La contagion et la raison - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

Pandémie grippale

Éthique

La survenue d'une pandémie grippale, qu'elle soit due ou non à une mutation du virus de la grippe aviaire, doit-elle faire renoncer aux principes qui fondent l'éthique du soin ?

« On ne peut prédire la date de la survenue de la prochaine pandémie grippale, ni même d'ailleurs être certain de son origine. Ainsi, ne peut-on même pas affirmer qu'elle sera due à une mutation du virus aviaire H5N1 », constate le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans son 106e avis, rendu public en février dernier (1). Et d'ajouter : « Or, l'incertitude doit aussi être intégrée à la réflexion éthique. »

Public peu informé

Saisis, en juillet 2007, par l'Espace éthique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, les sages du CCNE étaient appelés à se pencher sur les questions éthiques relatives à la possible survenue d'une pandémie grippale : détermination de priorités pour l'accès aux soins en cas de pénurie ; obligations et droits des professionnels de santé ; prise en compte de l'accompagnement de fin de vie ; priorité donnée à certaines recherches médicales ; participation du grand public en cas de pandémie et place des populations vulnérables.

Si le CCNE salue la mise sur pied du plan Pandémie grippale en France (2) qu'il juge comme « l'un des plus aboutis », il estime dans le même temps que « l'information de la population française sur l'existence de ce plan est quasi nulle ». « Quelle que soit l'incertitude sur la date de survenue d'une future pandémie grippale [...], il est urgent que la population soit mieux informée de la nature et des conséquences possibles d'une grippe due à un nouveau virus », réclame le CCNE, qui insiste sur la nécessité de la mobilisation et de la collaboration des grands médias.

Éviter la panique

Soulignons que les modélisations épidémiologiques montrent que c'est dans la population ne présentant a priori aucun facteur de risque particulier (les adultes en bonne santé) que pourrait survenir la majorité des cas, des hospitalisations et des décès. « La communication doit porter non seulement sur les mesures de santé publique mais aussi sur les aspects éthiques, pour éviter que cette pandémie grippale ne suscite des réactions de panique et des comportements asociaux », note le Comité.

Priorités

Dans ce cadre, le Comité consultatif insiste également sur « la nécessité de définir des priorités pour l'accès à la vaccination ou à d'autres moyens de prévention ». Selon lui, « il est légitime que certaines personnes qui devront assurer le maintien des activités essentielles au pays (personnels soignants, des transports, de la sécurité, de la production d'énergie...) soient prioritairement protégées ». Mais ensuite, quelles seront les populations à protéger ? Et quels seront les critères de hiérarchisation en cas notamment de pénurie des moyens de traitement ou de prévention ? Difficile, voire impossible, pour le moment, de répondre à ces « questions majeures ».

Respect de la vie privée

Même si le Comité déclare que le fait d'être prioritaire ne préjuge en rien de la valeur individuelle de la personne. « Il s'agit de concilier les exigences éthiques avec le souci stratégique d'enrayer la progression de l'épidémie dans l'intérêt de tous. » Néanmoins, le CCNE relève « que l'état d'urgence sanitaire ne saurait justifier, sauf circonstances d'une exceptionnelle gravité, le sacrifice du respect de la vie privée des personnes et de la confidentialité des informations afférentes à leur santé. »

1- http://www.ccne-ethique.fr.

2- http://www.grippeaviaire.gouv.fr.

TÉMOIN

Marie-Christine Maillot « Protéger les personnels envoyés "au front" »

« Dans le cadre du plan Pandémie grippale, la Drass de Bourgogne nous a demandé dès 2006 de mettre sur pied des formations de formateurs destinées à tous les établissements de santé de la région. Le but : préparer des binômes (médecins et infirmières) à être des référents au sein de leur établissement, explique Marie-Christine Maillot, cadre de santé au Centre d'enseignement des soins d'urgence-Samu 21 du CHU de Dijon. Le risque biologique est un danger professionnel que les infirmières côtoient au quotidien. Et si elles en ont une crainte, elle est, du fait de leur formation et de leur expérience, atténuée par rapport à la population générale. Si un vaccin est disponible au moment de la pandémie, il me semble normal que les soignants soient immunisés en priorité. Si l'on envoie des personnels "au front", il est indispensable de les protéger. Pour ma part, je pense que nous sommes relativement bien préparés à une éventuelle pandémie grippale, mais il faut garder à l'esprit qu'un événement sanitaire d'une telle ampleur entraînera une désorganisation importante. »