La personne inconsciente - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

urgence

Fiches

Est inconscient celui qui ne répond pas une question et à un ordre simple. Et le sourd et le muet ? Le sourd et le muet conscients auront les yeux ouverts, donc celui qui est inconscient n'ouvre les yeux ni spontanément, ni après une stimulation nociceptive. Et le mort ? Il ne respire pas. L'inconscient n'ouvre pas les yeux, ne répond ni à une question ni à un ordre, mais il respire.

CAS N°1

Après quelques jours de formation AFGSU (pour les abréviations, lire l'encadré ci-dessous), vous voilà de retour dans votre service adoré. Chemin faisant, vous apercevez une personne allongée dans le couloir. Manifestement, il s'agit d'un patient, eu égard à ses vêtements. Vous approchant de lui pour lui porter secours, vous vous apercevez qu'il ne vous répond pas, il ne veut manifestement pas ouvrir les yeux et a décidé de ne pas vouloir vous serrer la main pour vous dire bonjour.

Exerçant une bascule prudente de la tête en arrière, vous cherchez à savoir s'il respire et là, miracle, un souffle vous parvient. Vous voyez également sa cage thoracique se soulever. Votre perspicacité d'analyse vous fait dire qu'il est inconscient, et vous décidez de le mettre en PLS. C'est alors qu'arrive un collègue qui vous propose son aide. Vous lui demandez de prévenir le Smur interne selon la procédure habituelle et de vous apporter une couverture pour protéger le malade du froid. Quelques instants plus tard, l'équipe du Smur arrive et prend le relais de votre prise en charge, non sans vous remercier des gestes effectués. Vous vous pressez, vous allez être en retard pour les trans...

CAS N°2

Vous faites le tour de médicaments de votre service lorsque l'aide-soignante arrive affolée. Une dame (80 ans) ne se sent pas bien, elle a fait un malaise en se levant de son lit. Vous vous dirigez avec diligence vers ladite dame, non sans avoir interpellé l'étudiant en soins infirmiers du service pour qu'il vous apporte le chariot d'urgence (car comme tout bon étudiant qui commence son stage, la première information dont il s'est enquis est de savoir où se trouve le chariot d'urgence).

À l'arrivée dans la chambre, la patiente est manifestement inconsciente. Reposée dans son lit, elle n'ouvre pas les yeux, ne répond pas aux ordres simples mais respire. Après l'avoir mise en PLS et avoir fait prévenir le Smur interne et le médecin du service, vous décidez de la perfuser pendant que votre collègue recueille les constantes (pouls : 90 batt/min, SaO2 : 90 % et pression artérielle : 75/35 mmHg). Une fois la patiente placée sous oxygène (masque haute concentration, débit 15 l/min), la SaO2 remonte à 95 %.

En attendant l'arrivée du médecin, vous décidez d'effectuer un remplissage vasculaire au sérum physiologique à 0,9 % en débit libre. Parallèlement, vous faites remonter les pieds du lit afin d'augmenter le retour veineux. Alors que le médecin et l'équipe du Smur interne arrivent, la patiente reprend connaissance, les constantes se sont améliorées (SaO2 : 98 %, pouls : 60 batt/min et pression artérielle : 110/60 mmHg). Devant l'évolution favorable d'un malaise qui semble être une hypotension orthostatique, l'équipe du Smur quitte les lieux et laisse le médecin du service finir la prise en charge de la patiente. Le traitement sera modifié et une recherche d'hypotension orthostatique sera effectuée en l'absence de signes neurologiques et cardiologiques.

CAS N°3

Après une journée de travail bien remplie, vous rentrez chez vous pour profiter de votre famille et du match de foot de ce soir. Alors que la rencontre vient de commencer, le téléphone sonne. C'est le standard des sapeurs-pompiers (CTA-Codis) qui vous demande d'intervenir au domicile d'un homme de 50 ans pour malaise avec perte de connaissance. Le Smur est engagé mais l'hôpital se trouve à 35 kilomètres. Sautant dans votre tenue, vous vous dirigez vers le centre de secours. Après avoir récupéré une voiture rouge, vous rejoignez le VSAV (ambulance). Le chef d'agrès vous accueille, il est en présence d'un homme de 50 ans diabétique insulinodépendant, que sa famille a retrouvé inconscient dans sa chambre.

Il est en PLS avec de l'oxygène au masque à haute concentration à 9 l/min. Les constantes sont les suivantes : inconscient, SaO2 99 % sous oxygène, pouls 65 batt/min bien frappé et régulier, tension artérielle de 120/70 mmHg, sueurs profuses. La famille vous confirme qu'il a fait son autoinjection d'insuline comme prescrite alors qu'il a peu mangé ce soir. Vous réalisez un hémoglucotest avec le cathéter qui vous a permis de poser une voie veineuse périphérique. La glycémie est de 1,2 mmol/l, vous décidez donc de mettre en place votre Pisu pour la prise en charge des hypoglycémies. Après une intraveineuse lente (IVL) d'une ampoule de 3 g de glucosé (G 30 %) suivie d'un 500 ml de glucosé 10 %, rapidement le patient reprend conscience et vous demande, interloqué, ce que vous faites là. Le Smur arrivera peu de temps après. Le médecin examine le patient et décide de le laisser sur place à la surveillance de sa famille. Un rendez-vous chez le médecin traitant est convenu pour le lendemain.

CAS N°4

Fatigué de cette longue journée, vous rentrez chez vous, pour sombrer à votre tour dans l'inconscience... vaincu par un sommeil bien mérité.

DISCUSSION

Quelle que soit la cause de l'inconscience, nous pouvons établir une liste (non exhaustive) de signes cliniques et paracliniques à rechercher. Leur présence (ou absence) va orienter notre prise en charge.

Signes cliniques :

- Pas d'ouverture des yeux (spontanée, à la demande ou à la douleur) ;

- Absence de réponse verbale (spontanée, à la demande) ;

- Absence de réponse physique (spontanée, à la demande ou à la douleur).

Regrouper ces trois derniers signes dans le score de Glasgow (pour les traumatismes crâniens).

- Présence d'une ventilation (en dehors du gasp de fin de vie) ;

- Sueurs ;

- Cyanose ;

- Pâleur ;

- Marbrures ;

- Convulsions ;

- Anisochories ;

- Hémorragies ;

- Brûlures...

Signes paracliniques :

- Pouls ;

- Fréquence respiratoire ;

- Pression artérielle ;

- SaO2 ;

- SaCO (dans le cadre d'intoxication supposée au monoxyde de carbone) ;

- Température ;

- Hémoglucotest ;

- ECG.

Ces signes doivent s'accompagner d'un interrogatoire des témoins ou de la famille sur les circonstances de survenue du malaise, sur les pathologies en cours et les traitements qui y sont associés. C'est souvent cet interrogatoire qui va orienter dans un premier temps la prise en charge médicale si les circonstances sont compatibles avec les signes en présence.

PRISE EN CHARGE INFIRMIÈRE

> Tout d'abord, effectuer les gestes de premiers secours :

- Évaluer la situation et analyser un danger potentiel ;

- Soustraire la victime à un danger imminent sans faire prendre de risque au sauveteur ;

- Allonger la victime ;

- Lui demander d'ouvrir les yeux, de serrer les deux mains ;

- Réaliser une libération des voies aériennes (dégrafer col et ceinture, effectuer une bascule prudente de la tête en arrière) et s'assurer que la victime respire ;

- La mettre en PLS dans la mesure où elle respire ;

- Prévenir ou faire prévenir les secours en adéquation avec le lieu et la situation (médecin du service, Smur interne, Samu centre 15, sapeurs-pompiers 18 en cas de sauvetage à effectuer) ;

- Couvrir la personne ;

- Interroger l'entourage ;

- En fonction du matériel à disposition, effectuer une mesure des constantes (pouls, SaO2, PNI, HGT, T°, SaCO, ECG, FR...) ;

- Si besoin, compléter le premier bilan donné aux secours déclenchés ;

- Effectuer une surveillance de la victime.

> Lorsque c'est possible, l'IDE peut commencer un traitement symptomatique des paramètres relevés sur le patient :

- Arrêter des hémorragies et panser les plaies ;

- Administrer de l'oxygène si la SaO2 est inférieure à 95 % (attention à l'insuffisant respiratoire) ou en cas de suspicion d'intoxication par un gaz (une intoxication au CO donne une SaO2 normale alors que l'hémoglobine est saturée en monoxyde de carbone) ;

- Surélever les jambes si la pression artérielle est inférieure à 100 mmHg de maxima, associer à une pose de voie veineuse périphérique avec un soluté de remplissage adéquat (NaCl 0,9 %). Attention au G 5 % et au Ringer Lactate, qui favorisent l'oedème cérébral et sont donc contre-indiqués dans les atteintes neurologiques. De même, les HEA seront utilisés avec précaution sur protocole ou prescription médicale ;

- L'hypoglycémie sera corrigée par une injection de glucosé hypertonique (G 30 %) selon protocole ou prescription médicale ;

- L'hyperthermie et l'hypothermie seront corrigées en faveur d'un retour vers une normothermie ;

- Sur toute personne retrouvée au sol, sans témoin qui aurait amorti la chute, et jusqu'à preuve du contraire, on considérera la victime comme un traumatisé crânien et du rachis avec la prise en charge qui s'impose (collier cervical, relevage à plusieurs avec respect de l'axe tête-cou-tronc sur un moyen d'immobilisation tel que le matelas à dépression ou un plan dur) ;

- En présence de convulsions, on peut être amené à réaliser un protocole préétabli de myorelaxant, telle qu'une benzodiazépine.

Ces premières actions peuvent suffire pour que le patient reprenne connaissance. Néanmoins dans d'autres cas, il faudra faire appel à des techniques de réanimation plus lourdes, réalisées par une équipe rompue à ce genre de prise en charge, mais ce n'est plus le propos de notre article.

CONCLUSION

La perte de connaissance est toujours un état très impressionnant, pouvant faire penser à une pathologie sous-jacente grave. Néanmoins, une prise en charge symptomatique, avec du bon sens, par des professionnels entraînés suffit, dans la plupart des cas, à rétablir des constantes en adéquation avec un état de conscience. Il ne faut jamais minimiser la cause du malaise, laquelle demande toujours un examen médical complémentaire afin d'éviter que l'épisode ne survienne à nouveau. L'infirmière isolée ou en équipe aura toujours un rôle important à tenir, allant de premier intervenant secouriste à premier élément de médicalisation.

Abréviations

AFGSU : attestation de formation aux gestes et soins d'urgence

CDA : centre départemental de l'alerte

Codis : centre opérationnel départemental d'incendie et de secours

HEA : hydroxy-éthyl amidon

Pisu : protocole infirmier de soins d'urgence

PLS : position latérale de sécurité

VSAV : véhicule de secours aux victimes

Bibliographie

> Référentiel national de compétences de sécurité civile : premiers secours en équipe de niveaux 1 et 2, janvier 2007 (en ligne sur http://www.interieur.gouv.fr).

> « Prise en charge d'un malaise avec ou sans perte de connaissance aux urgences », François Bertrand, Urgence pratique, 2007, n° 82.

> « Pertes de connaissance brèves : prise en charge à l'accueil des urgences », François Bertrand, Urgence pratique, 2002, n° 55.

> « Pertes de connaissance en médecine préhospitalière », R. Domergue, Urgence pratique, 2002, n° 55.

> « Le Coma », F. Gréco, Urgence pratique, 2001, n° 45.