Délit de vieillesse ? - L'Infirmière Magazine n° 248 du 01/04/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 248 du 01/04/2009

 

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Une société savante dénonce le fait que les patients âgés se voient plus souvent refuser l'entrée en réanimation que les jeunes.

Trop vieux pour être réanimé ? Aujourd'hui, en France, 12 % des hospitalisations en réanimation concernent des personnes âgées de plus de 80 ans. En dix ans, l'âge médian des patients admis a augmenté de cinq ans tandis que l'espérance de vie ne croissait que de 2,5 années. Parallèlement, le nombre de lits disponibles stagne, voire régresse et les contraintes budgétaires s'accentuent. Dans ces conditions, l'âge devient « un critère discriminant », prévient le Pr Bertrand Guidet, président de la Société de réanimation de langue française (SRLF) (1).

Une étude de 2006 indique que 36 % des plus de 85 ans étaient refusés en réanimation, contre 23 % des 75-84 ans et 12 % des 18-44 ans. Puisqu'« il y a une vraie pression à l'entrée [...] nous sommes face à un double risque : acharnement thérapeutique ou perte de chance », avertit le professeur. Une observation renforcée au regard des cultures de service. Une étude en cours tend à démontrer que le taux de refus varie beaucoup d'un hôpital à l'autre.

Décisions difficiles

Désarmée face à ces réalités de terrain, la SRLF « demande un débat de société pour des critères objectifs », déplorant le manque de recommandations consensuelles pour harmoniser les pratiques. La société savante regrette aussi l'absence d'enquête prospective évaluant le bénéfice de la réanimation pour ces patients très âgés qui présentent plus de limitations fonctionnelles et de maladies sous-jacentes, mortelles à court terme.

Les prises de décision se font souvent dans l'urgence, ou ne se font pas. En effet, obtenir le consentement aux soins est « difficile » et « prend du temps », observe Bertrand Guidet. Et l'absence de directives anticipées complique les situations. Pourtant, « la bonne décision doit être en accord avec les souhaits des patients », insiste Maïté Garrouste-Orgeas, médecin réanimateur à l'hôpital Saint-Joseph de Paris. La recherche qu'elle mène actuellement sur leurs desiderata (2) montre que les patients - et leurs familles - manquent d'information. Une carence d'autant plus urgente à combler qu'en 2050, le nombre des plus de 65 ans aura triplé.

1- Ces propos et ceux qui suivent ont été tenus lors d'une conférence de presse de la SRLF le 10 mars 2009.

2- Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://www.espaceinfirmier.com : « Réanimation : connaître la volonté des patients âgés pour pouvoir la respecter », 16 mars 2009.