La déshydratation des personnes âgées | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

gériatrie

Cours

Favorisée par des phénomènes liés au vieillissement physiologique, déclenchée par des facteurs très variés (fièvre, chaleur, handicap moteur, démence...), la déshydratation se répercute très rapidement, et souvent gravement sur l'état de santé des personnes âgées. Sa prévention, en établissement comme à domicile, relève du rôle propre infirmier.

Les dangers de la déshydratation du nouveau-né sont connus et enseignés de longue date. En France, la canicule de 2003 a eu le triste mérite de faire reconnaître ceux de la déshydratation des personnes âgées à l'ensemble des professionnels de santé et du corps social qui les ignoraient jusque-là. Pourtant, comme le savent bien tous les familiers du soin gériatrique, la déshydratation représente le désordre hydro-électrolytique le plus fréquent chez les personnes âgées, à domicile comme en institution.

Fréquente, la déshydratation est aussi trompeuse car son installation, généralement insidieuse, rend son dépistage clinique difficile. Elle est aussi grave, du fait de ses conséquences pathologiques potentielles nombreuses (malaises avec chute, thromboses veineuses, accidents ischémiques, insuffisance rénale, surinfections respiratoires, escarres, perte d'autonomie et décès). Elle est enfin coûteuse en termes de santé publique, puisqu'elle représenterait 5 % des budgets hospitaliers.

C'est dire que le diagnostic, le traitement et plus encore la prévention de la déshydratation des personnes âgées constituent de véritables objectifs de santé publique dans la période de vieillissement de la population que connaissent la France et les autres pays européens.

RÔLE PROPRE

Les infirmières et les aides-soignantes sont des acteurs essentiels d'une politique concrète de prévention et de traitement de la déshydratation des personnes âgées, au domicile, à l'hôpital, comme dans les institutions. Le décret du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmière précise d'ailleurs que la prévention de la déshydratation relève entre autres du rôle propre infirmier, car il est de la responsabilité de l'infirmière d'assurer des apports hydriques suffisants et adaptés à l'état de santé (fièvre) ou aux conditions climatiques ; de surveiller régulièrement le poids chez les malades à risque ; de reconnaître précocement l'installation d'une déshydratation (diminution des apports hydriques, perte de poids, oligurie).

Durant le traitement de la déshydratation, l'infirmière, outre l'application des prescriptions médicales, se doit d'encourager le patient à reprendre les apports par voie orale afin de restaurer le plus rapidement possible l'autonomie antérieure.

L'EAU DANS L'ORGANISME

L'eau est le constituant principal de l'organisme. Elle est indispensable à la vie. Sans eau, la survie ne dépasse pas quelques jours. Outre l'eau, le corps comporte la masse grasse (réserve énergétique de l'organisme, dont la teneur en eau est nulle) et la masse maigre (partie métaboliquement active) du corps.

Chez l'adulte jeune, l'eau représente 60 % du poids du corps et 73 % de la masse maigre. Elle se répartit entre le secteur intracellulaire (40 %) et le secteur extracellulaire (20 %).

Le secteur extracellulaire comprend le plasma, la lymphe, les liquides intersticiels et les sécrétions digestives. Son état d'hydratation est réglé par la quantité de sodium qu'il contient. L'eau plasmatique, à laquelle on accède par simple ponction veineuse, représente 12 % du poids corporel.

Le secteur intracellulaire correspond, lui, à l'eau contenue dans toutes les cellules du corps. Il ne peut être exploré directement. Son état d'hydratation est fonction de la natrémie, c'est-à- dire de la concentration de sodium dans les liquides extracellulaires.

Les transferts d'eau entre les deux secteurs se font à travers la membrane cellulaire en suivant les lois de l'osmose, qui veulent que l'eau va du secteur le moins concentré vers le secteur le plus concentré. Normalement, l'osmolalité (concentration de substances osmotiquement actives) est la même dans la cellule et dans le secteur extracellulaire.

La conservation du sodium dans l'organisme et celle de l'eau sont régulées par des systèmes hormonaux différents et indépendants. Celle du sodium dépend de la rénine, qui, en activant l'aldostérone, permet la réabsorption du sodium au niveau du rein. Celle de l'eau fait intervenir deux mécanismes différents mais complémentaires : la sécrétion d'hormone antidiurétique qui entraîne une réabsorption de l'eau par le tube rénal, et la soif. Toutes deux sont déclenchées par l'augmentation de la natrémie, mais la soif représente le mécanisme le plus important, parce qu'inépuisable, tandis que la réabsorption de l'eau par le rein constitue un processus très limité.

CHANGEMENTS PHYSIOLOGIQUES LIÉS AU VIEILLISSEMENT

Le vieillissement physiologique s'accompagne d'un certain nombre de modifications qui favorisent la survenue des déshydratations chez les personnes âgées.

Chez le sujet âgé, alors que la masse grasse augmente, la masse maigre, elle, et surtout la masse musculaire, diminue progressivement, ce qui entraîne une diminution de l'eau totale de l'organisme. Mais l'état d'hydratation de la masse maigre, lui, ne change pas. Ainsi, pour un poids de 70 kg, l'eau corporelle totale est de 41 litres à l'âge de 30 ans, mais de 35 litres à 70 ans, ce qui correspond à une diminution de 15 %. La réserve en eau d'une personne âgée est donc plus faible que celle d'une personne plus jeune.

Il existe au cours du vieillissement une augmentation du seuil de perception de la soif. Privés d'eau pendant vingt-quatre heures, des sujets âgés en bonne santé éprouvent une sensation de soif moins intense que des sujets jeunes. C'est l'élévation de l'osmolalité plasmatique essentiellement qui déclenche la soif et le seuil, qui est de 294 mosm/l chez l'adulte jeune, s'élève à 297, voire 300 mosm/l chez une personne âgée en bonne santé. De surcroît, les personnes âgées étanchent leur soif avec une quantité d'eau inférieure à celle nécessaire aux adultes jeunes. Il faut savoir enfin que ces modifications de la soif liées à l'âge sont plus importantes chez les personnes atteintes de troubles neurologiques (séquelles d'accidents vasculaires cérébraux, maladie d'Alzheimer, démences vasculaires), particulièrement nombreuses dans les institutions gériatriques.

Le vieillissement rénal, enfin, s'accompagne d'une diminution de la filtration glomérulaire et des possibilités de réabsorption du sodium par le tube contourné distal. Par ailleurs, le tube collecteur rénal devient moins sensible à l'hormone antidiurétique, pourtant normalement secrétée, ce qui diminue la capacité de l'organisme âgé à réabsorber de l'eau au niveau du rein.

Réserve en eau plus faible, diminution de la sensation de soif, capacités de réabsorption du sodium et de l'eau plus restreintes au niveau du rein expliquent que les personnes âgées soient physiologiquement plus exposées à la déshydratation que des personnes plus jeunes.

BESOINS HYDRIQUES DES PERSONNES ÂGÉES

Normalement, les besoins en eau d'une personne âgée en bonne santé sont de 1,5 à 2 litres par jour. Ils sont couverts environ pour moitié par la boisson (avec une part ajustable par la soif) et pour l'autre moitié par l'alimentation (eau de constitution des aliments, à laquelle il faut ajouter l'eau d'oxydation des aliments). Toutefois, dans l'étude Euronut Seneca, réalisée auprès de sujets âgés de 75 à 80 ans en bonne santé vivant à domicile, le calcul des apports hydriques comprenant les boissons et l'eau contenue dans les aliments a montré que 50 à 80 % des femmes avaient des apports inférieurs à 1,7 l par jour. Dans tous les cas, les apports ne doivent pas être inférieurs à 1,5 l par jour, dont 700 ml de boisson (1).

Les sorties normales sont représentées chaque jour par la diurèse, qui comporte une partie obligatoire et une part ajustable qui peut donc augmenter, les pertes liées à la perspiration cutanée et à la respiration, ainsi que les selles.

Facteurs de déclenchement des déshydratations

Elles peuvent être provoquées par des facteurs nombreux et très variés, que l'on peut toutefois classer en deux grandes rubriques : ceux qui entraînent un déficit des apports en eau et ceux qui entraînent une augmentation des pertes.

Les entrées peuvent devenir insuffisantes à cause de mécanismes divers :

- la personne âgée peut boire moins que nécessaire, parce qu'elle n'a pas soif et ne s'oblige pas à boire, même sans soif ;

- parce qu'elle a des difficultés à se servir à boire du fait d'un handicap moteur du membre supérieur, temporaire ou définitif, d'origine traumatique, ostéoarticulaire ou neurologique (paralysie, tremblement sénile ou parkinsonien) ;

- parce qu'elle réduit volontairement sa prise de boisson au cours de la journée pour limiter ses levers nocturnes et/ou son incontinence urinaire ;

- parce qu'enfin elle ne mange pas suffisamment, ce qui diminue ipso facto l'apport hydrique lié aux aliments, quelle que soit la cause précise de cette diminution de l'alimentation (régime inapproprié ou préjugés alimentaires, anorexie, dysphagie, troubles de la déglutition).

En institution, l'insuffisance d'apport hydrique peut également résulter, hélas, de la dépendance physique et psychique importante des malades âgés alors que le nombre de soignants qui en ont la charge n'est pas suffisant.

Les pertes d'eau et de sel peuvent être :

- cutanées, lors d'une hyperthermie quelle qu'en soit la cause (fièvre, augmentation de la température extérieure en été, voire canicule, mais aussi augmentation excessive du chauffage et de la température ambiante, l'hiver). Ou au cours de certaines brûlures ou dermatoses suintantes étendues ;

- digestives, lors de vomissements ou d'une diarrhée, infectieuse ou liée à la prise de laxatifs ou à un fécalome ;

- rénales, après la prise de diurétiques, notamment thiazidiques, ou au cours de la décompensation d'un diabète avec diurèse osmotique ;

- ou enfin respiratoires, lors de polypnées importantes.

LES DÉSHYDRATATIONS

Elles sont le résultat d'une réduction des apports ou d'une augmentation des pertes, et on distingue classiquement la déshydratation intracellulaire ou hypertonique, la déshydratation extracellulaire ou hypotonique et la déshydratation globale.

La déshydratation intracellulaire ou hypertonique

Elle est consécutive à une fuite d'eau cellulaire vers le secteur extracellulaire hypertonique. Elle n'est donc jamais isolée et le plus souvent associée à une déshydratation globale. Elle s'accompagne d'une augmentation de la natrémie, qui devient supérieure à 145 mmol/l et d'une hyperosmolalité supérieure à 300 mosm/l. Fièvre sans compensation des pertes hydriques qu'elle occasionne, traitement diurétique, impossibilité de boire de manière autonome du fait de troubles moteurs ou de la conscience en sont les causes les plus fréquentes.

La déshydratation extracellulaire ou hypotonique

Elle est en rapport avec une perte primitive de sodium qui entraîne une perte proportionnelle d'eau. La natrémie est ici abaissée, inférieure à 135 mmol/l, l'osmolalité basse inférieure à 280 mosm/l ; enfin, l'augmentation de l'urée sanguine, de la protidémie et de l'hématocrite traduisent l'hémoconcentration. Ce type de déshydratation survient avant tout à la suite d'un traitement diurétique thiazidique qui entraîne une perte de sel.

La déshydratation globale

Elle peut être hyper, hypo, voire isotonique, si les pertes d'eau et de sodium sont équivalentes, par exemple au cours de vomissements ou d'une diarrhée importante. Les signes cliniques et biologiques sont ceux des deux tableaux précédents. L'hémoconcentration existe toujours. La natrémie, souvent élevée, peut être normale ou basse.

SIGNES CLINIQUES ET DIAGNOSTIC

En principe, l'asthénie, la soif, la sécheresse des muqueuses, les signes neuropsychiques à type de torpeur, d'obnubilation ou de confusion mentale, des signes d'ischémie artérielle ou de phlébite sont évocateurs d'une déshydratation intracellulaire. La perte de poids de 2 à 3 kg en deux jours - à la condition de disposer d'un poids de référence antérieur -, l'hypotension artérielle et surtout l'hypotension orthostatique, la tachycardie, l'hypotonie des globes oculaires, des urines concentrées, un pli cutané (en fait peu évocateur du fait de la perte d'élasticité de la peau au cours du vieillissement) évoquent, eux, une déshydratation extracellulaire. Quant à la déshydratation globale, elle associe tous les signes précédents. En réalité, tous ces signes cliniques ne sont ni sensibles, ni spécifiques, ni corrélés à la gravité de la déshydratation.

C'est dire combien il faut savoir penser à la possibilité d'une déshydratation, devant l'association de certains de ces signes, mais aussi devant toute modification de l'état général de la personne âgée, et dès que le patient se trouve en situation de risque de déshydratation, même si l'état clinique est rassurant. Au moindre doute, il faut, sans tarder, demander le bilan biologique (ionogramme sanguin, créatinine sanguine, protidémie et hématocrite, osmolalité) qui va permettre de diagnostiquer la déshydratation et sa typologie, puis d'orienter sa prise en charge thérapeutique de la manière la plus adéquate.

En pratique, la valeur de la natrémie (qu'il faut parfois interpréter en fonction de la glycémie et de la lipidémie) représente le paramètre essentiel de l'évaluation biologique en urgence (2). Si la natrémie est supérieure à 145 mmol/l, la contraction volémique est dite hypertonique (déshydratation intracellulaire), la perte d'eau prédomine ici sur la perte de sel. L'hypernatrémie est presque toujours le signe d'une déshydratation chez le sujet âgé, et la contraction hypertonique sa forme la plus fréquente. La fièvre est généralement à l'origine de ce tableau.

Si, au contraire, la natrémie est inférieure à 135 mmol/l, la contraction est dite hypotonique (déshydratation extracellulaire) ; la perte en sel est ici supérieure à la perte en eau. Les diurétiques, notamment thiazidiques, sont souvent en cause.

Enfin, si la natrémie est normale à 140 mmol/l, la contraction est dite isotonique. L'organisme a perdu de l'eau et du sel dans un rapport équivalent à celui du plasma. C'est souvent ainsi en cas de vomissements.

TRAITEMENT

Le traitement de la déshydratation doit être le plus précoce possible et efficace, sans être pour autant trop rapide, pour ne pas provoquer de variations hydroélectrolytiques trop brutales chez les sujets âgés qui y sont très sensibles. L'apport hydrique proposé doit viser à compenser le déficit en eau pathologique, tout en assurant la couverture des besoins journaliers habituels. Différentes formules, variables suivant les auteurs, permettent de calculer le déficit en eau en se fondant sur le poids du sujet - ce qui souligne l'intérêt primordial de la surveillance régulière du poids des personnes âgées en ville comme à l'hôpital ou en institution -, sa natrémie et un coefficient numérique en rapport avec l'eau totale du sujet. En pratique, l'apport ne doit pas excéder trois litres par jour, et sera réduit en cas d'insuffisance cardiaque.

L'importance relative des apports hydriques et sodés est fonction de la clinique et de la natrémie du malade. Ainsi, en cas de déshydratation intracellulaire et extracellulaire globale, la natrémie supérieure à 145 mmol/l signifie que la carence en eau est plus importante que celle en sodium. L'apport de soluté hypotonique est ici recommandé, en gardant à l'esprit que la correction d'une hypernatrémie importante doit être progressive, surtout si le patient présente des troubles de la conscience. En effet, trop rapide, elle pourrait entraîner un oedème cérébral et des convulsions, une insuffisance cardiaque congestive, voire le décès.

Lorsque la déshydratation est extracellulaire, avec une natrémie inférieure à 135 mmol/l, cela signifie que le déficit sodé est plus important que la carence en eau. L'apport de soluté doit être ici isotonique, sous forme de sérum physiologique auquel on peut adjoindre du NaCl, si l'hyponatrémie est sévère. Là encore, le trouble doit être compensé progressivement sur plusieurs jours. En pratique, on admet que dans les deux cas, hyper ou hyponatrémie, il ne faut pas vouloir corriger plus de 10 mmol par 24 heures.

Voie orale

La voie orale doit toujours être privilégiée (3). Mais elle n'est utilisable qu'en cas de déficit hydrique modéré, chez un patient conscient qui accepte de coopérer à la réhydratation, avec un entourage familial et/soignant capable de répéter régulièrement les prises de liquides à l'aide d'une fiche d'hydratation, et d'assurer une surveillance attentive du malade. La variation des boissons proposées : eau, eau gazeuse, eau agrémentée de sirops, jus de fruits divers, infusion, bouillon, eau gélifiée, en fonction des goûts de chaque patient et l'utilisation d'une paille peuvent faciliter l'apport oral.

Il convient toutefois de préciser que l'eau et les bouillons seront privilégiés en cas d'hypernatrémie, tandis que les eaux bicarbonatées, les jus de fruits et les boissons sucrées seront préférés en cas d'hyponatrémie. Le problème essentiel de la réhydratation par voie orale est lié à la disponibilité du personnel soignant, souvent insuffisant, à domicile comme à l'hôpital ou en institution.

Patient porteur d'une sonde gastrique ou d'une sonde de gastrostomie

Si le patient est déjà porteur d'une sonde gastrique ou d'une sonde de gastrostomie, ce qui est relativement rare, on peut utiliser cette voie déjà en place pour apporter de l'eau ou un soluté hypotonique, mais cette méthode comporte un risque de fausse route ou de reflux, et impose l'immobilisation du patient en position demi-assise.

Voie veineuse

La voie veineuse s'impose en cas de déshydratation sévère, tout particulièrement s'il existe une hypovolémie avec chute tensionnelle. Mais elle ne peut pas être prolongée au-delà de quelques jours et dépend de l'état du réseau veineux - souvent précaire - du malade âgé. Son indication doit être réévaluée quotidiennement, y compris pendant le week-end. Elle doit être supprimée dès que les apports par voie orale sont redevenus suffisants.

Il faut savoir que la voie veineuse comporte de nombreux effets secondaires potentiels : douleurs, thromboses intravasculaires, infections... De plus, lorsque le patient est agité ou confus - ce que l'état de déshydratation favorise - la perfusion veineuse implique l'immobilisation et même la contention du malade, avec le risque de perte d'autonomie et d'escarre qui peut en découler. C'est dire que le rapport bénéfice-risque de la voie veineuse doit toujours être attentivement considéré.

Voie sous-cutanée ou hypodermoclyse

Elle représente une alternative très utilisée en gériatrie, lorsque la réhydratation orale est insuffisante et que l'on veut éviter la perfusion intraveineuse. Elle est couramment pratiquée, sans difficultés, à domicile ou en maison de retraite et évite souvent d'avoir à transférer le malade en milieu hospitalier. Facile à mettre en place, elle permet de laisser le patient utiliser son bras, voire, si elle est effectuée durant la nuit, de ne rien changer à sa vie quotidienne, notamment à ses déplacements.

Les sites d'injection sont situés à la face antéro-externe des cuisses ou sur l'abdomen. Ils doivent être changés tous les jours. La perfusion sous-cutanée permet d'apporter 1,5 l par 24 heures, avec un débit maximum de 500 ml toutes les 4 à 8 heures. Elle permet de perfuser du sérum physiologique à 0,9 % ou du sérum glucosé à 5 % avec du NaCl (celui-ci est indispensable pour éviter l'oedème local), mais sans KCl. La perfusion sous-cutanée peut se compliquer parfois de douleurs locales, d'oedèmes ou d'infections, mais elle ne comporte pas de risque de thrombose veineuse par définition et s'avère moins contraignante pour le malade, ce qui n'est pas son moindre avantage.

Mesures d'accompagnement

Dans tous les cas, le traitement de la déshydratation doit s'accompagner :

- du traitement de sa cause déclenchante (traitement d'une infection pulmonaire ou urinaire à l'origine d'une poussée fébrile, traitement d'une diarrhée ou de vomissements, correction d'une hyperglycémie...) ;

- d'une surveillance régulière de l'état clinique (tension artérielle, conscience, poids, fonction cardiaque, diurèse, reprise de l'autonomie et des activités antérieures...) et de la biologie (natrémie, protides et hématocrite...) ;

- mais aussi d'une prévention très attentive des complications de décubitus qui peuvent être particulièrement rapides (thromboses veineuses et escarres) et des infections bronchiques et buccales qui peuvent venir compliquer une déshydratation.

Ainsi, une héparinisation préventive, un nursing attentif et des aérosols réguliers doivent s'associer à la réhydratation elle-même.

PRÉVENTION

La prévention de la déshydratation implique une adéquation entre les apports et les pertes d'eau. (1) Aussi, une bonne connaissance des besoins hydriques normaux des personnes âgées, de leurs « faiblesses » physiologiques et de toutes les situations qui peuvent favoriser chez elles réduction des apports et/ou augmentation des pertes en eau, doit faire partie de la formation de base de tous les professionnels de santé aujourd'hui, dans un contexte de vieillissement de la population. Car tous peuvent se trouver confrontés, quels que soient leur lieu et leur mode d'exercice, à des personnes âgées susceptibles de se déshydrater. Et la prévention de la déshydratation est un facteur essentiel de réduction des pathologies et de maintien de l'autonomie chez les personnes âgées, tout en contribuant à réduire des coûts de santé publique inutiles.

À domicile

À domicile, il est primordial d'informer correctement les personnes âgées de la quantité de liquides qui leur est nécessaire chaque jour en temps normal (1,2 litre par 24 heures). Elles doivent savoir également augmenter leurs apports lorsque la température extérieure s'élève, lorsque les appartements sont surchauffés ou encore lorsqu'elles ont de la fièvre (300 à 500 ml par degré au dessus de 38°) ou de la diarrhée. Il faut surtout les inciter à boire, même si elles n'éprouvent pas une sensation de soif.

Ainsi, elles peuvent prendre progressivement l'habitude de boire « sans soif », même en petites quantités, mais souvent, tout au long de la journée, indépendamment du petit déjeuner, du repas de midi, du goûter et du dîner. Il faut savoir qu'un bol de thé ou de café apporte 250 ml, une tasse à café 100 ml et un verre d'eau ou de jus de fruits environ 100 ml. Elles doivent apprendre également à varier les boissons en fonction des moments de la journée et de leurs goûts pour favoriser un apport suffisant tout en y trouvant du plaisir (thé, café, tisane, jus de fruit, lait, un peu de vin, eau du robinet, eaux minérales plates ou gazeuses, eau aromatisée de différents sirops...)

Il est souvent utile de les rassurer sur la qualité de l'eau du robinet, qui est une source d'hydratation simple, fiable, car régulièrement contrôlée, riche en minéraux et oligo-éléments... et peu coûteuse (4). Cette régularité et cette variété des apports liquidiens au cours des 24 heures représente la meilleure garantie pour prévenir la déshydratation chez des personnes âgées autonomes et bien informées.

Il faut encore leur apprendre qu'une alimentation suffisante participe à leur hydratation correcte (eau liée aux aliments) alors que la dénutrition favorise au contraire la déshydratation ; et que certains aliments riches en eau comme les potages, les légumes verts, les fruits, les laitages de type yaourt ou fromage blanc, ainsi que les compotes peuvent participer à leur hydratation correcte. Les infirmières à domicile ont ici un rôle d'information et d'éducation sanitaire majeur à jouer tant auprès des personnes âgées elles-mêmes que de leur entourage familial. Ce dernier peut en effet contribuer à maintenir l'équilibre hydrique sur un mode convivial (proposer à boire, mais plus encore partager, boire ensemble un thé, une tisane, un jus de fruits...).

Institutions et autonomie réduite

Le problème est tout autre à l'hôpital, dans les institutions ou même à domicile lorsque les personnes âgées ont perdu tout ou partie de leur autonomie et dépendent plus ou moins de leur entourage (familial et surtout soignant) pour couvrir leurs besoins hydriques et prévenir la déshydratation.

Certes, le rôle du personnel médical est essentiel pour surveiller les prises alimentaires et hydriques, tout particulièrement au cours des épisodes aigus pathologiques (qui sont autant de situations à risque de déshydratation), et pour prendre en compte toutes les thérapeutiques, notamment les diurétiques. Mais le personnel infirmier et aide-soignant joue aussi un rôle préventif majeur pour surveiller régulièrement la courbe de poids des patients - et disposer dans tous les cas d'un poids de référence suffisamment récent -, la diurèse ou les couches de protection qui, trop sèches, peuvent permettre de suspecter une oligurie.

Hydratation systématique. Il est fondamental d'inciter régulièrement les personnes âgées à boire, en mettant à leur disposition une carafe ou un pot d'eau (pas trop lourd) et un verre (à portée de main), passer à heure fixe, de façon quasi rituelle, avec un chariot de boissons variées et agréables (jus de fruits, eau aromatisée de sirops, tisane le soir) (5). Tout cela indépendamment du petit déjeuner, du repas de midi, du goûter et du dîner, qui sont des occasions régulières de boire, tout en mangeant. Une feuille de surveillance où chaque apport et sa quantité sont notés peut faciliter ce programme d'hydratation systématique chez certains patients.

Cette incitation à boire sera bien évidemment renforcée en cas de situation individuelle ou collective à risque de déshydratation (fièvre, diarrhée, période de forte chaleur). Cette politique d'hydratation systématique, qui demande souvent beaucoup de temps et de patience au personnel soignant, doit autant que possible respecter les goûts personnels et les possibilités de chacun. Ainsi, des pailles ou des canards peuvent favoriser l'absorption de liquides chez certains. De l'eau gélifiée aromatisée sera proposée aux personnes souffrant de troubles de la déglutition, et donc exposées à des risques de fausses routes, toujours très angoissantes pour les malades et les soignants.

Dans tous les cas, les bouteilles seront décapsulées, les bouchons dévissés. Les gobelets en plastique ou les verres seront suffisamment grands (car le volume du récipient influence la quantité de liquide absorbée). Ils seront par ailleurs régulièrement nettoyés et remplis, mais pas trop. L'eau sera changée de façon régulière et les boissons ouvertes mais conservées en dehors du réfrigérateur seront ôtées pour éviter tout risque de contamination.

Réflexe collectif. Cette politique de prévention active de la déshydratation concerne tous les membres de l'équipe, mais aussi la famille et les visiteurs réguliers qui peuvent être sensibilisés. Chacun peut s'impliquer personnellement dans cette tâche essentielle : l'aide-soignante, après la toilette ou un change, l'infirmière, après un soin ou en distribuant les médicaments, le médecin, au cours de sa visite, le kinésithérapeute, après la rééducation, le psychologue, après son entretien, le cadre de santé, au cours d'un passage dans la chambre pour prendre des nouvelles, la famille ou un ami, au cours d'une visite.

Ce geste de vie symbolique, mais ici bien réel, qui consiste à donner à boire, devenu un réflexe collectif, représente la meilleure chance de prévenir la déshydratation en milieu hospitalier ou institutionnel. Et la canicule de 2003, dont on se souvient des effets catastrophiques à domicile et dans de nombreuses institutions, a été l'occasion - a contrario - de le vérifier de façon exemplaire dans les structures de soins et d'hébergement qui appliquaient déjà ces programmes d'hydratation systématique.

Forte fréquence

D'après une étude réalisée aux États- Unis en 1988, la déshydratation constitue le désordre hydroélectrolytique le plus fréquemment observé chez les personnes âgées, au domicile et en institution. (1) Une autre équipe américaine a montré que la déshydratation était l'un des dix plus fréquents diagnostics conduisant à hospitaliser une personne âgée, et que 7 % des hospitalisations en aigu de personnes âgées étaient liées à une déshydratation (2).

1- R. Lavizzo-Mourey, J. Johnson, P. Stolley, « Risk Factors for Dehydration among Elderly Nursing Home Residents », Journal of the American Geriatrics Society, 1988 ; 36 : 213-8.

2- J. L. Warren, W. E. Bacon, T. Harris et col., « The Burden and Outcomes Associated with Dehydration Among US Elderly, 1991 » American Journal of Public Health, 1994, 84 : 1265-9.

Institutions et canicule

- Dans la journée, fermer fenêtres et volets, notamment sur les façades exposées au soleil

- La nuit, dès que la température extérieure est plus basse que la température intérieure, ouvrir le plus possible et provoquer des courants d'air

- Supprimer toute activité physique et sortie aux heures les plus chaudes

- Vêtir les résidents le plus légèrement possible

- Amener tous les résidents pendant au moins trois heures par jour dans la pièce rafraîchie

- Pulvériser de l'eau (brumisateur) sur le visage et les bras

- Planifier des consommations de boissons à intervalles réguliers

- Veiller à poursuivre une alimentation normalement salée et inciter à la consommation de potages

- Faire prendre des douches le plus souvent possible

- Repérer les personnes le plus à risque, les peser tous les jours et surveiller leur température

- Prévoir des consignes individualisées concernant l'adaptation des traitements (diurétiques, psychotropes...)

- Mettre en place des perfusions sous-cutanées, si nécessaire, pour les résidents les plus fragiles.

À lire : L. Lemarcis, T. Constans, « Prévention de la déshydratation en institution » in Gérontologie préventive, éléments de prévention du vieillissement pathologique, sous la direction de C. Trivalle, Masson, 2002, 2e édition 2009.

Maladie d'Alzheimer

La démence ne change rien aux besoins hydriques. Mais la personne âgée démente oublie de penser à boire et peut s'opposer à ceux qui lui proposent de boire. Lorsque ses troubles s'aggravent, elle ne sait plus se servir à boire (troubles praxiques) et peut avoir des difficultés croissantes pour déglutir (risque de fausse route). La prévention passe par l'hydratation systématique tout au long de la journée, complétée éventuellement par des perfusions sous-cutanées (2 à 3 par semaine peuvent suffire si la personne boit encore un peu). On peut aussi « gélifier » des liquides à l'aide de gélatine ou d'épaississants du commerce, ou acheter en pharmacie des eaux gélifiées toutes faites. Lorsque la personne est déshydratée, il faut recourir à la perfusion intraveineuse, avec souvent une contention qui relève d'une prescription médicale et doit être réévaluée plusieurs fois par jour en termes d'avantages et de risques. Elle doit être interrompue le plus rapidement possible.

À lire : M.-P. Hervy, « Comprendre et faire face aux difficultés d'hydratation » in Alzheimer et maladies apparentées : traiter, soigner et accompagner au quotidien, R. Moulias, M.-P. Hervy, C. Olivet, Masson, 2005.

Troubles de la déglutition

En cas de troubles de la déglutition, on peut utiliser :

- des poudres épaississantes incorporées dans des préparations liquides ou mixées, sucrées ou salées, chaudes ou froides, sans altérer le goût ni la couleur des aliments (Nutilis®, Magic Mix® ou Clinutren®...) ;

- des eaux gélifiées industrielles telles que l'eau gélifiée Clinutren® de chez Nestlé, l'eau gélifiée de chez Novartis ou Gelodiet® de chez DHN...

Ces produits, édulcorés ou non, ont l'inconvénient d'être coûteux.

Source : M.-P. Hervy, « Comprendre et faire face aux difficultés d'hydratation », in Alzheimer et maladies apparentées : traiter, soigner et accompagner au quotidien, R. Moulias, M.-P. Hervy, C. Olivet, Masson, 2005.

En fin de vie

D'après notre expérience, il faut maintenir l'hydratation orale le plus tard possible, en utilisant les petits moyens (paille, canard, seringue...), en privilégiant les boissons préférées, et en donnant à boire souvent, même peu. Source de plaisir, cela permet aussi de multiplier les contacts humains et les échanges relationnels.

Des perfusions sous-cutanées peuvent venir compléter, voire remplacer, l'hydratation orale, devenue difficile. Elles permettent d'administrer des médicaments à visée palliative, sans nuire au confort et à l'autonomie résiduelle, notamment si elles sont nocturnes.

Lorsque le terme est proche, il est préférable de suspendre les perfusions qui prolongeraient inutilement l'agonie, en se bornant à hydrater la cavité buccale et à effectuer très régulièrement des soins de bouche, tout en maintenant les médicaments symptomatiques indispensables. De telles attitudes doivent faire l'objet d'une concertation dans l'équipe et surtout d'une information claire et sereine aux familles. Pour qu'elles comprennent bien, en particulier, que leur parent ne va pas souffrir et mourir de soif, mais qu'il va mourir de l'évolution terminale de sa ou ses maladies.

Bibliographie

1- M. Ferry, « Hydratation, déshydratation du sujet âgé », Médecine et nutrition, 2000, vol. 36, n°6, pp. 253-262.

2- D. Somme, « Déshydra- tation du sujet âgé (1) : ionogramme au moindre doute », La Revue du Praticien-Médecine générale, n° 567, mars 2002.

3- D. Somme, « Déshydra- tation du sujet âgé (2) : privilégier la voie orale », La Revue du praticien-Médecine générale, n° 568, mars 2002.

4- A. Marcilhacy, « Déshydratation du sujet âgé : l'hydratation orale », Gériatries n° 25, mai-juin 2001.

5- M.-C. Labarthe, « Prévenir la déshydratation chez le sujet âgé », Revue du soignant en gériatrie, mai-juin 2005, n° 18.