La cotisation, entre protesta tions et justifications - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

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Ponction lourde ou prix de l'indépendance ? La somme de 75 euros par an votée par le conseil national de l'ordre a soulevé de vives critiques, en particulier des syndicats et de la directrice de la Dhos.

La nouvelle a fait l'effet d'une bombe... Le montant de la cotisation obligatoire à l'ordre des infirmiers est fixé à 75 euros par an. Ainsi en a décidé le conseil national de l'ordre, réuni à Paris le 3 avril. Si le vote des élus nationaux a tant surpris, c'est qu'un faisceau d'indices avait fait naître l'espoir d'une cotisation d'environ 30 euros : ce furent d'abord les présidents des conseils départementaux qui, réunis à Saint- Étienne le 24 octobre, s'étaient collectivement prononcés en faveur de ce montant estimé raisonnable, puis, beaucoup plus récemment, la publication par le conseil départemental de Paris (CDOI 75), d'un projet de budget basé sur une cotisation à 30 euros.

Démocratie

« Il était inenvisageable de pouvoir fonctionner sur la base des informations qui ont circulé, au regard des missions confiées à l'ordre », a justifié Didier Borniche, vice-président du conseil national de l'ordre, à l'issue du vote du 3 avril. De fait, le budget prévisionnel prend en compte les dépenses liées à la location de locaux (800 mètres carrés à Paris, partagés entre conseils national, régional d'Île-de-France et départemental de Paris), les déplacements des élus, les frais postaux, bureautiques et informatiques, le recrutement d'une trentaine de salariés (secrétaires, juristes, etc.) ainsi que le recours à des personnalités qualifiées pour certains dossiers (expertises médicales, etc.).

Question répartition, la moitié de la manne ordinale - plus de 35 millions d'euros par an - ira au conseil national, 40 % aux départements et 10 % aux conseils régionaux de l'ordre.

Appel au boycott

La contestation a été immédiate et multiforme. À peine sortis de réunion, certains élus n'ont pas caché leur déception, tel Thierry Amouroux. « C'est la démocratie, j'enregistre », a lâché l'élu national et président du CDOI 75, non sans préciser avoir voté « conformément à (ses) engagements face aux électeurs ». Comprenez pour 30 euros.

L'attaque est ensuite venue des syndicats. Hostiles par principe à la constitution d'un ordre, la CFDT et FO n'y sont pas allés de main morte, dénonçant un « racket » et appelant à « la grève de la cotisation ». Mais c'est la Direction de l'hospitalisation et des soins (Dhos) qui a porté le coup le plus rude à la jeune instance ordinale. Dans un courrier adressé à la présidente de l'ordre et sur un ton qui relève de la mise au pas, Annie Podeur demande expressément au conseil national de l'ordre de revoir le montant de la cotisation à la baisse.

Pas de nouveau vote

Face à une telle ingérence de l'administration dans les affaires d'une institution présumée indépendante, la présidente de l'ordre, Dominique Le Boeuf, a jugé la situation « ubuesque » et a exclu de faire revoter le conseil. Elle s'interroge en revanche sur les motivations d'une telle initiative : « Aurait-on peur de ce que pourrait faire un ordre puissant ? »

Dominique Le Boeuf, présidente du conseil national de l'ordre infirmier

« Sans moyens, on ne fait rien »

Nous sommes confrontés au principe de réalité. La décision a été prise en toute démocratie. Il y a énormément de dépenses que les gens ne mesurent pas. Je vous donne un exemple : en cas de suspension d'exercice pour état pathologique en urgence, l'ordre est obligé de réunir une commission restreinte pour statuer dans l'intérêt de l'infirmier comme dans celui des patients. Pour pouvoir statuer, il faut convoquer trois médecins experts. Or, un médecin expert prend entre 500 et 1 000 euros. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

À titre de comparaison, les pédicures-podologues, qui sont 12 000, ont trois juristes. Nous en aurons quatre.

Si on ne se donne pas les moyens, on ne fait rien. Mais si tout le monde trouve que c'est trop cher, j'ai une solution : on abroge l'ordre. D'ailleurs, trop cher par rapport à quoi ? 75 euros par an, c'est 6,25 euros par mois ! Il y a 500 000 infirmières en France, vous imaginez les courriers à envoyer ! Si on ne sert que d'annexe à la Ddass comme chambre d'enregistrement, ce n'est pas la peine de faire un ordre.

En revanche, cette cotisation nous oblige. Il va falloir qu'on soit capables de produire des résultats d'ici la fin de l'année. Les gens veulent payer pour voir, et c'est normal. C'est un terrible challenge.

Fabrice Brivady, président du conseil départemental de l'ordre infirmier de Charente-Maritime

« Nous attendons encore le budget »

Au vu du budget présenté par le conseil national, nous avons accepté l'idée d'une cotisation à 50 euros au lieu des 30 prévus. Mais 75 euros, c'est beaucoup par rapport à une paye, il va falloir l'expliquer, le justifier. Nous attendons toujours que le conseil national nous présente le budget détaillé et réponde à nos questions sur l'utilisation des fonds. Nous sommes sans nouvelles. Cela dit, c'est le national qui décide. Face à sa décision, nous avions deux solutions : soit on quittait le navire et on le laissait voguer aux mains des pirates de tout poil, soit on restait à bord car on représente les infirmières. On n'est pas d'accord, on le dit. Mais on s'accroche parce que ce qu'on veut, ce pour quoi on se bat depuis des années, c'est un ordre infirmier et ça, ça n'a pas changé. Il n'est pas question d'appeler au boycott de la cotisation car ça ne changerait rien. La loi, c'est la loi. Elle a été votée, il faut qu'elle s'applique. Quoi qu'il en soit, il était sûrement prématuré de citer des chiffres. On aurait mieux fait de s'abstenir de communiquer sur des hypothèses de cotisation à 30 euros : on a commis des erreurs de jeunesse.

Maintenant, au conseil national de faire ses preuves : sa seule issue de sortie, c'est de prouver qu'il peut être efficace rapidement. Dominique Le Boeuf n'est pas isolée, 52 conseillers nationaux l'ont mise où elle est, mais il faut qu'elle communique. Il faut aussi que la Dhos cesse son ingérence. Ils ont très peur du pouvoir de l'ordre, ce pouvoir que l'ordre doit pourtant asseoir et conserver. Quant aux syndicats détracteurs, ils n'ont toujours pas compris que l'ordre n'empiéterait pas sur leurs plates-bandes, que leurs missions sont différentes.

Échos des forums

- « L'ordre.... moi je dis pourquoi pas, qui peut s'occuper des infirmiers sinon des infirmiers? »

- « J'ose espérer que les frais seront transparents. On est inscrit à l'ordre, on doit pouvoir vérifier par nous-mêmes l'utilisation de l'argent. »

- « J'aimerais voir apparaître des orientations de réflexion sur les compétences spécifiques et celles à venir, plutôt que des discours concernant la logistique... »

- « Il est hors de question que je paie tant que je ne sais pas vraiment à quoi servira cette belle fortune... »

- « Pour une fois qu'un organisme représente la profession entière avec la force que cela induit pour notre reconnaissance, laissons-lui la chance de montrer des actes avant de condamner. »

- « L'ordre, au lieu de lutter contre, luttez à l'intérieur, cherchez-en le fil démocratique. Sinon il vous servira de carcan. »

Et les autres ordres infirmiers ?

Irlande 145 Euro(s) à la première inscription puis 85 Euro(s)/ an

Québec 259,07 $ / an ( ± 160 Euro(s))

Espagne 216 Euro(s) / an ( 54 Euro(s) tous les trimestres )

Royaume-Uni 76 £ / an ( ± 85 Euro(s))

Grèce 65 Euro(s) / an à la première inscription puis 45 Euro(s)

Roumanie 1% du salaire tous les mois