Quand l'hôpital fait violence - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

souffrance

Dossier

Confrontation à la maladie, à la mort, horaires éprouvants, conflits humains, paperasse, réformes mal vécues... comment répondre aux diverses formes de souffrance ressenties par les soignants ?

Elle avait peint en lettres rouges, rageuses, sa pancarte. « Santé publique bradée ! infirmière fatiguée ! » Aurait aimé la brandir haut, et crier fort. Fouler le pavé pour dire « [son] inquiétude, [sa] colère aussi. Mon métier, c'est de prendre soin des malades, des plus fragiles... pas, comme je l'ai vu faire, de le rudoyer, ou de rouspéter sous prétexte qu'il ne rapporterait pas assez de "points" au service ! On ne cesse de nous parler rentabilité, performance. Je veux bien qu'il y ait des abus à corriger. Mais dites-moi, être performant, ça veut dire quoi ? Multiplier les actes bien cotés en bon petit comptable ? Mais alors tous ceux qui n'ont pas besoin d'IRM ou d'opération de pointe, ils ne valent rien ? Les vieux, les psychotiques, les jeunots de 30 ans en phase terminale d'un cancer... on devrait les renvoyer chez eux parce qu'ils ne rentrent pas dans les bonnes cases ? »

Malaise prégnant

Elle avait préparé sa blouse, appelé les copines ; elle était de repos, ça tombait bien ! Et puis il y a eu un coup de téléphone : une collègue malade qu'on lui demandait de remplacer au pied levé. Adeline a obtempéré. « Les jeunettes comme moi, ça obéit sans discuter », commente-t-elle amèrement. Rude journée que celle-là : le hall des urgences saturé, comme d'habitude. Des familles mortes d'inquiétude qui parfois s'emportent, lassées d'attendre. Les bras soignants qui manquent, la cadre de santé qui désespère de trouver des lits pour tout le monde. Un jeune interne « pète-sec » - peut-être éreinté, oui, au sortir de vingt-quatre heures de garde - qui la toise lorsqu'elle glisse que « ce monsieur là-bas attend que [vous] lui commentiez ses résultats ». « Le sentiment d'être agressée de toutes parts »... sa pancarte, Adeline l'aurait bien brandie au nez de tout ce beau monde.

« Enfin, au final, c'était plutôt une journée ordinaire. Des violences qui se percutent, et nous percutent, nous, soignants », observe Adeline. Amertume. Anxiété. Pas question, bien sûr, de noircir le tableau. « Tout n'est pas noir ou blanc. D'autant que tout dépend aussi de la personnalité des uns et des autres. Et de la spécialité, de l'équipe, de l'hôpital même où l'on exerce », soulignent des soignants. Sans oublier que l'hôpital n'est pas le seul service public à être bousculé aujourd'hui. Et même, plus largement, que les notions de performance ou de rentabilité interrogent - et heurtent parfois - tout un chacun.

Certes. Reste que l'univers du soin a son caractère propre. Et que les mutations actuelles de l'institution hospitalière peuvent être vécues d'autant plus douloureusement « qu'elles viennent se greffer à des "violences" propres au monde hospitalier... Violence inhérente à la confrontation à la maladie notamment. Violence-frustration liée aux enjeux de positionnement hiérarchique, à la compréhension des rôles de chacun aussi. Autant de composantes qui interfèrent les unes avec les autres, parfois âprement », relève Christiane Vollaire, philosophe et ancienne infirmière.

Retournement des normes

Corps déchirés, disloqués, amputés. Regards happés par la douleur. Cris, coups parfois, silences aussi. Vomissements, diarrhées, bave... Ces maux et mots de la souffrance, que nos sociétés en quête de bien-être ont de plus en plus tendance à vouloir ignorer, ne sont pas à l'hôpital de l'ordre de l'exceptionnel mais bien de celui du quotidien.

Bien sûr, les premiers à être heurtés par la maladie sont les patients eux-mêmes. On « tombe malade » comme on plonge dans un univers inconnu souvent terrifiant. L'annonce d'un diagnostic, même bénin, est toujours un choc pour celui qui le reçoit. Que dire de sa violence quand ce sont les mots cancer, maladie d'Alzheimer ou tétraplégie qui sont prononcés ? Dans le monde hospitalier, ce sont eux qui peuplent les lits. Mais pour celui qui « entre en maladie » atteint d'une de ces pathologies, c'est tout son univers qui est chamboulé ; l'atteinte est physique, mais aussi psychique, et sociale. Sans oublier que l'hospitalisation elle-même est aussi fréquemment vécue comme une violence par les malades. « L'hospitalisation est violence , explique le sociologue Philippe Bataille, car elle est entrée dans un univers clos, normé, dont les gens ne maîtrisent pas les codes. »

Les uns sont malades, les autres pas. Il n'empêche : parfois inconsciente, souvent occultée, voire dédaignée, « pour les soignants aussi, la première violence vécue à l'hôpital est bien celle d'avoir à affronter la maladie », souligne Anne Perraut Soliveres, cadre supérieur, infirmière de nuit, et chercheuse en sciences de l'éducation. Et « avoir la vocation », vouloir justement prendre soin de ceux qui souffrent, n'immunise pas. Le corps à corps avec la maladie, la souffrance, la mort parfois, n'est jamais anodin. Les blagues de potaches des étudiants en médecine le disent à leur manière, rire du corps pour pouvoir opérer sur lui sans se laisser submerger par l'émotion.

Anne Perraut Soliveres se souvient de ses premiers pas : « Le malaise, la peur de mal faire dans ce contact avec le corps de l'autre, avec la nudité, brisée, souillée, odorante. Devoir piquer, découper, transpercer, entrer dans l'intimité de l'autre sans intimité. » Elle dit « avoir appris à faire avec » justement en prenant à bras-le-corps les émotions suscitées par cette rencontre soignant-soigné. Mais ce n'est pas chose aisée. Chef d'un service de soins palliatifs au CHU de Bordeaux, Benoît Burucoa le dit également : « Toute rencontre avec la souffrance d'autrui fait violence. Plus encore lorsqu'elle est intense ou complexe. Quand la fin de vie se précipite et que l'on peine à trouver le tempo pour l'accompagner. Lorsque la souffrance des proches se fait pression, critique sollicitant une attention délicate. Lorsque, de façon insidieuse, la confrontation à ces souffrances aiguise à l'extrême les sensibilités des uns et des autres jusqu'à rejaillir violemment sur la vie d'équipe. »

« Jugés sans appel »

Souvenir indélébile d'une première mort, des larmes d'une mère à qui l'on doit annoncer la tumeur de son enfant, ou, plus simplement, d'un visage perché sur un fauteuil roulant, des escarres abîmant le corps d'un vieil homme... même inconsciemment, le corps à corps patient-soignant n'est pas neutre. Sa violence souvent tout juste apprivoisée. Et encore, « elle a tendance aujourd'hui à prendre une nouvelle dimension, tant les exigences des patients se font de plus en plus fortes. Et les impératifs institutionnels les accompagnant de plus en plus prégnants », relève Anne Perraut Soliveres.

Ne pas attendre indéfiniment avant d'être vu par le médecin ; être écouté, informé ; bénéficier des meilleurs soins, ne pas souffrir... être guéri. L'époque où les patients tremblaient face au tout-puissant professeur en médecine s'étiole peu à peu. Non sans soulagement pour les soignants eux-mêmes. Certes. Mais non sans violence aussi parfois. Adeline liste ces rencontres du quotidien, de celles qui, du droit légitime à la santé, virent au droit à être en bonne santé. Revendication de bien-être éclatant et vision idéalisée de la science médicale : les malades acceptent de moins en moins d'être malades. Et l'expriment parfois sans ménagement. « Pour les soignants, la confrontation avec les patients est alors d'autant plus violente qu'ils ne se sentent plus considérés, regonflés par le regard de l'autre, mais bien jugés sans appel », souligne Anne Perraut Soliveres. Cas extrêmes ? Peut-être. Mais même les « douces » exigences des patients - celles notamment d'un prendre-soin respectueux de leur personne - peuvent heurter : non pas parce qu'elles seraient impensables, mais bien parce que se pose la question des moyens accordés pour y répondre. Et de la considération qu'on y accorde.

Et les moyens ?

Les textes réglementaires le clament haut et fort : la « qualité des soins » exige une « prise en charge globale de la personne ». Ne pas se contenter de soigner mais aussi prendre soin, réconcilier les logiques du care et du « cure » qui ont longtemps fonctionné séparément. L'idéal a de quoi séduire. Sauf que... Sur le terrain, l'affaire est loin d'être évidente. D'abord parce que cette ambition bouscule bien des codes culturels, notamment médicaux. Comme le rappelle Pascale Molinier, chercheuse au laboratoire de psychodynamique du travail au Conservatoire national des arts et métiers, « l'idéal du care a longtemps été porté par "les subalternes" soignants, qui plus est souvent des femmes, et s'est avant tout développé au sein de spécialités peu considérées, comme la gériatrie ou la psychiatrie. »

Et aujourd'hui encore, ce prendre soin ne pénètre que très lentement la formation et la culture médicales, souligne Benoît Burucoa. Même au sein du monde infirmier, les tiraillements existent : tous ne rêvent pas de concilier pratique technicienne et veille relationnelle, « la place au chevet du malade reste parfois inoccupée », note Anne Perraut-Solivères. Et lorsqu'elle l'est, ce peut être alors au détriment de la considération des collègues et médecins. Dur...

Mais plus dure encore, peut-être, est l'absence de considération institutionnelle en la matière. Car mettre en avant la « prise en charge globale de la personne » est certes louable, mais encore faut-il en donner les moyens aux équipes soignantes ! Or, en la matière, « le compte est loin d'y être » s'écrie d'une seule voix la communauté hospitalière. Démographie infirmière et médicale flageolantes, passage aux trente-cinq heures non suivi de recrutements pleinement compensateurs, et - de plus en plus - restrictions de personnel érigées en mot d'ordre au nom d'impératifs budgétaires. Le manque de moyens humains est vécu comme une violence « non seulement parce qu'il nous impose des cadences infernales, mais aussi car il met en jeu la qualité des soins apportée aux malades. Celle-là même que les grands discours prônent ! Qui est devenue un droit opposable pour les patients sans que l'on ait la pleine possibilité d'y répondre », commente Nathalie, infirmière en cancérologie.

Quelle performance ?

Levée de boucliers contre des injonctions perçues comme contradictoires. Contre l'irruption rampante et violente de normes et impératifs comptables au sein du monde du soin. Certes, le malaise n'est pas totalement exempt d'une certaine dose de « résistance au changement » : devoir bousculer ses habitudes sans savoir où l'on met les pieds inquiète toujours, souligne Philippe Bataille. D'autant que nul ne peut nier que « la santé a un coût » et que les hôpitaux publics croulent sous les déficits.

Et que, oui, les abus et dysfonctionnements existent, n'en déplaisent à certains. Vouloir les corriger, gommer les inégalités qui surdotent certains services quand d'autres doivent quémander bras soignants et compresses, a priori, qui serait contre ? Tenter d'articuler qualité des soins et saine gestion, en soi l'intention est logique. Sauf que cela suppose d'adapter les instruments de gestion - majoritairement issus du monde de l'entreprise - aux réalités du terrain soignant. Et c'est bien là que le bât blesse pour les soignants. Souvent violemment. « Car que signifie être "performantes" ?, s'interrogent Julie et Corinne, infirmière et aide-soignante dans un service de gériatrie. Simplement enchaîner mécaniquement les toilettes et les pansements, comme on visserait des boulons ailleurs ? Quand en plus on s'entend dire que pour mieux faire nous n'avons qu'à mieux nous organiser, alors que l'on trime à tenter d'accompagner, à deux ou trois, les repas de trente à quarante patients... il y a de quoi frémir. De rage »

« Rentabilité » déplacée

La communauté hospitalière s'oppose ainsi aux mutations institutionnelles en cours car elle les perçoit - et les vit - comme remettant violemment en cause les principes de qualité et d'égalité d'accès aux soins. « Faire en sorte d'éviter gaspillages et rentes de situation, oui. Mais en arriver à songer en termes de "rentabilité", c'est-à-dire réfléchir non plus en termes de coûts mais en fonction de ce que peut nous rapporter une activité, c'est un peu marcher sur la tête, non, en matière de santé ! » résume à mots couverts un directeur de structure. Dans son collimateur, un instrument économique érigé en dogme comptable : la tarification à l'activité, cette fameuse T2A qui fait grincer tant de dents. Non pas tant le principe initial qui pouvait être celui d'une adaptation aux réalités des actes de soin - quand les dotations globales préalables pouvaient contribuer à entretenir des potentats locaux - mais ses modalités de mise en oeuvre « qui risquent de laisser sur le bas-côté de la route tous ceux ayant besoin de soins peu cotés : les vieux, les déments, les handicapés, etc. »

D'autant, souligne Philippe Mossé, économiste au CNRS, que « vouloir imposer à tous les hôpitaux publics et à toutes les cliniques privées le même mode de financement basé sur une tarification à l'activité est une erreur. Non pas tant parce que la tarification à l'activité consacrerait l'entrée du loup dans la bergerie du "service public à la française", mais plutôt parce qu'elle reviendrait à plaquer un mode unique d'incitation économique sur des situations qui sont diversifiées. » Pour les soignants, la situation est violente. « Que faut-il penser d'un système où l'on se surprend avec horreur à penser, au moment de remplir sa fiche de codage "Zut ! si cet enfant avait pesé moins de 1 000 grammes et non 1 020, il m'aurait rapporté plus de points" » ? s'interroge Paul Nolent, jeune médecin en réanimation pédiatrique au CHU de Bordeaux. « Comment nous demander d'être aussi performant que la clinique voisine qui se décharge sur nous des patients non rentables - les plus pauvres et les étrangers sans couverture sociale bien souvent ? » s'indigne Christophe Prudhomme, médecin aux urgences d'Avicenne et syndiqué CGT.

Codages réducteurs

La dichotomie entre impératifs comptables et qualité des soins heurte la communauté hospitalière. À travers le prisme grossissant de la T2A. Et, de plus en plus, dans nombre de gestes du quotidien. Car pour contestées qu'elles soient, les mutations en cours du système hospitalier ne tombent pas du ciel. Elles sont mises en oeuvre, jour après jour, par les soignants eux-mêmes. Tenus, et peu à peu tentés presque malgré eux, d'opérer un tri parmi les patients qui se présentent à eux. « Songer en filigrane que cette patiente a depuis longtemps dépassé la durée moyenne de séjour (DMS) prévue pour sa fracture de hanche. Et peu importe qu'elle soit seule chez elle et qu'elle réapparaisse probablement bientôt aux urgences vu son âge », se souvient Céline, infirmière en gériatrie.

Christophe Prudhomme renchérit, « les réformes en cours sont d'autant plus violentes qu'elles correspondent peu à ce qu'est la médecine aujourd'hui : une prise en charge complexe de pathologies non tant aiguës que chroniques, et liées au vieillissement de la population. » D'où des ressentis particulièrement vifs dans certaines spécialités, au premier rang desquelles la gériatrie et la psychiatrie. D'autant que codage des actes et protocoles normatifs ignorent largement la violence propre aux pathologies qui y sont prises en charge. « Y a-t-il un sens en termes de soins à coder uniformément une broncho-pneumopathie chez un patient de 30 ans et un autre de 90 ans quand l'on sait combien les répercussions - physiques, mais aussi psychiques et sociales - sont différentes chez l'un et chez l'autre ? Comment même coder le temps de parole, l'accompagnement immatériel si essentiel pour nos aînés ? » s'interroge ainsi Corinne. « Que dire d'un système comptabilisant les actes de violence inhérents à la maladie psychiatrique comme "éléments indésirables" auxquels il nous est enjoint de "faire face"... et nous plus de "faire avec", comme le présuppose tout travail thérapeutique censé ! », ajoute Olivier Mans, cadre supérieur à Caen et membre de Serpsy, association regroupant soignants et patients de psychiatrie. Pour ces soignants, la coupe est quasi pleine. D'autant qu'ils souffrent aussi du peu de valorisation de leurs domaines d'exercice au sein même du monde infirmier.

Burn-out

L'accumulation de contraintes finit par peser. D'autant que la liste pourrait encore être allongée : « Le manque de moyens humains qui tend à faire des soignants des pions interchangeables », note Benoît Sourou, infirmier étudiant en institut de formation des cadres de santé (IFCS) ; « une pyramidalisation croissante de l'institution - jusqu'au niveau de la direction - qui risque d'accentuer le fossé entre administratif et soignants, d'attiser les rivalités entre chefs de pôle, et surtout de nuire au travail d'équipe », commente Benoît Burucoa ; « des normes de traçabilité sans fins compréhensibles en termes de sécurité des soins mais entretenant la peur de l'erreur », remarque Anne Perraut Soliveres. Le ras-le-bol affleure tant les soignants ont le sentiment d'être submergés par des contrôles et tâches administratives chronophages au détriment de la qualité des soins à mettre en oeuvre, ce qui alimente « un ressenti de violence tout à la fois personnel et symbolique », commente Philippe Bataille. Non sans risque d'ailleurs pour l'hôpital lui-même : les taux d'absentéisme des soignants qui sont en moyenne 10 % à user de cette « stratégie d'échappement » pour fuir, un jour ou deux, une institution dans laquelle ils ne se retrouvent plus... comme les gestes inadmissibles de maltraitance, naissant souvent lorsque le soignant est à la limite du burn-out et isolé, le disent à leur manière.

À retenir

> Pour les soignants, la première violence consiste à affronter la maladie.

> La communauté hospitalière s'oppose aux mutations institutionnelles car elle y voit des remises en cause des principes de qualité et d'égalité d'accès aux soins.

> Les réformes en cours sont d'autant plus violentes qu'elles correspondent peu à la médecine aujourd'hui : une prise en charge complexe de pathologies non tant aiguës que chroniques, et liées au vieillissement de la population.

initiative

UNE « UTOPSY » CONCRÈTE

Le projet est né récemment au sein d'une bande de jeunes internes en psychiatrie désireux d'interroger leurs pratiques « au-delà du strict cadre scientifique typique de l'enseignement universitaire », comme le dit l'un d'eux, Mathieu Belhasen. Comme une volonté d'appréhender le soin dans toutes ses dimensions, de questionner aussi l'articulation entre clinique et politique. Ils avaient pensé installer leur démarche à l'université, mais le projet n'a pas été retenu. Alors ils ont fondé une association, « ouverte à tous, précise Mathieu Belhasen... internes oui, mais aussi infirmiers, psychologues, moniteurs psychiatriques, médecins, etc ! ». Et proposent une fois par mois une journée de séminaire, « espace d'échange autour de la clinique, du transfert, de la place de la folie dans la société ». Le 14 mars dernier, Utopsy proposait ainsi d'aborder exigences cliniques et éthiques en se penchant sur la clinique de l'enfance en difficulté, les citoyens en marge du dispositif, le forum de La Nuit sécuritaire et sur la question de la formation. Avis aux amateurs !

En savoir plus : http://utopsy.over-blog.fr.

Bibliographie

> L'Hôpital et la profession infirmière, une comparaison France-Japon, Philippe Mossé, avec Maryse Boulongne-Garcin, éd. Seli Arslan, 2008.

> Le Travail émotionnel des soignants à l'hôpital, Catherine Mercadier, éd. Seli Arslan, 2002.

> L'Hôpital corps et âme, Marie-Christine Pouchelle, éd. Seli Arslan, 2003.

> Articles de Pascale Molinier, dont « Le Travail entre souffrance des patients et souffrance des soignants », L'Information psychiatrique (numéro « Vieillir », 1994).

points de vue

DES CADRES ÉQUILIBRISTES

« Censées être "courroies de liaison" entre les uns et les autres, les cadres de santé se disent coincées entre l'obligation d'être d'accord avec les décisions du médecin chef, l'idéal de proximité avec l'équipe soignante qu'elles doivent guider et, aujourd'hui, les tâches administratives qui s'accumulent. Certes, les positionnements hiérarchiques des uns et des autres étaient bien plus rugueux il y a quelques années mais il est vrai que les impératifs comptables et normatifs aujourd'hui mis en avant ont tendance à tendre à nouveau les rapports hiérarchiques. »

Pascale Molinier, chercheuse au laboratoire de psychodynamique du travail au Conservatoire national des arts et métiers

« Être cadre ? C'est, armé d'une grande capacité d'écoute, comme "donner une couleur" au soin dans un service, tenter de mettre du sens et du cadre au sein d'une équipe surtout quand celle-ci est en souffrance. Un défi ! D'autant que s'il existe aujourd'hui officiellement une hiérarchie infirmière relativement indépendante, infirmiers, aides-soignants et agents de service souffrent toujours largement du manque de considération. Un atout de réussite ? Hors l'écoute, une bonne connaissance de l'institution dans laquelle on travaille, ce que le turn-over à tout va est loin de favoriser ! »

Corinne Benyaïch, cadre de santé aux urgences pédiatriques du CHU de Bordeaux

équipes

DES GROUPES DE PAROLE

À la demande de l'équipe elle-même, et parallèlement aux groupes de travail qui ont pu se mettre en place sur des thématiques précises telles que « sédation et analgésie », le service de réanimation pédiatrique du CHU de Bordeaux a inauguré il y a quelques mois un groupe de parole animé par Nathalie Gréard, psychologue du travail au CHU. « Leur vocation n'est pas thérapeutique mais vise à permettre à tous les membres de l'équipe de définir et de s'approprier ses positionnements, auprès des patients qui sont ici des enfants, auprès des familles, partenaires du soin, note la psychologue. L'essentiel de la pertinence de la démarche tient au fait que tous sont présents : médecins, cadres, infirmiers, aides-soignants... ce qui permet que naisse un réel temps de réflexion d'équipe, de questionnement des pratiques. »

Catherine Mercadier, ancienne infirmière et cadre de santé, et future directrice de soins, confirme : « Les groupes de parole - tout comme les temps de parole, de réflexion en commun ! - sont d'une part peu nombreux. Et d'autre part naissent trop souvent ici et là sans sens véritable, justement car l'encadrement en est absent voire les ignore, ou car ils ne correspondent pas à un véritable projet d'équipe. Le risque est alors de s'y sentir jugé, au lieu de pouvoir y dire ses questionnements. »