droit
Dossier
En cas de faute, une infirmière est passible de sanctions, parfois lourdes, mais celles-ci restent rares. La responsabilité, plus qu'une menace, est aussi un gage d'autonomie et de reconnaissance des compétences.
Une lame tranchante risquant, à tout moment, de s'abattre. C'est ainsi que des infirmières perçoivent, souvent, la notion de responsabilité. Une notion d'autant plus redoutée dans le domaine de la santé que le corps, extrêmement protégé par la loi, se trouve au coeur des pratiques. Soigner n'est pas anodin ; toucher à l'intégrité d'un corps ne va pas de soi ; une erreur peut être lourde de conséquences physiques, psychiques... et financières. Et chez les libérales, la perception de la responsabilité comme une menace s'avère d'autant plus vive qu'« en établissement, l'organisation donne une certaine force. La responsabilité prend moins aux tripes », estime une infirmière.
Comme en témoigne une étude réalisée à Nantes auprès d'étudiants en Ifsi et de soignants en CHU, le sens des responsabilités s'acquiert avant même la formation infirmière et les situations vécues : au commencement, il y a la citoyenneté, façonnée par le système éducatif et la famille. « Tout citoyen a une responsabilité civile et pénale, note Catherine Villatte, coordinatrice générale des soins du CHU de Nantes. Et il y a des qualités personnelles, d'honnêteté, de conscience... » Bref, un sens du devoir : la responsabilité d'un professionnel s'avère avant tout morale. L'acquisition du sens des responsabilités se poursuit au cours de la vie professionnelle. C'est un processus « évolutif, au cours duquel on s'interroge sur soi ». Sur ses erreurs. « La pédagogie permet de s'exprimer, de comprendre pourquoi il y a eu erreur. Souvent, c'est le cumul de plusieurs éléments. Travailler sur l'erreur permet de se réajuster, pour la personne et pour le service. » Et d'assumer ses responsabilités.
La responsabilité, du latin respondere, consiste à répondre de ses actes. Il importe donc de cerner l'étendue de ses compétences, associées à des qualifications. Listés dans des décrets (11 février 2002 puis 29 juillet 2004), les actes infirmiers sont énumérés dans les articles R. 4311-1 à 15 du Code de la santé publique. Sont distingués les actes de soin sur prescription du médecin, ceux qui imposent sa proximité, et le rôle propre. « L'infirmière, compétente pour organiser et dispenser les soins, a une autonomie d'action et de gestion au sein des unités », rappelle Anita Foureau, directrice de soins à l'AP-HP.
Un soignant doit refuser de pratiquer un acte étranger à ses compétences. Sinon, il pourrait exercer illégalement, par exemple, la médecine. En cas de difficulté, un médecin qui aurait délégué un acte à un infirmier ne peut le « couvrir ». Et tous deux pourraient endosser une responsabilité... Les aides-soignants, auxiliaires de puériculture ou aides médico-psychologiques ne peuvent, dans le cadre d'une « collaboration » et sous la responsabilité de l'infirmière exerçant son rôle propre, pratiquer que les actes se trouvant dans les limites de la qualification qui leur est reconnue du fait de leur formation. Hors des dispositions prévues par la loi, une compétence ne se « délègue » pas. Pas plus que la responsabilité.
Une infirmière peut engager deux types de responsabilités : la responsabilité-punition (pénale et disciplinaire) et la responsabilité-réparation (civile ou administrative). La responsabilité pénale s'engage en cas de dommage causé par une infraction définie dans le Code pénal. La sanction (emprisonnement et/ou amende) est prononcée au nom de la société. La faute est rarement volontaire, mais liée à une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence, tel un homicide involontaire après l'injection en intraveineuse directe de chlorure de potassium qui devait être perfusé (1).
La sanction disciplinaire, elle, se rapporte à la capacité à exercer la profession, quelles que soient la gravité de la faute et ses conséquences. Et la sanction (comme un blâme ou un licenciement) se rapporte à la profession. Dans le public, la procédure n'est pas fréquente, car plutôt complexe. Dans un établissement privé, la responsabilité disciplinaire peut s'engager plus facilement car l'employeur décide seul. Et sur ces différents terrains un nouvel acteur va intervenir : l'ordre infirmier. Il existe aussi des responsabilités civile ou administrative. Objectif : la réparation envers un patient, indemnisé en dommages et intérêts. La première, qui concerne l'infirmière libérale ou du privé, est examinée par le tribunal de grande instance pour un dommage causé par une faute, commise « non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » (article 1383 du Code civil), cette dernière étant très importante dans le domaine professionnel. La responsabilité administrative, elle, concerne, au tribunal administratif, les infirmières du public.
Les responsabilités pénale, civile (ou administrative) et disciplinaire peuvent s'engager simultanément. Exemple : pour un enfant opéré de l'appendicite, un médecin prescrit (oralement et non par écrit) de la morphine en sous-cutané. 5 mg. Mais les ampoules sont libellées en pourcentage par millilitre. L'infirmier se trompe dans la conversion et injecte dix fois la dose prescrite. L'enfant décède, la famille porte plainte. L'infirmier est condamné à la fois au pénal, à dix-huit mois de prison avec sursis pour homicide involontaire et à une interdiction d'exercer de dix ans, et au civil, pour le préjudice moral de la famille, à 100 000 euros de dommages et intérêts (solidairement avec le médecin, lui aussi condamné à de la prison avec sursis). À noter que, de façon générale, l'assureur se charge des dommages et intérêts. Mais au pénal, le soignant répond personnellement de ses actes (article 121-1 du Code pénal). Idem en matière disciplinaire.
Chacun assume ses responsabilités au niveau de sa compétence. En cas de faute, au tribunal (2) de discerner les responsabilités. À l'image de cette affaire qui commence avec la prescription par un médecin d'un corticoïde, avec l'indication « 15 jours ». Le pharmacien délivre 15 ampoules, puis l'infirmière injecte une ampoule par jour pendant quinze jours. Des troubles graves surviennent chez le patient. Il s'agissait en fait d'une ampoule à administrer... tous les quinze jours. Plainte au civil. Le tribunal reconnaît le pharmacien responsable à 70 %, car la quantité de produits est incompatible avec la posologie ; le médecin à 20 % pour le manque de clarté de sa prescription ; l'infirmière enfin, à 10 %, pour négligence, car, connaissant la posologie usuelle et la notice, elle a administré une trop forte dose sans se faire confirmer la prescription par le médecin. Malgré le stress et sa charge de travail, l'infirmière doit tout vérifier : identité du patient, mode d'administration, dosage et date de péremption du médicament. Sous peine d'engager éventuellement sa responsabilité.
Un défaut de surveillance est également susceptible de causer un accident. Ainsi, après lui avoir administré, à domicile, un produit de désensibilisation, une infirmière quitte immédiatement son patient. Le choc anaphylactique est suivi de la mort. Plainte de la famille. La responsabilité de l'infirmière est établie pour ne pas être restée pendant les vingt minutes suivant l'administration de l'allergène. Cette surveillance aurait permis d'appeler les secours. Et, peut-être, de sauver une vie.
Diverses préconisations permettent au soignant de faire face, préventivement, à ses responsabilités. Notamment en exigeant du médecin prescripteur « un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile » (article R. 4312-29 du Code de la santé publique) ; en prêtant particulièrement attention aux personnes vulnérables (risque de chute, etc.) ; en demandant conseil à des collègues en cas de doute ; en signalant « toute augmentation importante de la charge de travail susceptible de mettre en cause la sécurité des patients [...] à la direction des soins et au responsable du service ou pôle d'activité », selon Claude Rambaud et Georges Hollaux [cf. bibliographie, p. 30]. À la direction aussi d'assumer ses responsabilités - sans même parler ici du pouvoir politique, dont les décisions jouent sur les conditions de travail. Autre conseil : se tenir informé des nouvelles possibilités, des derniers interdits. Car le champ de la responsabilité évolue. Par exemple avec le nouvel ordre.
Une des fonctions de l'ordre infirmier, en veillant au respect des bonnes pratiques professionnelles, sera disciplinaire. À l'échelon départemental, il règle les litiges entre un infirmier et un usager ou entre des professionnels, à travers une commission de conciliation. En cas d'échec, existe une chambre disciplinaire au niveau régional. Cette première instance peut imposer des sanctions allant de l'avertissement à la radiation de l'ordre. Une cour d'appel, enfin, est instituée au niveau national. « Il ne faut pas voir l'ordre comme une source de sanctions, mais tel un terrain d'entente, prévient Frédéric Bonneau, président du conseil de l'ordre de Loire-Atlantique. L'ordre des médecins règle plus de 80 % des litiges en conciliation. »
Un point en particulier fait débat : la possibilité qu'un infirmier du public soit sanctionné, au niveau disciplinaire, à la fois dans son hôpital et par l'ordre. L'avocat Gilles Devers, lui, juge réaliste cette hypothèse. Il s'appuie notamment sur l'article L. 4126-5 du Code de la santé publique (applicable aux infirmiers), selon lequel la procédure de l'ordre est indépendante des poursuites intentées au pénal, au civil ou encore devant l'administration. Selon ledit code, l'employeur d'un infirmier du public devra « informer » l'ordre, au niveau régional, d'un licenciement, d'une révocation ou d'une suspension d'activité relevant « d'une faute professionnelle ». Sanctionnable à l'hôpital (en fonction de règles internes) et par l'ordre (au regard des devoirs généraux de la profession), un infirmier du public pourrait donc connaître une « double peine » disciplinaire. Exemple : on peut imaginer que l'auteur d'une grave faute professionnelle licencié d'un hôpital ne pourra plus, à la suite d'une procédure que peut déclencher l'ordre, s'installer en libéral ou dans un autre établissement.
Si l'ordre a compétence pour sanctionner, il peut aussi protéger, ajoute Gilles Devers : il serait ainsi, en pratique, « très difficile » pour un employeur d'ignorer une décision de l'ordre selon laquelle des faits reprochés en interne à un salarié « ne sont pas punissables ». Frédéric Bonneau, lui, se veut prudent sur le rôle de l'ordre dans ce domaine. « Cela aura sans doute une incidence sur la responsabilité, mais c'est un peu prématuré de le dire. Il faut d'abord que l'ordre établisse un code de déontologie. » Pour le moment, les règles professionnelles sont traduites dans les articles R. 4312 du Code de la santé publique. De son côté, le Conseil international des infirmières met en exergue quatre responsabilités déontologiques : « Promouvoir la santé, prévenir la maladie, restaurer la santé et soulager la souffrance. »
Un autre domaine nécessite de jeter un regard nouveau sur la responsabilité : le droit des patients, inscrit dans la loi du 4 mars 2002. « Chaque professionnel de santé qui va poser un traitement, aussi banal soit-il, a un devoir d'information, souligne Marion Laloue, avocate. Il doit expliquer les gestes. Le droit à l'information ne peut être limité que de façon exceptionnelle. » Notamment en cas d'urgence. L'infirmier a une part dans l'information. Ce qui passe par une formulation intelligible et adaptée. Cadre de santé, Patrick Javel décrit le cas d'une patiente venue récupérer des marqueurs tumoraux. « On lui parle de "résultats très positifs". Elle repart en pensant que tout va très bien. En fait, tout va très mal... »
« Il faut savoir communiquer pour obtenir un consentement... ou un refus, poursuit Marion Laloue. Il ne faut pas prendre un refus pour un échec, mais accepter le choix du patient. Il a le droit de décider. » Comme de revenir sur sa décision. La responsabilité est, en quelque sorte, partagée : au patient, une fois informé de la situation et des conséquences d'un refus de soin, d'assumer son choix. Le soignant ne doit pas hésiter à consulter ses collègues. Et, pour prouver qu'il a bien informé, il bâtit un dossier de soins « hyper-complet. Au corps médical de prouver qu'il a informé [article L. 1111-2 du Code de la santé publique]. Une preuve écrite de sa main, datée et signée, est acceptable pour un juge. »
Le malade seul jouit du droit à l'information. Il peut ne pas vouloir que sa famille soit informée. « La situation est difficile pour un infirmier quand la famille du patient lui demande des informations dans le couloir... », admet Marion Laloue. Mais, s'il livrait des indications, il engagerait sa responsabilité en violant le secret. Ce qui est susceptible de sanction pénale, disciplinaire, civile. Les poursuites, certes, sont rares, mais il y a souvent condamnation. Le secret peut être brisé pour quelques exceptions seulement, comme la dénonciation de sévices envers un mineur (article 226-14 du Code pénal).
Le champ de la responsabilité évolue aussi avec les nouvelles pratiques. Élisabeth Hubert, ancienne ministre de la Santé, évoque, elle, le secteur de l'hospitalisation à domicile (HAD) comme « une possibilité de faire émerger d'autres champs de compétence pour les infirmiers, à condition que la coordination entre professionnels soit au rendez-vous ». En octobre 2008, la Fédération nationale des établissements d'HAD, présidée par Élisabeth Hubert, et quatre organisations syndicales ont signé un protocole de partenariat entre infirmiers libéraux et établissements (3).
Avec la diminution annoncée de la densité médicale, les progrès de la science et le vieillissement de la population, l'infirmière pourrait accroître son rôle de soignant « de proximité ». « Il faut un transfert (et non une délégation) de tâches qui intègre un aspect de technicité et une part diagnostique sous la conduite des médecins, comme la télémédecine », estime Élisabeth Hubert. Elle adhère aux travaux d'Yvon Berland, dont le rapport de 2003 jugeait « indispensable et urgent d'envisager le transfert de compétences ». Les mots sont importants : « La notion de compétence introduit une capacité d'analyse, de discernement, de jugement, de décision, et donc une relative autonomie », insiste Nadine Esnault, infirmière et doctorante en sciences de l'éducation. Sans doute une plus grande responsabilité aussi. Un transfert de compétences est plus qu'un transfert d'actes.
Rappelons que des expérimentations de coopération ont été lancées, par exemple celle d'une infirmière experte en hémodialyse au CH de Lisieux. Dans leur bilan, le Pr Berland et le Dr Bourgueil notaient que « certains médecins [étaient] arc-boutés sur leurs prérogatives et certaines infirmières sur leur décret de compétence ». Ils appelaient à réfléchir à « un partage plus équilibré des responsabilités ». La tendance à la « collaboration » entre professionnels, confirmée dans l'article 17 du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », conduira-t-elle à une nouvelle définition des compétences et des responsabilités ?
Peu avant de devenir présidente de l'ordre infirmier, Dominique Le Boeuf notait que la profession bénéficiait d'une « reconnaissance sans égal », mais qu'elle était « en recherche de définition et de visibilité face à des enjeux forts de développement de nouveaux rôles, de nouvelles compétences, de nouvelles responsabilités ». « Les jeunes se concentrent sur les aspects techniques. Mais, avec une vision plus globale, il faut les ramener sur le rôle propre, une opportunité pour demain, exhorte pour sa part Anita Foureau. Encourager le jugement clinique, développer l'expertise en soins infirmiers. » Signe de nouvelles missions, la responsabilité ne doit pas être vue comme une menace. Mais, à condition que son champ soit bien délimité, reconnu en termes de formation et valorisé par la rémunération, comme une chance. Son corollaire est la liberté. Par l'extension du domaine de l'autonomie, le métier s'affirme et accroît son attractivité.
Guidé par le droit pour faire face aux risques du métier, le soignant peut rester serein. Certes, même le meilleur des infirmiers peut commettre une faute. Mais après un tel acte, souvent corrigé par des soins ultérieurs, peu de soignants sont confrontés à la justice. Et encore moins à celle qui fait le plus peur et qui déstabilise réellement, la justice pénale : elle ne concerne que les cas les plus graves. « Pour toute l'activité de tous les professionnels de santé (un million de personnes et des milliers d'actes pour chacune), il y a une trentaine de condamnations pénales par an », évalue Gilles Devers, en l'absence de statistiques officielles. Et de rassurer : « La peine d'amende excède rarement un mois de salaire et, quand une peine de prison est prononcée, elle est limitée à quelques mois et assortie du sursis, de telle sorte qu'elle ne remet pas en cause la capacité à exercer la profession. »
En dépit de quelques cas ensevelis sous une avalanche médiatique, l'idée d'une « judiciarisation » est battue en brèche par les experts du droit. Selon Gilles Devers, l'augmentation du nombre de recours juridiques (4) s'avère modérée. Et la plupart d'entre eux s'exercent sur le plan indemnitaire. Le législateur a « beaucoup fait » pour favoriser l'indemnisation des victimes plutôt que la punition des soignants. Et dans ce cas, l'infirmier est couvert. La Sécurité sociale, elle, constitue « une fée antiprocès » en prenant en charge les soins sans distinction sur leur origine. Pour les cas graves, un Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été créé. En fin de compte, les infirmiers exercent la profession médicale la plus importante en effectifs et, estime un juriste, la moins contentieuse.
1- Les exemples cités ici sont de Lucie Rymer, juriste-conseil au Sou médical-MACSF. Le site http://www.macsf.fr présente des cas pratiques.
2- Dans une situation mettant en cause un infirmier, une juridiction peut demander un avis technique à un expert judiciaire infirmier. Cf. « Loi : l'expertise dans la balance », Sandra Mignot, L'infirmière magazine, n° 231, octobre 2007.
3- Les infirmiers libéraux s'y engagent à prendre une assurance responsabilité civile. Mais en cas de faute liée à l'organisation d'un établissement public, la responsabilité de celui-ci pourrait aussi être engagée, selon l'hypothèse d'un expert.
4- Les griefs « non juridiques » (comme des lettres aux hôpitaux) augmenteraient aussi, contribuant sans doute à l'amélioration des soins.
> Divers types de responsabilité (pénale et disciplinaire, civile ou administrative) peuvent être engagées contre une infirmière en cas de faute.
> La récente création de l'ordre infirmier et les nouvelles formes de coopération avec les autres professionnels font évoluer le champ de la responsabilité.
> Consigner ses doutes dans le dossier de soins, rappeler les autres professionnels à leurs obligations, prendre une assurance... il existe différentes façons de se « couvrir ».
« Quand on a un travail où on a la responsabilité de la vie des gens, on n'a pas le droit à l'erreur. » Ainsi s'exprimait un lecteur dans Le Figaro du 29 décembre 2008, à propos de la mort d'un enfant imputée à une infirmière. Pourtant, la loi reconnaît le droit à l'erreur, qui est humaine. « La responsabilité commence avec la faute, que le Code pénal retient à partir du seuil de l'imprudence, de la négligence ou de l'inattention », écrit l'avocat Gilles Devers. Exemple : une erreur de diagnostic devient une faute si le médecin n'a pas entrepris tous les examens requis, ou s'il a tardé à se prononcer. Erreur et faute diffèrent aussi de l'aléa, « conséquence non maîtrisée d'un acte de soin irréprochable ». « En cas de complication, il n'y a pas de responsabilité qui puisse être engagée. » Il existe toutefois des exceptions au principe de responsabilité pour faute. En cas d'infection nosocomiale notamment, la responsabilité peut être dite sans faute : le patient n'a pas à prouver l'existence d'une faute et l'établissement est responsable... sauf s'il apporte la preuve d'une cause étrangère.
> Les notes des 26 et 29 décembre 2008 sur le décès d'un enfant à l'hôpital, et celle du 4 janvier sur les accidents graves à l'hôpital, sur lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr.
> Le rapport « Du droit au consentement au droit au refus de soin » sur http://www.conseil-national.medecin.fr.
> Le dossier sur « les formes nouvelles de coopération entre professionnels de santé », sur http://www.has-sante.fr.
> Le Code de la santé publique sur http://www. legifrance.gouv.fr.
Pour combler le « vide » sur le « droit infirmier », une association est née à Nantes. « La lecture des pratiques professionnelles à travers le droit n'existe pas », justifie Laurence Venchiarutti, présidente de cette Association nationale du droit infirmier, par ailleurs expert infirmier, infirmière libérale et chargée de cours sur la responsabilité infirmière. L'ambition ? Susciter réflexions et formations sur ce thème méconnu, et évoquer « l'émergence de nouvelles pratiques infirmières » et les responsabilités qui leur sont associées. Le 6 décembre 2008 à Nantes, l'association a organisé la première Journée nationale de la responsabilité infirmière, dont nous citons plusieurs intervenants dans ce dossier. « En se réunissant, la profession donne à la responsabilité un statut particulier. Un signe de maturité », commente Marc Bruschi, professeur à la faculté de droit d'Aix-Marseille. L'association, qui a annoncé une deuxième journée en 2009, a un site : http://www.droit-infirmier.fr.
La loi du 4 mars 2002 impose l'assurance de responsabilité civile pour les professionnels et établissements de santé. L'infirmière libérale y est contrainte. Pour la salariée, l'assurance de l'établissement intervient, sauf en cas de faute « détachable du service », par exemple commise avec l'intention de nuire. Or, le plus souvent, les fautes sont commises dans l'exercice des fonctions. S'assurer est donc inutile, estiment Gilles Devers et Laurence Aveline, avocats et experts reconnus du domaine sanitaire. Marc Bruschi, professeur et directeur de l'Institut des assurances d'Aix-Marseille, émet un avis divergent : « L'intérêt de souscrire demeure pour les infirmières en structure collective. C'est plus sûr et peu cher. » Notamment en cas d'éventuels « trous de garantie » dans l'assurance d'un employeur... même si « pour attaquer une infirmière, il faut un acte très grave ». Claude Rambaud et Georges Holleaux, eux, écrivent qu'il y a « peu d'intérêt » pour les salariées à s'assurer en responsabilité civile, « à moins qu'elles n'établissent des actes bénévoles à l'extérieur de l'établissement ». Ils ne jugent cependant pas inintéressant un régime de protection juridique en cas de poursuite pénale personnelle.
> Droit de la santé, Anne Laude, Bertrand Mathieu, Didier Tabuteau, PUF, 2007.
> « La Responsabilité », Gilles Devers, Objectif soins, n° 162, janvier 2008.
> La Responsabilité juridique de l'infirmière, 7e édition, Claude Rambaud et Georges Holleaux, Lamarre, 2008.
> Lettre d'un avocat à une amie infirmière, Gilles Devers, Lamarre, 2003.
> « L'ordre et les employeurs : lever le malentendu », Gilles Devers, Objectif soins, n° 170, novembre 2008.