La vie à domicile, jusqu'au dernier souffle - L'Infirmière Magazine n° 248 du 01/04/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 248 du 01/04/2009

 

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Horizons

Créé en 2006, le réseau d'accompagnement et de soins palliatifs (Rasp) de l'Allier a pour objectif de maintenir la qualité de vie des patients qui souhaitent vivre leurs derniers moments chez eux.

Pourquoi font-ils appel à nous ? Parce qu'ils veulent être dans leurs meubles, leur environnement... Ça nous paraît une demande tellement naturelle qu'on ne se pose même plus la question ! », commentent les deux jeunes infirmières coordinatrices du réseau d'accompagnement et de soins palliatifs de l'Allier (RASP 03). À l'heure où 70 % des personnes meurent encore à l'hôpital, Anne-Laure Buvat constate que de plus en plus de gens ont recours à leurs services dans le département : « Quand j'ai été embauchée en février 2007, le réseau suivait seulement quatre patients ! En 2008, il a permis à 148 personnes de finir leurs jours à domicile, conformément à leurs souhaits. L'an passé, nous avons également commencé à nous occuper de 12 patients vivant dans des Ehpad. » Les durées de prise en charge sont très variables d'une pathologie à l'autre : d'à peine une semaine à parfois plus d'un an, notamment en cas de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Si possible, le contact est pris assez tôt, pour créer une relation de confiance et apprendre à connaître chaque patient.

Signalements multipliés

Depuis avril 2008, une seconde infirmière coordinatrice, Laure Jaquillard, est venue renforcer les effectifs de l'association (financée par l'Urcam), qui fonctionne avec une secrétaire, une assistante sociale, un cadre administratif, deux psychologues à mi-temps et trois médecins coordonnateurs à temps partiel. Ce réseau travaille en pluridisciplinarité avec les équipes libérales habituelles du patient, le médecin traitant restant le prescripteur...

« Au départ, se souvient Anne-Laure Buvat, on a enregistré quelques refus de participation. Mais maintenant que le réseau a fait ses preuves, les signalements proviennent d'un peu tout le monde : pharmaciens, médecins traitants ou hospitaliers, auxiliaires de vie, familles, etc. Avec le médecin coordonnateur et l'assistante sociale, nous effectuons d'abord une première visite d'évaluation à domicile, afin de mettre en place des aides sur les plans humain, matériel ou financier. Cela permet également d'apporter des conseils médicaux et infirmiers aux professionnels avant d'intervenir. Il convient aussi d'obtenir l'accord de la personne qui assure l'aide quotidienne au malade (conjoint ou enfants). Il nous est déjà arrivé d'assurer la prise en charge d'un patient isolé, mais c'est rare. Parfois, nous refusons des malades, faute de trouver des aides-soignantes ou des infirmières libérales disponibles pour s'en occuper. En effet, ces dernières n'ont malheureusement pas toujours le temps d'effectuer de longues toilettes. »

« Au cas par cas »

Les différents intervenants se réunissent ensuite afin de coordonner leur action. La lutte contre la douleur est la priorité. Par ailleurs, plusieurs protocoles ont été élaborés afin de combattre tous les symptômes d'inconfort : problèmes respiratoires ou digestifs, nausée, douleur, anxiété... Ces protocoles donnent lieu à la rédaction de prescriptions anticipées qui peuvent être suivies par les infirmières libérales quand elles sont confrontées à domicile à une dégradation rapide de l'état d'un patient. Elles n'agissent cependant qu'après avoir obtenu l'accord verbal du médecin traitant ou de celui du Samu. Ce fonctionnement évite d'avoir à recourir à une hospitalisation en urgence, qui restera exceptionnelle.

« Au quotidien, nous restons en lien avec les infirmières libérales, qui souhaitent être écoutées, conseillées ou rassurées, ajoute Anne-Laure Buvat. Car en matière de soins palliatifs, tout est loin d'être carré, il y a beaucoup de feeling. Par exemple, si certaines maladies ont une évolution assez facilement prévisible, ce n'est pas vrai pour d'autres. Beaucoup de choses se traitent au cas par cas, selon les symptômes développés, leur tolérance par le patient, le vécu de l'entourage... Cela nécessite beaucoup d'écoute et d'adaptation individuelle. Par exemple, il faut parvenir à évaluer ce que chaque malade a envie de savoir... ou de ne pas savoir ! Selon les règles d'éthique, nous informons le patient dans la limite de ce qu'il souhaite entendre. Ces échanges peuvent déboucher sur la rédaction de directives anticipées de la part du malade. Par exemple, un patient atteint par une SLA va pouvoir décider s'il souhaite ou non une gastrostomie ou une trachéotomie. » Ont-elles déjà été confrontées à des demandes d'euthanasie ? « Non, répond Anne-Laure Buvat. En revanche, il m'est arrivé de refaire formuler des demandes ambiguës. Il s'est alors agi de calmer une douleur soit physique, soit morale. Dans le premier cas, on dispose de nombreux traitements pour soulager les symptômes. Quant aux douleurs morales, elles peuvent être allégées grâce à un accompagnement par l'équipe et par nos psychologues. »

Recul bénéfique

Des séjours de répit en milieu hospitalier sont parfois planifiés, afin de trouver plus rapidement un nouveau traitement, ou tout simplement pour permettre à l'entourage de « souffler ». Afin de faire face à des situations d'épuisement des aidants, divers organismes (conseil général, caisse régionale d'assurance-maladie, Ligue contre le cancer...) peuvent aussi financer la présence d'aides à domicile durant la journée ou la nuit.

L'une des difficultés des soins palliatifs, c'est que la vérité de 11 heures n'est pas celle de midi ! Une dame qui n'a plus goût à rien peut, une heure plus tard, réclamer son coiffeur... Il faut donc soigner, accompagner dans ces paradoxes, sans les trancher. « Une fois, commente Laure Jaquillard, j'ai assisté à un groupe de parole mené par un psychologue avec les soignants d'un Ehpad. Ils étaient en effet très perturbés par une patiente, cataloguée "en fin de vie", qui n'en finissait pas d'avoir des hauts et des bas ! En parler ensemble leur a permis de prendre un bénéfique recul. »

« Chacun donne son ressenti »

« Après certains décès, ajoute Anne-Laure Buvat, nous nous réunissons afin d'en discuter en équipe pluridisciplinaire. Il est important que chacun donne son ressenti, cela permet à l'équipe de se construire au cas par cas. Par exemple, si le médecin explique à l'infirmière pourquoi il a fait poser ou arrêter une perfusion d'hydratation, cela va l'aider à donner du sens à ses actes. C'est peut-être ce qui leur fait trouver intéressante la collaboration avec le réseau... On note également les points sur lesquels nous pouvons progresser. Par exemple, actuellement, les infirmières libérales ne semblent pas encore très familiarisées avec l'utilisation des pompes à morphine. »

Au final, tant Laure Jaquillard qu'Anne-Laure Buvat jugent leur métier enrichissant, « même si l'on ne peut jamais être sûres d'être dans le vrai. Recevoir les remerciements de la famille, parce que tout s'est passé paisiblement, comme le patient l'avait souhaité, c'est partager une expérience que l'on n'oubliera jamais. »

témoignage

« On enseigne déjà ce que dit la loi »

En 2009, le Rasp 03 compte intensifier sa mission de formation des autres professionnels de l'Allier (personnel des Ehpad, Ssiad, infirmières et médecins libéraux) aux pratiques des soins palliatifs. « Jusqu'à présent, on s'est beaucoup consacrés au patient. Désormais, nous nous adressons davantage aux professionnels », résument Anne-Laure Buvat et Laure Jaquillard. D'après elles, diffuser la culture palliative, c'est déjà « enseigner ce que contient la loi sur la fin de vie, car elle est méconnue par de nombreux acteurs. Les soignants doivent passer d'une logique de guérison à un positionnement axé sur la recherche du bien-être, privilégiant la conscience, avec le moins de douleur possible ».

Ce qui suppose de pratiquer les soins dans un esprit d'écoute : « Par exemple, explique Laure Jaquillard, nos réunions de coordination ont permis de faire accepter à des infirmières libérales que le but d'un soin d'escarre soit la propreté, mais pas obligatoirement la guérison... »

Annuler certains actes ou examens, s'ils n'apportent pas de bénéfice au patient compte tenu de l'évolution de son état, revient aussi à tenter de cerner en quoi consiste l'acharnement thérapeutique...

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- RASP 03

32, rue du Champ-Feuillet

03500 Saint-Pourçain-sur-Sioule

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