 millions de fillettes et d'adolescentes sont menacées par cette pratique, et elles seraient entre 43 000 et 68 000 en France, selon le Groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles.