Surpoids et grossesse - L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 249 du 01/05/2009

 

obstétrique

Cours

La grossesse chez les femmes obèses peut être associée à des complications pour la mère comme pour l'enfant, et à des risques même au-delà de la naissance. Ce contexte impose une prise en charge particulière et tout un travail infirmier d'éducation, d'information et d'accompagnement. Une approche globale grâce à laquelle la plupart de ces grossesses se déroulent bien.

Selon les enquêtes Obépi (enquêtes épidémiologiques sur le surpoids et l'obésité des adultes), la prévalence du surpoids et de l'obésité augmente régulièrement (encadré p. IX) chez les femmes en âge de procréer. Elle a progressé de 1 à 2 % en fonction des tranches d'âge entre 1997 et 2000. Par ailleurs, les études de cohorte montrent que les grossesses chez les femmes obèses sont associées à une incidence plus élevée des complications maternelles et foetales de la période gestationnelle à la période postnatale. D'où l'intérêt pour les soignants de connaître les complications liées à la grossesse chez la femme obèse, pour mieux comprendre le rôle important qu'ils peuvent jouer dans leur prévention et leur prise en charge.

RETENTISSEMENTS DE L'OBÉSITÉ SUR LA GROSSESSE

« Les femmes obèses en âge de procréer sont rarement informées des risques associés à la grossesse et de l'importance d'une prise en charge spécifique à leur état, indique le Pr Jacques Bringer, chef du service des maladies endocriniennes de l'hôpital Lapeyronie à Montpellier. Pourtant, la prise de poids induite par la grossesse représente, indépendamment de la préexistence d'un surpoids ou d'une obésité, un facteur de risque de morbidité foeto-maternel. Leur cumul amplifie donc la morbidité gestationnelle induite par chacun d'eux et influence péjorativement le devenir maternel, foetal et post-natal de la mère et de l'enfant. »

Il est donc important de bien cerner l'ensemble des complications induites par l'obésité sur la mère, le foetus, l'accouchement et les suites néonatales afin d'optimiser la prise en charge globale de la grossesse et le suivi à long terme en post-partum de la mère et de l'enfant.

Complications maternelles de l'obésité.

Complications maternelles de l'obésité. Durant la gestation, elles concernent principalement la survenue d'un diabète gestationnel, d'une hypertension artérielle, d'une toxémie gravidique et d'une apnée du sommeil.

Diabète gestationnel. Les études conduites dans la population générale montrent que le risque de diabète gestationnel chez les femmes ayant un poids normal est de 4 % à 6 % et que ce risque est multiplié par 2 à 6 en présence d'un surpoids. En cas d'obésité préexistante, ce risque est encore majoré et varie en fonction de l'importance de l'excès pondéral et du type de poids. « S'il s'agit d'un poids très abdominal ou tronculaire, le risque peut être multiplié par 20 », indique le Pr Bringer. Ce diabète est généralement repéré à la 24e semaine dans le cadre du dépistage universel (encadré p. VII). « Or, poursuit le Pr Bringer, chez les femmes obèses, le diabète gestationnel peut survenir beaucoup plus précocement. S'il n'est pas dépisté et pris en charge, il expose la mère à un diabète de type 2 à long terme et le foetus à un risque accru d'hypoglycémie, de macrosomie, de traumatisme obstétrical, de détresse respiratoire, voire de mort néonatale. » Lorsqu'elle est présente au cours des huit premières semaines de grossesse, l'hyperglycémie maternelle mal équilibrée peut également entraîner des malformations.

En moyenne, le risque de malformations graves et/ou multiples en cas de diabète en début de grossesse atteint 4 à 10 % contre 2,1 % dans la population générale. Ces malformations touchent surtout l'appareil cardio-vasculaire, le système nerveux central, le squelette et l'appareil urogénital. La prise en charge médicale, l'autocontrôle glycémique et la normalisation de la glycémie dès le début de la grossesse représentent le seul moyen efficace de les prévenir et de ramener le risque de malformation à celui de la population générale. Il importe donc que toutes les femmes obèses enceintes puissent bénéficier d'un dépistage précoce du diabète gestationnel.

Hypertension artérielle. Physiologiquement, la pression artérielle baisse au cours des deux premiers trimestres de la grossesse du fait d'une vasodilatation artérielle plus marquée que l'élévation du débit cardiaque (cf. tableau p. V). Elle est comprise entre 115 et 119 mmHg pour la pression systolique et 70 à 74 mmHg pour la pression diastolique. L'hypertension artérielle (HTA) chez une femme enceinte est définie par une pression artérielle systolique (PAS) ³ 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) ³ 90 mmHg constatée sur deux mesures consécutives espacées de six heures.

Elle constitue la complication la plus fréquente de la grossesse. Affection bénigne lorsqu'elle est bien contrôlée, l'HTA représente aussi la première cause de morbi-mortalité périnatale, lorsqu'elle est instable et mal prise en charge. Elle survient chez plus de 10 % des femmes enceintes en France. L'obésité majore ce risque d'HTA puisqu'il est 6 à 8 fois plus important chez les femmes enceintes obèses. Elle en majore aussi les complications pour la mère (toxémie gravidique - prééclampsie -, éclampsie, hématome rétroplacentaire...) et le foetus (retard de croissance, souffrance foetale, prématurité, mort in utero). La surveillance de la pression artérielle, systématique chez la femme enceinte, doit donc être particulièrement rigoureuse chez la femme obèse.

Toxémie gravidique. La toxémie gravidique ou « prééclampsie » est une forme sévère d'HTA chez la femme enceinte. Elle associe l'HTA à une protéinurie supérieure à 0,3 g/24 heures et peut être plus ou moins sévère selon les critères biologiques et les signes cliniques présents (lire les deux encadrés en colonne). Son incidence est 2 à 5 fois plus élevée en cours de grossesse chez les femmes obèses. Elle est liée à la présence du placenta et disparaît après l'accouchement. Par cette hypertension, l'organisme maternel tente de compenser une mauvaise perfusion du placenta pour protéger le foetus. En présence d'une toxémie gravidique, les complications les plus redoutées sont la crise d'éclampsie et la mort foetale. Le risque d'éclampsie est près de trois fois plus élevé chez les femmes enceintes obèses. L'éclampsie se manifeste par la survenue d'une ou plusieurs crises convulsives.

Ces crises surviennent en ante-partum dans 38 % des cas, pendant le travail dans 18 % des cas ou en post-partum (jusqu'au 7e jour) dans 44 % des cas. La crise d'éclampsie est plus grave pour la mère lorsqu'elle survient en ante-partum ou juste avant terme. Lorsque les signes de la toxémie (tension artérielle, uricémie, protéinurie, oedèmes) sont associés à des douleurs épigastriques en barre, des céphalées, une obnubilation, des phosphènes ou des acouphènes, l'hospitalisation, voire la césarienne en urgence, s'imposent. Dans la majorité des cas, le repos total au lit (en décubitus latéral gauche de préférence) associé à une surveillance rapprochée à domicile (sage-femme à domicile) ou à l'hôpital, est le principal traitement anti-hypertenseur susceptible de prévenir ou de retarder les complications d'une grossesse toxémique. Un traitement par acide acétylsalicylique (vasodilatateur périphérique) à raison de 100 mg par jour peut être associé au repos. En cas de toxémie sévère, un traitement spécifique de l'HTA de type bêtabloquant (aténolol) ou inhibiteur calcique (nifédipine) peut être prescrit.

Apnée du sommeil et troubles respiratoires. Aujourd'hui, la relation entre l'obésité et l'apnée du sommeil est bien établie, et la grossesse n'arrange rien. Les troubles respiratoires sont majorés, entraînant une plus grande fréquence de ronflements, d'hypoventilation et d'apnées du sommeil chez la femme obèse enceinte. « On estime que les ronflements sont présents dans 40 % des cas, soit quatre fois plus que chez la femme non obèse, et que l'apnée du sommeil concerne 11 % des femmes obèses enceintes, confirme le Pr Bringer. Or, ces troubles respiratoires ne sont pas sans conséquences : l'hypertension gravidique et/ou la prééclampsie sont trois fois plus fréquentes lorsque des ronflements sont associés à l'obésité, et l'apnée du sommeil peut s'accompagner d'un risque accru de toxémie et d'un retard de développement in utero du foetus. » Ces effets sont relativement méconnus et il est important de mieux les appréhender car le dépistage d'une apnée du sommeil chez une femme enceinte obèse hypertendue peut permettre de prévenir une toxémie.

Complications foetales de l'obésité.

Elle implique pour le foetus un risque de macrosomie, de dystocie de l'épaule, d'anomalies congénitales et de mortalité périnatale.

Macrosomie. Elle est caractérisée par une augmentation du poids du foetus (poids supérieur à 4 kg) associée à un excès de tissu adipeux ou une proéminence abdominale importante. Elle doit donc être différenciée des enfants à forte stature qui présentent un bon rapport entre la masse adipeuse et la masse musculaire. Autrement dit, tous les enfants ayant un poids de naissance supérieur à 4 kg ne sont pas macrosomes. Favorisé et majoré par la présence d'un diabète gestationnel mal équilibré, le risque de macrosomie existe aussi en l'absence de diabète gestationnel, y compris lorsque le surpoids est modéré (IMC compris entre 25 et 30 kg/m2). « En fait, explique le Pr Bringer, le diabète augmente le risque intrinsèque lié à l'obésité elle-même si l'équilibre glycémique n'est pas satisfaisant. »

Le rôle prépondérant de l'obésité est confirmé par une étude parue en 2005 dans Diabetologia (1). Réalisée sur une cohorte de 10 000 femmes suivies au cours de leur grossesse, elle objective la présence d'une macrosomie chez 23 % des nouveau-nés de mères présentant un IMC supérieur à 26 kg/m2 contre 3,8 % des enfants nés de mères hyperglycémiques. Il est également montré que le risque de macrosomie n'est pas augmenté par le diabète gestationnel lorsque la glycémie est bien contrôlée, notamment par l'insulinothérapie (2).

Dystocie de l'épaule. Elle est directement liée à la macrosomie. Elle survient à l'accouchement et concerne plus de 30 % des enfants de plus de 4,5 kg à la naissance contre 2 % des enfants ayant un poids inférieur. Elle se caractérise par l'absence d'engagement des épaules qui, du fait de l'augmentation (> 13 cm) du diamètre biacromial (3), restent bloquées sous la symphyse pubienne de la mère, empêchant le reste du corps de quitter la filière pelvienne.

Lors de l'accouchement, elle se reconnaît à la rétraction spontanée de la tête dès son passage vulvaire et à l'inefficacité des poussées suivantes et l'échec des gestes habituels de l'accouchement. Une intervention inappropriée ou inefficace peut entraîner des lésions parfois graves, voire mortelles pour l'enfant. Cela dit, les femmes obèses enceintes bénéficient d'un suivi rigoureux qui permet de prévoir la macrosomie foetale et de prendre préventivement toutes les dispositions requises pour un accouchement à risque (présence d'un obstétricien expérimenté, d'un pédiatre et d'un anesthésiste).

Anomalies congénitales. Bien que longtemps discutée, la relation entre l'obésité maternelle et l'apparition de malformations foetales a récemment été établie par une méta-analyse publiée dans le Journal of the American Medical Association (Jama) (4). Conduite par une équipe de Newcastle (Royaume-Uni), cette analyse montre qu'il existe véritablement une augmentation du risque de certaines anomalies chez les enfants nés de mère obèse comparé à des mères ayant un IMC dans les valeurs recommandées. « Ce risque est assez minime en cas d'IMC inférieure à 35 kg/m2, commente le Pr Bringer. En revanche, on constate une augmentation 2,24 fois plus importante des anomalies du tube neural, et notamment une augmentation du risque de spina bifida, en cas d'obésité sévère. »

De même, le risque de malformation cardiovasculaire est augmenté de 30 %, le risque de malformation congénitale des cloisons cardiaques de 20 %, le risque de fente palatine de 23 %, d'atrésie anale (absence de continuité entre le rectum et l'anus) de 48 %, d'hydrocéphalie de 68 %, et d'anomalies des membres de 34 %. « Cela dit, poursuit le spécialiste, si l'on est aujourd'hui en mesure d'affirmer que l'obésité maternelle est associée à une augmentation du risque de macrosomie, à un taux plus élevé de certaines anomalies congénitales et à une augmentation de la mortalité foetale dans la période prénatale (5), dans l'absolu, ces risques restent minimes et il faut donc rassurer les femmes, car l'immense majorité des grossesses chez la femme obèse se déroulent bien. »

SPÉCIFICITÉS DE L'ACCOUCHEMENT

La grossesse chez la femme obèse augmente les inductions thérapeutiques du travail et le taux de césariennes (+ 30 % en moyenne par rapport aux femmes de poids normal). Bien que très variable selon les équipes, la pratique de la césarienne concerne près d'une femme sur deux en cas d'obésité sévère (IMC > 40 kg/m2). Cette proportion augmente en fonction des comorbidités associées : ainsi, elle est de 40 % chez les femmes sévèrement obèses sans autre facteur de risque, de 44 % s'il existe une HTA associée, de 50 % en cas de diabète préexistant ou gestationnel mal équilibré et de 59 % en cas d'HTA et de diabète conjoints.

La dilatation cervicale incomplète, la macrosomie foetale et le risque plus élevé de dystocie de l'épaule constituent les indications les plus fréquentes de césarienne chez la femme obèse. En général, l'obésité rend plus délicate la réalisation d'une analgésie péridurale car les repérages sont plus difficiles. De même, l'anesthésie générale est plus complexe : l'intubation est moins facile et le risque d'inhalation plus élevé. En outre, le repérage, l'accès et le maintien d'une voie d'abord périphérique est moins évident que chez une femme de poids normal.

Quant aux suites opératoires, l'obésité engendre une augmentation postopératoire du risque infectieux cicatriciel deux à trois fois plus importante et des risques thrombo-emboliques consécutifs à la stase veineuse accrus. En ce qui concerne les enfants, ils sont plus souvent admis en réanimation néonatale car ils sont plus fréquemment soumis à des traumatismes obstétricaux et présentent assez régulièrement un Apgar bas (cf. encadré et tableau) à la naissance. Toutefois, compte tenu des progrès réalisés en néonatalogie, la mortalité néonatale n'est pas plus élevée que celle observée en population générale.

CONSÉQUENCES À DISTANCE DE L'OBÉSITÉ MATERNELLE

« Après la naissance, précise le Pr Bringer, on observe à long terme une augmentation de l'obésité et de l'apparition d'un diabète de type 2 chez la mère. Ce risque est d'autant plus important que la mère a présenté un diabète gestationnel durant la grossesse et que l'enfant est né avec une macrosomie. Chez l'enfant et le jeune adulte, le risque d'obésité et de survenue de troubles métaboliques (diabète) sont également plus fréquents et directement corrélés à l'obésité de la mère et à la macrosomie natale. Le risque pour un jeune adulte d'être obèse lorsque sa mère est obèse est 3,6 fois plus important. Si le père est également obèse, il existe un risque 2,5 fois plus important surajouté au risque maternel. »

Autant d'éléments qui militent en faveur d'une prise en charge spécifique des grossesses associées à une obésité. Idéalement, il conviendrait que toutes les femmes en surpoids ou obèses qui formulent un projet de grossesse puissent être prises en charge dans la période préconceptionnelle. La proximité des infirmières constitue donc un atout majeur pour informer les femmes et les sensibiliser, sans les alarmer, au fait qu'il est important dans leur cas de bénéficier d'un suivi spécifique dès la phase préconceptionnelle et jusqu'après l'accouchement.

ACCOMPAGNEMENT AVANT, PENDANT, APRÈS LA GROSSESSE

À l'instar de la femme diabétique, la femme obèse doit, dans son intérêt et celui de l'enfant, préparer sa grossesse afin de limiter l'impact des complications que pourrait engendrer son surpoids.

Optimiser la prise en charge préconceptionnelle.

« Cette préparation est une nécessité que les femmes obèses, à l'exception de celles qui sont suivies pour des problèmes d'infertilité (cf. encadré p. VIII), connaissent rarement, insiste le Pr Bringer. Ceci est d'autant plus regrettable que ces femmes sont motivées par leur projet de grossesse et particulièrement disposées à mettre la période préconceptionnelle à profit pour faire un bilan approfondi et mettre en place les mesures qui s'imposent. »

Le bilan doit comporter :

- une évaluation nutritionnelle et métabolique ;

- la recherche de troubles du comportement alimentaire et d'anomalies métaboliques (diabète, dyslipidémie, hyperinsulinisme...) ;

- un dépistage des complications de l'obésité (HTA, apnée du sommeil....).

À l'issue de ce bilan, au-delà de la prise en charge médicale spécifique des troubles métaboliques et cardiovasculaires, un objectif pondéral raisonnable doit être fixé et des mesures diététiques accessibles mises en place. Ces mesures doivent être associées à un programme d'activités physiques réaliste et à une supplémentation préventive en acide folique (6).

Un accompagnement paramédical et dans certains cas, psychologique, est nécessaire pour encourager les efforts et valoriser les résultats. Cette prise en charge globale associant médecins et paramédicaux devra se poursuivre tout au long de la grossesse pour aider les femmes à respecter les objectifs de gain pondéral fixés et assurer une surveillance de tous les facteurs de risque maternels.

Surveiller l'évolution de la grossesse

Objectif pondéral. Les objectifs de gain pondéral au cours de la grossesse sont de 5 à 7 kg en cas d'obésité et de 7 à 11 kg en cas de surpoids. Une prise de poids inférieure à ces valeurs traduit un amaigrissement maternel dont certaines études montrent qu'il peut être préjudiciable au développement foetal (retard de croissance). À l'inverse, une prise de poids excessive favorisera les complications vues précédemment.

Suivi diététique. Les recommandations nutritionnelles préconisent des apports caloriques journaliers de 1 500 calories, pouvant atteindre 1 700 calories en fin de grossesse. Ces apports doivent être fractionnés en trois repas principaux et une à deux collations. Il doivent exclure les glucides rapides mais conserver les fruits riches en vitamines. Les glucides lents (légumes secs, féculents, pain...) doivent être maintenus mais consommés avec modération. Protéines et calcium doivent être apportés quotidiennement par la viande, le poisson, le fromage et/ou les laitages. Il n'est pas rare qu'une supplémentation en vitamines et folates soit prescrite pour compenser les risques associés à un régime restrictif excessif.

Activité physique. Il est conseillé d'éviter les activités susceptibles de provoquer des contractions (vélo ou marche, par exemple). En revanche, les sports qui mobilisent les bras et les jambes en épargnant le tronc (natation, aquagym, notamment) doivent être privilégiés dès le début de la grossesse.

Surveillance des facteurs de risque maternels. Il convient, dès la confirmation de la grossesse, d'instaurer une surveillance mensuelle systématique de la tension artérielle, de l'état veineux des membres inférieurs (recherche d'un oedème), de la glycémie à jeun (< 0,90 g/l) et post-prandiale (< à 1,20 g/l). Si les résultats glycémiques sont normaux au cours des cinq premiers mois, un test de charge orale en glucose doit être réalisé au cours de la 24e semaine.

À l'inverse, si les résultats attestent de la présence d'un diabète gestationnel confirmé malgré une diététique bien observée, une insulinothérapie doit être instaurée sans tarder pour réduire les risques materno-foetaux. L'interrogatoire de la patiente doit également prendre en considération les signes suspects d'apnée du sommeil (pause respiratoire, ronflements, troubles de la vigilance, somnolence...).

Surveillance foetale. La surveillance de la biométrie foetale est particulièrement importante et doit être d'autant plus rigoureuse que l'obésité maternelle réduit la sensibilité de l'échographie à déterminer les malformations foetales (7). La réalisation et la lecture des échographies nécessitent une réelle expertise.

L'ensemble de ces mesures préconceptionnelles et gestationnelles doit permettre de limiter la prise de poids résiduelle après l'accouchement et les risques d'installation ultérieure d'un diabète de type 2 chez la mère. Un suivi post- natal annuel, voire semestriel de la glycémie est conseillé. De même, il est important d'encourager la mère à contrôler son alimentation et à poursuivre une activité physique pour prévenir l'aggravation ultérieure de l'obésité. Chez l'enfant, il convient de se méfier, à distance, d'un rebond pondéral vers l'âge de 4-5 ans car il est précurseur d'une obésité à l'âge adulte (8).

« Coaching » infirmier

Une grossesse chez une femme obèse représente pour les équipes soignantes un véritable challenge. Parce qu'elle relève d'une prise en charge pluridisciplinaire nécessitant une bonne coordination sur un laps de temps relativement court, et parce que la moindre perte de temps ne se rattrape pas. « Un rendez-vous tardif peut entraîner un retard de plusieurs semaines dans la mise en place d'une mesure thérapeutique et peut, par exemple, faire perdre tout le bénéfice du dépistage d'un diabète gestationnel », souligne le Pr Bringer.

Si le rôle infirmier consiste à informer, éduquer et accompagner les patientes avant, et tout au long de leur grossesse, il est aussi et surtout de « coacher » la grossesse. « Il est en effet capital dans ce contexte particulier, d'avoir une très grande réactivité dans l'adaptation thérapeutique pour optimiser les effets des conseils et des traitements », conclut le spécialiste. Les infirmières sont les acteurs les plus à même de garantir cette réactivité à la fois dans l'alerte du corps médical (pour obtenir rapidement des rendez-vous de spécialiste par exemple) et dans l'information des patientes, l'objectif étant de mettre en place avec doigté un environnement médical extrêmement efficace, bien accepté et surtout bien compris par les patientes.

1- W. Ricard, L. Lopez et col., « Body Mass Index Has a Greater Impact on Pregnancy Outcomes than Gestational Hyperglycemia », Diabetologia, 2005, 48 : 1736-1740.

2- Okun et al., « Relative importance of maternal constitutional factors and glucose intolerance of pregnancy in the development of newborn macrosomia », Journal of Maternal-Fetal Medicine, 1997, 6 : 285-290.

3- Distance séparant les deux acromions (apophyse de l'omoplate qui s'articule sur la clavicule).

4- K. J. Stothard et col., « Maternal Overweight and Obesity and the Risk of Congenital Anomalies », JAMA, 2009 ; 301 : 636-650.

5- Le risque de mortalité foetale in utero est trois fois plus élevé en présence d'une obésité morbide.

6- L'acide folique (vitamine B9, contenue dans le foie, les abats, les plantes légumineuses) est une vitamine essentielle au développement normal de la colonne vertébrale, du cerveau et du crâne du foetus, en particulier durant les quatre premières semaines de la grossesse. Une supplémentation préventive chez les femmes obèses permet de réduire le risque d'anomalie du tube neural auquel elles sont particulièrement exposées.

7- L'obésité maternelle réduit de 50 % la capacité de l'échographie à visualiser la morphologie cardiaque et de 30 % la qualité d'évaluation des structures cranio-médullaires.

8- L'IMC augmente fortement au cours de la première année de vie, pour atteindre un premier pic vers l'âge de 1 an. Il décroît ensuite pour atteindre un minimum entre 5 et 6 ans et augmente (rebond) de nouveau progressivement jusqu'à l'âge adulte. Si ce rebond pondéral intervient avant 6 ans, l'enfant présente tous les risques d'être obèse à l'âge adulte.

Prééclampsie...

> La prééclampsie associe une protéinurie de plus de 0,3 g / 24 h à une hypertension artérielle gravidique (HTAG) (PA systolique ³ 140 mmHg et/ou PA diastolique ³ 90 mmHg). Dans certains cas, la protéinurie peut manquer initialement, mais on suspectera une prééclampsie devant une HTA de novo associée à l'un ou l'autre des signes suivants :

- oedèmes d'apparition brutale ou rapidement aggravés (membres inférieurs, face, mains) ;

- uricémie > 350 µmol/l ;

- augmentation des ASAT au-delà des normes du laboratoire ;

- plaquettes < 150 000/mm3 ;

- retard de croissance in utero (RCIU).

Source : http://www.esculape.com/fmc2/ eclampsiepre.html

... et prééclampsie sévère

> La prééclampsie sévère se définit soit par une HTAG grave (PAS ³ 160 mmHg et/ou PAD ³ 110 mmHg ), soit par une HTAG (PAS ³ 140 mmHg et/ou PAD ³ 90 mmHg ) associée à un ou plusieurs des signes suivants :

- douleurs épigastriques, nausées, vomissements ;

- céphalées persistantes, hyperréflectivité ostéo-tendineuse ;

- troubles visuels ;

- protéinurie > 3,5 g/j ;

- créatininémie > 100 µmol/l ;

- oligurie avec diurèse < 20 ml/h ;

- hémolyse ;

- ASAT > à trois fois la norme du laboratoire ;

- thrombopénie < 100 000/mm3.

Le score d'Apgar

Ce score, inventé en 1952 par l'Américaine Virginia Apgar, est utilisé pour évaluer la santé du nouveau-né juste après la naissance. Le nom Apgar a été par la suite transformé en acronyme : apparence (coloration), pouls (fréquence cardiaque), grimace (réflexe à l'irritation), activité (tonus musculaire), et respiration. Il est compris entre zéro (arrêt cardiaque) et 10 (normal). Il se décompose en cinq tests auxquels on attribue 0 à 2 points : fréquence cardiaque, respiration, tonus, réflexes et coloration. Le test complet comprend normalement trois valeurs de ce test prises successivement à 1, 5 puis 10 minutes. Un score inférieur à 7 est anormal et nécessite des gestes de réanimation. Un score inférieur à 3 est synonyme de mort apparente.

Dépistage du diabète gestationnel

Le dépistage du diabète gestationnel repose sur le test de O'Sullivan : glycémie veineuse 1 heure après ingestion de 50 g de glucose, que la femme soit à jeun ou non. Le dépistage est positif si la glycémie dépasse 1,30 g/l (7,2 mmol/l). En cas de dépistage positif (20 à 25 % des femmes enceintes), il est nécessaire de réaliser un test d'hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) à 100 g de glucose. Toutefois, si le test montre d'emblée une glycémie > 2 g/l (11,1 mmol/l), le diagnostic de diabète gestationnel est posé et le traitement instauré. Lorsqu'une HGPO est nécessaire, elle doit être réalisée le matin à jeun moins de sept jours après le test de O'Sullivan. La patiente doit être au repos et ne doit pas avoir modifié son alimentation habituelle.

En pratique, elle consiste, après absorption de 100 g de glucose, à mesurer la glycémie veineuse sur des prélèvements réalisés à T0, T60, T120, T180 min. Le diagnostic est posé sur la présence de deux valeurs supérieures ou égales aux seuils suivants : 0,95 g/l (5,3 mmol/l), 1,80 g/l (10,1 mmol/l), 1,55 g/l (8,7 mmol/l), 1,40 g/l (7,8 mmol/l). La constatation d'une seule valeur anormale est considérée par certaines équipes comme une anomalie de la tolérance au glucose justifiant une surveillance accrue.

Source : Dr P. Goesse, « Surveillance de la grossesse par le médecin généraliste du normal au pathologique (HTA, diabète gestationnel, risque d'accouchement prématuré) », 28 mars 2007 (http://formathon.fr/fr/spip.php?article103).

Infertilité et obésité

L'obésité peut perturber la fonction de reproduction et accroître le risque d'infertilité. Les données épidémiologiques montrent clairement que le surpoids contribue à une augmentation de la fréquence des troubles du cycle et de l'infertilité. Un IMC supérieur à 27 kg/m2 multiplie par trois le risque d'infertilité anovulatoire. Même chez les femmes en simple surpoids (IMC entre 25 et 27 kg/m2) le risque relatif est également augmenté à 1,2. Dans la population de femmes obèses, la prévalence du syndrome des ovaires polykystiques est également plus forte. Parmi les éléments physiopathologiques, la localisation du tissu adipeux constitue un facteur déterminant dans la survenue de troubles du cycle chez la femme obèse. À l'inverse, de nombreux travaux ont montré que la réduction pondérale permettait le retour de cycles normaux. Même limitée (5 %), la réduction du poids entraîne une amélioration significative de la fécondité. Une étude australienne montre que plus de 90 % des femmes obèses peuvent obtenir une amélioration de leur cycle et des grossesses spontanées par une prise en charge diététique et un exercice physique. Les bénéfices de la perte pondérale semblent passer par une amélioration de l'insulinosensibilité. De nombreux essais récents utilisant des agents insulinosensibilisateurs soulignent l'intérêt de ces agents pour améliorer la fertilité. La metformine, la troglitazone, le D-chiro-inositol ont été essayés dans des études randomisées chez des femmes présentant un syndrome des ovaires polykystiques avec des résultats spectaculaires sur la fertilité.

Source : « Obésité et reproduction », P. Lefebvre, J. Bringer, services des maladies endocriniennes, CHU de Montpellier (sur http://www.gyneweb.fr).

En savoir plus

> Cent une questions en gynécologie-obstétrique, Henri Marret, Jacques Wagner-Ballon, Hervé Guyot, Masson, 2004

> http://www.alfediam.org/membres/recomman dations/alfediam-grossesse.asp

> http://www.pifo.uvsq.fr/ hebergement/cec_mv/ 17.pdf

> http://www.esculape.com/fmc/toxemie.html