Des synergies pour les synapses - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

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Horizons

Depuis septembre 2007, les professionnels du Réseau mémoire Allier encadrent des patients souffrant de maladies neurodégénératives, de troubles cognitifs et de démence, à domicile ou en maison de retraite.

Les consultations mémoire mises en place dans l'Allier ont permis de dépister 6 000 cas de patients potentiels, essentiellement atteints par la maladie d'Alzheimer. Confrontés à cet afflux de demandes, les médecins neurologues et gériatres hospitaliers et libéraux se sont mobilisés pour créer le Réseau mémoire Allier, en partenariat avec les représentants des Clic (1), les infirmières, les orthophonistes, les médecins généralistes, les aides à domicile...

Réticences

Opérationnel depuis septembre 2007, ce réseau a pris en charge 476 personnes l'an passé. Financé par l'Urcam et l'agence régionale de l'hospitalisation (dans le cadre d'un contrat d'objectif et de moyens conclu jusqu'à fin 2009), il fonctionne actuellement avec un cadre infirmier coordinateur (Denise Dujardin), une secrétaire sociale (Corinne Bourdeaux), une infirmière (Claire Thevenard), une ergothérapeute, une psychologue clinicienne et une neuropsychologue. « Nous n'avons pas intégré de travailleur social dans notre équipe, afin d'établir davantage de relations avec les partenaires sociaux et paramédicaux du département, commente Denise Dujardin. C'est le médecin traitant qui constitue le maillon central de notre système : parce qu'il connaît l'histoire de vie du patient, il peut évaluer sa situation avec du recul, et aussi lui conseiller de venir nous voir. »

« Il reste plus facile, aujourd'hui, d'admettre qu'on est frappé par un cancer que par la maladie d'Alzheimer, une pathologie placée parmi les premières peurs dans l'imaginaire des Français, constate Denise Dujardin. De nombreuses familles se montrent donc d'abord réticentes à l'idée de contacter notre réseau. Le patient comme l'aidant sont souvent dans le déni. Ils prétendent qu'ils se débrouillent, ils acceptent difficilement l'idée d'être assistés, même si des problèmes d'ordre divers sont en train d'apparaître. Pourtant, il est important de pouvoir intervenir rapidement, car en début de pathologie, les traitement médicamenteux sont plutôt efficaces. »

Télésécurité décevante

Le médecin, le neurologue ou le gériatre essaient alors de faire cosigner au patient et à l'aidant un formulaire de recueil de consentement de participation au réseau. L'étape suivante est de leur faire accepter la réalisation d'une évaluation à domicile, qui aboutira à un plan d'aide individualisé. « Dans le cas de personnes vivant seules, nous avons testé la télésécurité, ajoute Denise Dujardin. Mais on ne la propose pratiquement plus, sauf en tout début de pathologie. En effet, les patients n'actionnent pas leur bouton d'alarme à bon escient : ils s'en servent soit trop souvent, soit pas assez ! »

Enfin, la possibilité d'un maintien à domicile dépend beaucoup de l'aidant. Une femme qui a, par exemple, l'habitude d'avoir un conjoint autoritaire omniprésent, peut éprouver beaucoup de mal à s'habituer à le voir atteint de troubles cognitifs, car cela bouleverse totalement leurs habitudes de couple. En revanche, dans d'autres situations pourtant médicalement beaucoup plus lourdes à assumer, des maintiens à domicile jusqu'au décès ont été réalisés. « C'est à l'équipe d'analyser les situations au cas par cas, observe Denise Dujardin. Il existe aussi sur le département plusieurs accueils de jour. Ils permettent à l'aidant de souffler tandis que les activités, les sorties qui y sont proposées stimulent les malades. »

Séances de formation

La psychologue du réseau peut aussi intervenir, notamment à domicile, pour accompagner, si besoin, l'annonce du diagnostic, l'entrée dans une institution ou différentes autres phases difficiles de prise de décision (telles qu'une mise sous tutelle). Une orientation vers un CMP (1) ou vers des psychologues libéraux du réseau est également envisageable.

Par ailleurs, chaque année, une douzaine de groupes de parole sont constitués à l'attention des aidants et un « café du commerce », animé par l'association France Alzheimer, se tient régulièrement à Saint-Pourçain-sur-Sioule. Enfin, le réseau organise aussi des conférences destinées à la formation du grand public. D'autres séances sont assurées en soirée à l'attention des professionnels de santé.

« Nous avons en effet la chance d'avoir plusieurs médecins spécialistes qui participent à des congrès internationaux, commente Denise Dujardin. Il est par exemple intéressant de connaître les prises en charge globales fort différentes que pratiquent les Canadiens. Et puis, c'est un secteur où la recherche et les laboratoires pharmaceutiques travaillent beaucoup. Des infirmières libérales ou exerçant dans des Ehpad assistent à ces conférences, car les professionnels qui adhèrent au réseau s'engagent dans le même temps à se former. Certaines infirmières sont également entrées dans notre conseil d'administration. »

Neuropsychologue

Pour sa part, la neuropsychologue du réseau travaille en collaboration avec les orthophonistes. Elle réalise des évaluations cognitives, sur la demande des spécialistes, en structure ou à domicile. Neurologues, psychiatres ou gériatres font appel à elle dans diverses circonstances. Elle peut faciliter l'entrée des patients ou des famille réticentes, en se rendant à leur domicile pour établir un premier bilan et leur présenter le réseau. Elle réalise des consultations intermédiaires, pour suivre au plus près l'évolution des troubles et faire activer d'éventuelles nouvelles mesures de suivi du patient en découlant. Enfin, elle anime des ateliers de stimulation neurocognitive au sein des Ehpad.

« Cette prise en charge pluridisciplinaire doit normalement nous permettre d'anticiper et d'éviter l'entrée dans des situations de crise, analyse Denise Dujardin. Car aux urgences d'un hôpital, il est malheureusement possible qu'une personne désorientée tombe d'un brancard, par exemple... Le conseil général de l'Allier, pour ses prochaines conventions tripartites avec les Ehpad (1), étudie la possibilité de générer quelques places pour des accueils de jour ou de nuit temporaires, sécurisés et spécialisés... En outre, dans notre département, une maison de retraite met actuellement en place un accueil de nuit pour les personnes qui déambulent. »

Conseil architectural

Enfin, sur la demande du conseil général, le réseau a également apporté son avis concernant la conception d'un nouvel Ehpad. Avant construction, il a par exemple été conseillé aux architectes « d'éviter les couloirs sombres, les réverbérations sonores, de trop grandes hauteurs sous plafond et de privilégier les expositions au sud, le soleil aidant à diminuer la dépression, ce qui entraîne à son tour une moindre prescription de neuroleptiques ». Enfin, comme certains patients s'épuisent à marcher, les zones de déambulation doivent déboucher sur des issues, comme une salle animée, afin de les inciter à s'y reposer.

1- Ehpad : établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Clic : centre local d'information et de coordination. CMP : centre médico-psychologique.

témoignage

« Le lien qui nous manquait »Le but du réseau est d'apprendre à s'adapter au cas par cas, à apprivoiser d'autres techniques de communication avec une personne démente...

« Les malades, observent Denise Dujardin et Claire Thevenard, surdéveloppent l'affectif. Ils se mettent à exprimer leurs sentiments par d'autres voies que celles des mots ou des pleurs... On sait aussi que l'on parvient mieux à cerner le comportement de la personne si l'on connaît son histoire de vie antérieure. Certains Ehpad du département ont également créé des postes de psychologue afin d'affiner leur prise en charge en institution. »

Quant aux infirmières libérales, le réseau leur permet de ne plus se trouver seules face aux problèmes qu'elles rencontrent à domicile... « Le Réseau mémoire de l'Allier établit un contact entre les familles, le monde associatif, les professionnels libéraux et hospitaliers, les Ehpad : ce travail crée le lien qui manquait jusqu'alors... C'est en fait ce dont je rêvais autrefois, quand j'étais infirmière coordinatrice au sein d'un Ssiad », conclut Denise Dujardin.

contact

- Réseau mémoire Allier

6, place de Strasbourg

03500 Saint Pourçain-sur-Sioule

Tél. : 04 70 47 57 80

Mél : reseaumemoireallier@orange.fr

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