L'Infirmière Magazine n° 247 du 01/03/2009

 

Drépanocytose

Questions à

Bien qu'étant la première maladie génétique en France, la drépanocytose reste peu connue. De marches silencieuses en congrès internationaux, des mères militent pour changer les choses.

Qu'est-ce que la drépanocytose ?

C'est une maladie génétique responsable d'une anomalie de l'hémoglobine qui rend les globules rouges rigides, en particulier dans certaines conditions (froid, fièvre, déshydratation...). Ils perdent alors leur capacité à se déformer pour passer dans les plus petits vaisseaux sanguins, et cela provoque des crises très douloureuses au niveau des membres et des extrémités (pieds, mains).

Quels en sont les symptômes ?

Comme le taux d'hémoglobine est bas, les enfants sont anémiques en permanence. Ils sont pâles, fatigués, et s'essoufflent vite. Par ailleurs, l'occlusion des vaisseaux nourrissant la rate est très précoce. Elle perd sa fonction de défense antibactérienne, et les enfants deviennent très vulnérables à certaines infections, pulmonaires ou osseuses notamment. Une coloration jaune des yeux peut survenir. Elle est due à la bilirubine, un pigment qui se libère quand les globules rouges se cassent. Ici, en Guadeloupe, cela donne une connotation démoniaque à la maladie, qui n'aide pas l'enfant à se faire accepter à l'école.

Vos deux enfants sont touchés par la maladie ?

Les deux sont drépanocytaires, mais Adrien est le seul à développer des symptômes. Léa est uniquement porteuse de la maladie.

Comment s'est passée l'annonce du diagnostic ?

Dans le cas d'Adrien, on m'a appris à la naissance qu'il avait la drépanocytose. ça a été un choc. Il a fallu très vite apprendre des gestes médicaux. On vous montre la bonne façon de palper la rate pour détecter un problème. Dès le change, il faut se transformer en maman-infirmière. Ce n'est pas évident ! On se rend compte peu à peu qu'au quotidien, il faudra tout le temps être vigilant, être en permanence sur le qui-vive. C'est angoissant. Pour Léa, j'ai su à cinq mois de grossesse qu'elle serait aussi drépanocytaire. Avec l'expérience, j'ai pu aborder sa naissance un peu plus sereinement.

Pourquoi avoir rejoint une association ?

D'abord pour prendre des informations sur la maladie, et puis pour rencontrer d'autres parents, échanger quelques « trucs ». Dans les associations, on se serre les coudes. Au début, on est celle qui se dit « C'est trop dur, je n'y arriverai pas ! », et plus tard, on est celle qui vient soutenir le parent « débutant », expliquer comment faire un massage pour soulager l'enfant, avec de l'huile ou bien avec des gants chauds. C'est une maladie très difficile, vous savez. Il n'existe pas de traitement pour la guérir, et atténuer la douleur des crises n'est pas aisé. Votre enfant souffre et vous ne pouvez rien faire, c'est insupportable.

Quelles sont vos revendications en tant que militante ?

Dans les hôpitaux, nous souhaiterions que le personnel soit davantage formé à la maladie, qui reste très méconnue. Bien sûr, il y a des infirmières qui font un travail formidable. En cas de crise, on arrive à l'hôpital pas très aimable, on est en détresse, et pourtant, certaines savent vous soulager, vous donner la force de vous battre. Mais d'autres relativisent trop certains symptômes. On m'a plusieurs fois dit que mon fils faisait du cinéma, on m'a prise pour une folle. Pourtant, je vois très vite quand il boite ou qu'il respire mal. Je pense que si la maladie était davantage connue, on nous prendrait plus au sérieux.

Et au niveau international ?

L'Organisation internationale de lutte contre la drépanocytose (OILD), avec laquelle nous sommes en relation, est en train de faire émerger une dynamique mondiale pour mettre en place des programmes éducatifs dans les pays africains. Une motion en ce sens a déjà été présentée à l'Organisation mondiale de la santé.

Le problème du dépistage se pose aussi. En Guadeloupe, le dépistage néonatal est obligatoire depuis 1984, mais en métropole, il est pratiqué en fonction des origines, et beaucoup passent entre les mailles du filet. Les mauvaises langues disent que si cette maladie est si peu encadrée, c'est parce qu'elle touche en majorité les populations à la pigmentation de peau colorée, c'est-à-dire originaires d'Afrique ou des Antilles. Je refuse de m'en remettre à ce constat, et de me laisser aller au fatalisme. Mais je sais que la route sera sans doute longue avant que cette maladie soit pleinement reconnue.

Marie-France Tirolien Mère de deux enfants drépanocytaires

Avant d'apprendre, à la naissance de son premier enfant qu'il était atteint par la drépanocytose, Marie-France Tirolien n'avait jamais entendu parler de cette maladie. Aujourd'hui, elle fait partie de l'Association pour l'information et la prévention de la drépanocytose (APIPD) (1) en Guadeloupe. Elle plaide pour que la pathologie, avec laquelle environ 250 enfants naissent chaque année (principalement en outre-mer et en région parisienne), soit mieux connue du corps médical.

1- Internet : http://asso.orpha.net/APIPD