L'urgence du neuf - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

Vous

Horizons

Le déménagement d'un service hospitalier implique une organisation sans faille en amont, car la prise en charge des patients ne peut attendre. Zoom sur la mue de l'un des plus importants services des urgences de France.

«Installer des nouveaux patients dans des locaux aussi dégradés devenait insupportable », confie Sophie Bridou, infirmière des urgences médico-chirurgicales de l'Hôtel-Dieu, à Paris. « C'était sombre. Souris et cafards faisaient partie du service, ce qui était un peu traumatisant pour les patients... », ajoute Elsa Da Silva, infirmière. Une « cellule déménagement » a été créée. Lys Nguyen, cadre de nuit à l'époque, Elsa Da Silva, Sophie Bridou, infirmières, ainsi que Martial Kerro et Franck Girier du Fournier, aides-soignants, formaient le noyau dur de cette cellule. Ce personnel soignant expérimenté s'est beaucoup investi, en supplément de son travail habituel, aussi bien dans la configuration du nouveau service que dans son organisation.

« Penser des urgences nouvelles a été un exercice très stimulant, car en plus d'avoir des locaux neufs, il fallait penser à un fonctionnement adapté et cohérent. Nous sommes allées à Cochin pour voir leur organisation et s'en inspirer », raconte Sophie Bridou, infirmière du service. Dès le départ, les architectes ont travaillé avec les soignants, recueillant leurs besoins pour orienter les travaux et le découpage des volumes.

« Depuis mon arrivée en 2005, explique Claire Maillard-Acker, cadre aux urgences, nous faisions une réunion par mois sur le chantier des nouvelles urgences, et ceci pendant trois ans. Nous avons demandé deux boxes pour les infirmières d'accueil et d'orientation (IAO), afin qu'en cas de grande affluence on puisse détacher une infirmière de l'équipe et prioriser les urgences selon leur degré de gravité. Lors des deux mois qui ont précédé le déménagement, les réunions sont passées à une par semaine, rassemblant l'ensemble de l'équipe paramédicale qui pouvait s'y rendre, ainsi que certains médecins. »

Tâches mieux partagées

« Le fait d'envisager les nouvelles urgences nous a donné envie de repenser l'organisation du travail, observe Elsa Da Silva. Ainsi, la cellule du déménagement a instauré un nouveau système d'organisation et de gestion du matériel nécessaire aux soins dans chaque box. Ce système implique plus de rigueur que dans les anciennes urgences. Chacun des boxes est doté d'une tour de matériel, composée à chaque fois des mêmes articles. » La gestion de ces boxes est définie, carrée. Pour Martial Kerro, « les tâches sont mieux partagées qu'avant : les infirmiers s'occupent du remplissage des boxes pour qu'ils soient opérationnels, tandis que les aides-soignants sont responsables de la gestion de la réserve. » « Dans les anciennes urgences, on complétait au fur et à mesure. Du coup, il manquait souvent des choses », ajoute Marc Gauthier, infirmier. Contrainte supplémentaire à intégrer aux nouvelles urgences : l'architecture de l'Hôtel-Dieu est classée monument historique. Il n'était donc pas question de toucher aux murs d'origine.

De la lumière, de l'espace...

La semaine précédant le déménagement, l'équipe de volontaires a tout préparé dans les nouveaux locaux, afin qu'il n'y ait aucune interruption dans la prise en charge des malades. Seuls les nouveaux ordinateurs sont arrivés dix jours après l'emménagement. Grâce à l'investissement de cette équipe paramédicale de choc, qui s'est soldé par de nombreuses heures supplémentaires, tout s'est bien déroulé. « La semaine avant le déménagement, j'étais là tous les jours. Nous avons donné de nous-mêmes ! Deux aides-soignants nous ont aidés à déménager les brancards et les chaises de la salle d'attente des urgences transitoires. Ce qui nous a manqué, ce sont des déménageurs. On est du personnel de santé, nous, on n'est pas des déménageurs ! », conclut ironiquement Elsa Da Silva. Le nouveau système informatique a fonctionné, ce qui n'était pas évident, et aujourd'hui chaque box possède son poste d'ordinateur, ce qui n'était pas le cas avant.

« Depuis le déménagement, tout est différent », détaille Georges Feval, aide-soignant. « Les locaux bien sûr, mais la manière de travailler aussi. Et l'ensemble est mieux qu'avant ! L'accueil, où je suis en majeure partie du temps, est plus convivial et moins bruyant. » Et puis, poursuit Marc Gauthier, « non seulement nous avons deux boxes d'IAO, mais ce sont des vrais boxes et non des préfabriqués. Ils sont beaucoup moins bruyants, et une réelle confidentialité peut s'établir. Nous avons plus d'espace, tout le matériel est neuf. Et puis nous travaillons à la lumière du jour, ce qui n'était pas le cas, et ça, c'est fantastique. » Le bémol de la nouvelle configuration des bureaux infirmier et médical est qu'ils ne sont pas fermés. « Les architectes n'ont pas voulu mettre de mur pour créer un "espace artificiel" » , précise Claire Maillard-Acker. Les personnes à proximité de ces bureaux peuvent donc entendre les propos des médecins et des infirmiers. Ce qui, en termes de confidentialité, laisse un peu à désirer.

Effet dominos

Florence Dumas, médecin urgentiste, est également emballée : « Le service a été fonctionnel tout de suite, preuve que le déménagement a été bien préparé en amont. C'est plus propre et plus fonctionnel qu'avant, car on compte plus de boxes. Nous avons beaucoup plus de lumière. Et nous pouvons suturer dans tous les boxes. » Le fait que le service soit construit autour d'un patio entièrement vitré donne une bonne visibilité aux soignants. « On peut surveiller la salle d'attente du bureau infirmier, par exemple. Par contre, le fait d'être vu de la salle d'attente peut induire une méprise sur une impression d'inactivité des soignants, alors que nous sommes en train de faire les transmissions ou d'attendre des retours d'examens », explique Marc Gauthier.

Bientôt, ce sera au tour de l'unité d'observation des urgences d'être déménagée en face des nouvelles urgences. En guise de point final à ce chassé-croisé de services, les urgences médico-judiciaires (UMJ) devraient être déménagées à l'étage, à la place de l'unité d'observation d'aujourd'hui, afin d'assurer enfin une séparation nette entre les urgences médico-chirurgicales et les UMJ.

zoom

« Un service à l'histoire mouvementée »

Le déménagement de l'unité d'accueil du service des urgences médico-chirurgicales de l'Hôtel-Dieu s'est opéré en trois temps. « Dès 2000, on a commencé à parler de déménagement » se souvient Thierry Leguen, cadre de santé. De leur emplacement d'origine, les locaux ont été déplacés « temporairement » (de juillet 2006 à juillet 2008) au rez-de-chaussée de l'Hôtel-Dieu, avec l'entrée sur le parvis de Notre-Dame. Ces locaux étaient assez vétustes et peu fonctionnels. La salle d'attente était alors aménagée dans le hall d'entrée principal de l'hôpital, et les brancards vides ou occupés y étaient entreposés par manque de place dans le service.

« Ces deux années de transit ont été dures car l'étendue du service était un frein à la communication, et la rampe rendait difficile la manipulation des brancards », se souvient Claire Maillard-Acker. L'accueil, l'enregistrement des patients, ainsi que le box réservé à l'IAO étaient des préfabriqués. Le couloir des urgences était le même que celui menant aux UMJ, ce qui engendrait des allers- retours permanents d'accusés menottés, encadrés par des policiers, ou de victimes peu rassurées demandant leur chemin.