Et les doses mini-mômes ? - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

médicaments

Dossier

Depuis 2007, l'obligation faite aux laboratoires de développer des médicaments vraiment adaptés aux enfants a lancé une dynamique positive... à laquelle participent les infirmières de recherche clinique.

Avant de pouvoir être vendus en pharmacie, les médicaments ont une longue vie derrière eux. La recherche fondamentale permet d'abord de découvrir de nouvelles molécules. Une fois sélectionnées, ces molécules connaissent une période d'expérimentation pré-clinique : des tests sont réalisés en laboratoire, sur des animaux, et des modèles mathématiques sont élaborés pour prédire au plus près leurs effets sur les êtres humains. Une fois ces précautions prises, le médicament franchit le stade des essais cliniques, chez l'homme, lesquels comportent quatre phases. La première évalue la tolérance au produit chez le sujet sain. La phase 2 permet d'examiner la manière dont le médicament est absorbé par le corps et transformé. Les essais de phase 3 permettent de mesurer l'efficacité du médicament, en le comparant à d'autres composés reconnus comme efficaces dans le traitement de la maladie, s'ils existent.

Pharmacovigilance

C'est à l'issue de la phase 3 qu'un industriel demande l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour son nouveau produit. L'autorisation est délivrée par l'Agence européenne du médicament (Emea), ou bien l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Si le médicament est autorisé, il peut être mis en vente, et le laboratoire qui l'a développé obtient un brevet lui assurant l'exclusivité des droits industriels pendant vingt ans. Le médicament entre alors en phase 4, une sorte d'observation à vie. En France, 31 centres régionaux de pharmacovigilance analysent d'éventuels effets secondaires indésirables sur le long terme. Ces centres font remonter les données qu'ils recueillent vers l'Afssaps. En fonction de la gravité des cas, l'agence nationale décide du traitement à appliquer : suspension provisoire ou complète, ou bien recherches supplémentaires.

Au début de cette décennie, l'Union européenne a mené une enquête pour mesurer les manques dans le domaine des médicaments destinés aux enfants. Cette étude a montré que des médicaments sans AMM spécifique étaient prescrits pour des enfants dans 94 % des cas en soins intensifs, dans 67 % des cas à l'hôpital et dans 30 % des cas en médecine de ville. Bien souvent, le médecin doit choisir : ne pas prescrire ou le faire en dehors du contexte réglementaire, avec les risques d'erreurs d'administration que cela comporte. En effet, l'enfant n'est pas un adulte en miniature, mais un être en plein développement. Pour lui, le dosage du médicament n'est nullement proportionnel à son poids ou à son âge par rapport à ce qui a été dosé pour l'adulte. Il est nécessaire de mener des essais spécifiques pour les enfants afin d'évaluer la pharmacocinétique propre à chaque médicament, c'est-à-dire la manière dont il est absorbé et transformé par le corps. Le mode d'administration a également son importance. Ainsi, la barrière des 6 ans est fondamentale. C'est l'âge moyen à partir duquel l'enfant peut avaler un comprimé. Avant cet âge, d'autres formes, adaptées, doivent être développées.

« Petite cuisine »

La psychiatrie manque particulièrement d'indications spécifiques en pédiatrie. Jean Chambry, responsable de l'unité d'urgences et de liaison de psychiatrie infanto-juvénile de la Fondation Vallée (implantée dans le CHU du Kremlin-Bicêtre, 94) explique comment les médecins sont contraints de jouer avec les indications. « Si l'emploi de psychotropes pour les enfants et les adolescents est loin d'être automatique et anodin, il est dans certains cas nécessaire. Et pour le moment, nous disposons de très peu de choses. Il nous faut choisir entre médicaments disposant d'une AMM pédiatrique trop pointue ou notifiant des effets secondaires trop importants, ou des médicaments plus adaptés, mais dont l'AMM est hors pédiatrie. Nous effectuons notre petite cuisine. Et pour prendre la bonne décision, il nous est nécessaire de beaucoup parler avec les parents. De plus, il est difficile de se représenter les bénéfices au long cours de ces remèdes. »

Pédiatre gastro-entérologue et directeur du CIC (centre d'investigation clinique) pédiatrique de Rouen, Éric Mallet souligne lui aussi un certain flou : « Je me souviens d'avoir évalué les effets d'un médicament permettant de traiter l'oesophagite ulcérée sur le nourrisson. C'était en 1990. Comme nous n'avions pas d'autres possibilités, nous avons effectué nos propres mesures de contrôle de l'acidité gastrique, dans le cadre d'essais qui n'étaient pas considérés comme statutaires. Ensuite, nous avons publié notre étude, et ses résultats ont servi dans toute la France. »

Impulsion européenne

La carence en médicaments pédiatriques s'explique par le fait que les enfants ont des maladies plus variées que les adultes et qu'ils représentent en Europe une minorité démographique. Économiquement, ils ne constituent pas un marché suffisamment intéressant pour justifier des investissements spécifiques de la part des industriels. Ce qui explique la démarche réglementaire menée à l'échelle européenne, et qui a contribué à changer la donne en ce domaine.

Suite à un travail conjoint réalisé par les associations de parents, très actives, le personnel politique et administratif, les pédiatres et les industriels, le Parlement européen a adopté le 1er juin 2006 le règlement 1901/2006. Ce texte, entré en vigueur le 26 janvier 2007, impose aux industriels qui souhaitent développer un nouveau médicament de prévoir conjointement une indication pédiatrique. En contrepartie, ils obtiennent un certificat complémentaire de protection, c'est-à-dire un brevet prolongeant de six mois leur propriété industrielle. En ce qui concerne les médicaments tombés dans le domaine public (c'est-à-dire dont le brevet d'exclusivité a expiré), n'importe quel laboratoire peut mener les recherches nécessaires pour les adapter à l'usage pédiatrique. Une nouvelle autorisation et une exclusivité de dix ans sur les données recueillies lui sont alors accordées.

Le règlement européen renforce l'encadrement des essais cliniques pédiatriques. Avant de démarrer une nouvelle recherche clinique, le laboratoire soumet un plan d'investigation pédiatrique à l'Emea (l'Agence européenne du médicament). Ce plan, qui doit être validé par l'agence du médicament, précise le protocole mis au point pour les essais. Il doit également fournir des données prouvant l'efficacité, la qualité et la sécurité du produit à développer. L'essai doit également obtenir l'approbation des comités de protection des personnes (CPP), dont l'approche est plus ciblée sur l'éthique (lire l'encadré à gauche).

Enfants malades inclus

Le laboratoire est, dans la majorité des cas, le promoteur des essais. Les recherches sont parfois initiées par l'une des unités de l'Inserm (1), ou par les hôpitaux. Le promoteur travaille avec un investigateur, qui mène les essais. Les essais cliniques en pédiatrie ont pour particularité d'inclure des enfants malades. Ces jeunes patients fréquentent souvent le même centre hospitalier depuis des années. Ils souffrent, pour une grande part d'entre eux, de maladies rares, et les critères d'inclusion dans les essais sont très précis. De plus, les recherches doivent inclure plusieurs tranches d'âges. Comme le souligne Évelyne Jacqz-Aigrain, directrice du Centre d'investigation clinique de l'hôpital Robert-Debré : « Il peut y avoir une très grande variabilité dans la maturation, le développement des enfants. Vous pouvez avoir un enfant d'un an très mature et un autre qui, à trois ans, l'est moins. Les paliers d'âge sont assez artificiels car le développement est un continuum. D'où l'importance d'avoir des âges variés pour une même étude. Les critères ensuite retenus pour préciser la posologie prendront plus en compte le poids, ou le rapport taille-poids, que l'âge. »

Pas le droit à l'erreur

Afin de compenser le faible nombre d'enfants répondant aux critères, les essais s'effectuent souvent en réseaux (lire l'encadré ci-dessus). Plusieurs centres participent à un même projet. Les données sont recueillies et analysées par un seul centre de recherche, le plus expert en la matière. Une méthodologie particulière faisant appel à la modélisation et à l'usage de séquences permet de limiter les prélèvements sur les enfants. Régis Hanckard, responsable des essais pédiatriques au CIC de Poitiers, souligne aussi l'intérêt des essais en double aveugle pour compenser le faible nombre des patients inclus : « Dans un ordre aléatoire, nous administrons à la même personne un traitement et un placebo. Chaque patient devient son propre témoin. Cela nous permet de réduire considérablement les effectifs de nos cohortes. » (2) Évelyne Jacqz-Aigrain, de l'hôpital Robert-Debré, insiste sur l'importance de la préparation : « Les protocoles doivent être parfaitement préparés. C'est l'exigence scientifique qui est garante de l'éthique des essais. Les évaluations et les prélèvements sont effectués avec une grande rigueur. Nous ne pouvons pas nous permettre de rater quoi que ce soit : les parents demanderaient que leur enfant ne participe plus au protocole. »

Consentement délicat

La pleine adhésion des familles est fondamentale pour la bonne marche des essais et, juridiquement, elle est obligatoire. La déclaration de consentement éclairé doit être signée par les deux parents pour que les essais puissent commencer. Lors de l'entretien d'inclusion, le médecin investigateur présente le protocole aux parents. Ces démarches sont plus difficiles à mener quand l'un des deux parents s'est éloigné de la cellule familiale. Un amendement a d'ailleurs été proposé pour assouplir ces dispositions (cf. encadré ci-contre). L'accord des parents n'est pas toujours une chose évidente à obtenir, notamment quand les bénéfices de l'essai ne concernent pas directement leur enfant. Les contraintes peuvent aussi les faire reculer. Véronique Berruer, infirmière de recherche clinique au centre d'investigation clinique de Robert-Debré, souligne : « Nous faisons tout pour assouplir les dates des rendez-vous, nous adapter à l'emploi du temps de ces familles qui donnent de leur temps pour faire avancer la science. » C'est encore plus vrai dans le cas des cancers. La plupart des parents dont l'enfant pour qui la thérapie classique ne fonctionne pas souhaitent que leur enfant soit inclus dans des essais cliniques, avec de nouvelles molécules qui pourront peut-être le sauver.

Travail de pédagogie

Quant à l'enfant, il a le droit de refuser de participer aux essais. Catherine Vergely, présidente de l'Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou de leucémie (Unapecle), précise : « Nous avons effectué une étude et nous nous sommes aperçus qu'en général, les enfants faisaient totalement confiance à leurs parents et les suivaient dans leur décision. Parmi les adolescents, certains ont marqué leur opposition pour obtenir une discussion. » Les essais sont également présentés et expliqués aux enfants. Marie Bonnet, psychanalyste et anthropologue à l'EHESS, a rédigé une thèse sur le traitement du cancer chez l'enfant (3). Elle insiste sur l'importance d'informer les enfants inclus dans un protocole d'essai : « Nous avons observé que très tôt, avec des mots simples, on peut expliquer à un enfant que l'on va essayer sur lui un médicament. Nous avons élaboré des BD, auxquelles les enfants sont très sensibles. Dans le cadre des explications données aux enfants, il faut éviter un double écueil. D'une part, une "conspiration du silence", situation dans laquelle ils ne sont absolument pas informés des risques d'effets secondaires des essais. Éthiquement, ils doivent être informés du contenu du protocole dans lequel ils vont être inclus. Et d'autre part, il ne faut pas les surinformer, leur parler de mort à chaque ligne et les mettre face à des choix que leur psychisme n'a pas la capacité de supporter. La notion d'explication de bonne foi est fondamentale. Tout ceci dépend de l'interaction entre le clinicien, l'enfant malade et ses parents. »

L'Institut Gustave-Roussy de Villejuif a intégré les associations de parents dans l'élaboration du projet de recherche O3K (4), qui vise à trouver une forme d'administration adaptée aux enfants pour un médicament anticancéreux très novateur. Ce projet, qui a obtenu le soutien de l'Union européenne, est mené en lien avec des universités et des hôpitaux italiens et anglais. L'Unapecle est sollicitée pour donner son avis sur la faisabilité du protocole, au regard de l'organisation de la vie familiale. Elle intervient également comme expert pour anticiper les comportements des parents. « Par exemple, explique Catherine Vergely, si les parents doivent administrer eux-mêmes à leur enfant le médicament évalué en employant une pipette, nous savons qu'ils tendront à administrer des doses différentes. C'est un phénomène inconscient : certains grossiront la dose pour que leur enfant guérisse mieux, et d'autres la diminueront par méfiance instinctive. Nous prenons toutes ces choses en compte et posons des questions aux concepteurs du protocole. »

Consultation infirmière

L'infirmière en recherche clinique (nouveau métier en plein essor) est la garante du lien entre l'investigateur, le patient et sa famille. Catherine Njoya, qui occupe cette fonction à l'Institut Gustave-Roussy, procède à une consultation infirmière après le premier entretien d'annonce du protocole par le médecin : « Je reprends avec eux les phases, les modalités et les contraintes du protocole. Pour être sûre qu'ils ont bien compris, je leur pose des questions et nous reprenons les points qui ont pu rester flous. Nous précisons ensemble le calendrier et je les informe des différents soutiens dont ils peuvent bénéficier à l'hôpital. »

L'infirmière suit le carnet de rendez-vous, coordonne les prélèvements, fait de l'éducation auprès de la famille si les médicaments se prennent simplement par voie orale, au domicile. Elle est la personne référente que le patient et sa famille retrouvent quand ils viennent à l'hôpital pour un nouveau prélèvement : « C'est rassurant pour eux de revoir la même personne. Des liens assez forts avec le patient se créent. Nous évoquons la scolarité, la fratrie. Tous ces éléments ont une importance, nous donnent des éléments sur l'état de l'enfant. Je surveille si des effets secondaires connus ou des événements indésirables surviennent. » La rapidité de l'évolution des cancers nécessite une observation précise et réactive. Il faut pouvoir anticiper des examens complémentaires, par exemple en imagerie médicale, ou alors une consultation supplémentaire avec le médecin référent. Ce suivi vigilant est la pierre d'angle de la recherche transactionnelle, qui permet aux patients de bénéficier plus vite des innovations thérapeutiques de la recherche fondamentale et qui permet à cette dernière de profiter des résultats de la recherche clinique.

Certains centres collaborent avec la médecine de ville pour leurs recherches cliniques. C'est le cas à Rouen, où le CIC met sa méthodologie et ses locaux à la disposition de médecins libéraux impliqués depuis de longues années dans la recherche clinique. Ces derniers effectuent leurs essais en collaboration avec une firme pharmaceutique. « Les médecins de ville suivent une autre population que celle du CHU. Ils peuvent solliciter leur réseau de patients, ce qui s'avère fort utile pour des recherches en vaccinologie, explique Éric Mallet, responsable du CIC. Les exemples de vaccins développés de cette manière à Rouen sont nombreux, comme pour celui contre la varicelle. »

Priorités définies

Afin d'orienter la recherche, en Europe, l'Emea édite et réactualise chaque année une priority list qui indique les médicaments dont elle juge l'adaptation aux enfants la plus nécessaire. Cette liste est envoyée aux laboratoires pharmaceutiques. Actuellement, elle comporte une soixantaine de médicaments. Les domaines qui y sont les plus représentés sont la cancérologie, la néonatalogie et la neurologie. Les produits de la priority list peuvent bénéficier du soutien du Programme européen de recherche en pédiatrie. Ainsi, le CIC de l'hôpital Robert-Debré participe avec quinze autres partenaires, universitaires, hospitaliers et industriels, à un essai visant à évaluer deux anti-infectieux à destination des nouveau-nés, dans le cadre d'un financement européen.

Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique et transactionnelle à Gustave-Roussy, se félicite des effets induits par le règlement européen : « Cela faisait vingt ans que j'attendais cela. Avant, nous devions pleurer pour obtenir une molécule. À présent, les laboratoires viennent vers nous. Mais il ne faut pas relâcher la pression. Ce règlement est un moyen de faire avancer la recherche et non d'assurer l'intérêt des laboratoires en prolongeant la durée de leurs brevets. Nous avons des savoir-faire complémentaires et nous avons appris à travailler ensemble. Les médicaments pédiatriques ne sont plus seulement aux mains des industriels, mais aussi des autorités réglementaires, des pédiatres, des patients et de leurs familles. »

Besoin de visibilité

Depuis la prise d'effet du règlement, en 2007, 450 plans d'investigations pédiatriques ont été déposés à l'Afssaps. Pour Sophie Fornairon, responsable du département de l'évaluation thérapeutique des AMM à l'agence, « les nouveautés vont dans le bon sens, notamment en ce qui concerne les voies d'administration. Par exemple, pour le traitement de la douleur, de nouveaux produits apparaissent, sous forme de patches ou de sprays, en remplacement de ceux administrés par voie veineuse. Globalement, les essais cliniques sont maintenant beaucoup plus adaptés aux enfants et mieux construits. »

S'il partage ce sentiment général de satisfaction, Éric Mallet (du CIC de Rouen) souligne qu'un obstacle reste à surmonter : « À présent que nos réseaux ont fait la preuve de leur efficience, nous manquons de visibilité auprès des décideurs. Les laboratoires européens dont les sièges sociaux sont éloignés de nous connaissent mal nos structures. Il nous faudrait trouver des moyens de mieux nous faire connaître. Peut-être devrions-nous utiliser les meetings industriels... » Régis Hanckard, du CIC de Poitiers, considère quant à lui que la recherche clinique doit aussi sensibiliser le grand public et le corps soignant : « Trop de gens, dans les hôpitaux, pensent encore que les médecins s'amusent quand ils mènent des essais. L'importance des progrès thérapeutiques qui sont réalisés grâce à la recherche n'est pas assez prise en compte. Le grand public non plus n'a pas assez conscience de ce qui se passe. » En 2012, les premiers effets du règlement européen se feront sentir, quand les produits en phase d'essais seront mis sur le marché.

1- Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale.

2- Cohorte : groupe de patients inclus dans les essais cliniques.

3- Marie Bonnet, Le Traitement du cancer chez l'enfant : de la parole au choix, thèse d'anthropologie, École des hautes études en sciences sociales.

4- O3K : Oral, Off-patent, Oncology drugs for Kids.

consentement

DES ESSAIS CLINIQUES SOUS CONTRÔLE ÉTHIQUE

En 1947, le Code de Nuremberg est édicté dans le cadre du procès des médecins nazis. Il exige le consentement volontaire des personnes qui sont l'objet d'expériences. Ce principe est devenu un pilier de la bioéthique dans le monde. Depuis 1988, en France, c'est la loi Huriet qui encadre les essais cliniques. Cette loi a instauré les Comités des personnes se prêtant aux recherches biomédicales (CPPRB) et imposé le consentement libre et éclairé des personnes incluses dans les essais. Les CPPRB se déclinent à l'échelle régionale. Leurs membres, reconnus pour leurs compétences dans les domaines biomédical, social, psychologique ou éthique, sont désignés par le préfet. Ils sont pluridisciplinaires, ce qui assure leur indépendance vis-à-vis du monde de la recherche. En 2004, la loi Huriet est adaptée à la directive européenne 2001/20/CE. Les CPPRB deviennent les CPP : comités de protection des personnes. Leur feu vert est désormais nécessaire avant le lancement d'un essai clinique.

À lire : « Des essais à la loupe », sur les comités de protection des personnes, L'Infirmière magazine n° 246, rubrique Éthique, p. 20.

recherche

LE RÉSEAU FAIT LA FORCE

Les réseaux de recherche clinique permettent de mener des recherches multicentriques, fort utiles en pédiatrie. Elles sont coordonnées par un centre référent, dont l'expertise dans un domaine particulier est reconnue. Chaque réseau propose un interlocuteur unique aux industriels désireux de promouvoir un essai. Cet interlocuteur étudie avec les centres membres la possibilité de réaliser l'essai proposé.

Trois grands réseaux français se côtoient :

- Le réseau des centres d'investigation clinique (CIC) pédiatriques, coordonné par Évelyne Jacqz-Aigrain à l'hôpital Robert-Debré (Paris). Il comprend une quinzaine de centres, pratiquant des essais en pharmacologie et physiopathologie.

- L'ITCC, Innovative Therapies for Children with Cancer, coordonné par Gilles Vassal à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif. Il regroupe 11 centres en France, et 36 en Europe.

- Le Ripps, Réseau d'investigation pédiatrique des produits de santé, coordonné par Gérard Pons à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris). Il rassemble huit groupes et réseaux correspondant à des spécialités médicales.

Formations

La recherche clinique n'est pas encore reconnue en tant que spécialité infirmière. Mais les soignantes qui travaillent dans les centres d'investigation peuvent parfaire leurs connaissances à l'hôpital Bichat-Claude Bernard, avec un DU d'infirmière en recherche clinique. Les facultés de médecine de Paris-6 et 7, Strasbourg-1, Lyon-1, Aix-Marseille-2, Bordeaux-2 et Nantes proposent de suivre un DIU de formation des assistants en recherche clinique, dont les enseignements sont délivrés à l'hôpital Saint-Antoine.

hôpital

INFIRMIÈRE DE RECHERCHE CLINIQUE, UN RÔLE PIVOT

Les infirmières de recherche clinique sont responsables du suivi scrupuleux du protocole des essais. Sylvie Berruer, infirmière au centre d'investigation clinique (CIC) de l'hôpital Robert-Debré (Paris), observe que « les médecins hospitaliers sont tentés de transgresser les règles du protocole. Nous sommes là pour les recadrer et ils comptent sur nous pour le faire. Nous veillons rigoureusement au respect du consentement des parents et à celui des critères d'inclusion et d'exclusion des patients. » À l'Institut Gustave-Roussy, Catherine Njoya coordonne les infirmières qui administrent les médicaments et effectuent les prélèvements des essais : « Je sensibilise les équipes soignantes au fait de tout tracer, même ce qui paraît anodin. Par exemple, si le protocole indique qu'il faut effectuer trois prises de tension, au début, pendant et à la fin d'une injection, il faut le faire, même si le patient va bien. Les essais demandent une logique, une manière particulière de travailler. »

Polémique

Adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 janvier dernier, la proposition de loi Jardé vise à amender la loi Huriet de 1988. Elle permettrait que la signature d'un seul des parents soit obligatoire pour l'inclusion d'un enfant dans un essai clinique. Les CPP s'opposent à cette proposition qui leur paraît être une régression du droit des personnes et qui serait susceptible d'introduire un sujet de désaccord supplémentaire entre des parents déjà en conflit. C'est maintenant au Sénat de se prononcer.

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