Le choc anaphylactique - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

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DÉFINITION

Représentant l'une des expressions les plus graves de l'allergie, le choc anaphylactique peut mettre en jeu le pronostic vital à court terme.

Il correspond à une réaction immunologique pathologique lors d'un contact renouvelé avec un antigène survenant chez un individu préalablement sensibilisé. Il existe de nombreux facteurs favorisants. L'atopie par exemple (liée à l'asthme, à des allergies alimentaires, etc.) augmente la fréquence des accidents anaphylactiques de 1,5 à 10 fois et prédisposerait à des accidents graves.

ÉTIOLOGIE

La cause est le plus souvent un contact avec une substance réputée allergisante.

- Elle peut être alimentaire :

- arachide (40 % des cas) ;

- fruits exotiques (10 % des cas) ;

- protéines de l'oeuf et du lait de vache (10 % des cas) ;

- mais aussi coquillages, crustacés ou fraises.

- L'allergie peut également être médicamenteuse : antibiotiques (pénicillines, céphalosporines), AINS, analgésiques, vaccins, produits de contraste iodés, solutés de remplissage (colloïdes, gélatines fluides modifiées), certains agents anesthésiques comme les curares.

L'allergène peut aussi être d'origine animale : la réaction est souvent provoquée par des piqûres d'insectes, en particulier d'hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons).

PHYSIOLOGIE

L'anaphylaxie est une réaction d'hypersensibilité immédiate. Elle comprend deux périodes :

- La sensibilisation : premier contact entre un allergène et l'organisme. Elle stimule le système immunitaire et provoque la sécrétion d'anticorps immunoglobulines E (IgE). Aucun signe clinique n'est alors observé.

- L'activation : lors d'un deuxième contact, l'allergène va se lier avec l'anticorps IgE spécifique entraînant une libération de médiateurs de l'anaphylaxie. L'histamine est le médiateur le plus connu et probablement le plus important.

Cette libération d'histamine entraîne une vasodilatation intense, ainsi qu'une augmentation de la perméabilité, responsable d'un collapsus. Elle entraîne également une contraction des fibres musculaires lisses, notamment aux niveaux bronchique et intestinal, responsable d'un bronchospasme et de diarrhées aiguës.

CLINIQUE

Le délai avant l'apparition des signes varie en fonction de la voie d'introduction. En cas d'injection, il est plus court qu'après un contact avec une muqueuse. Dans 95 % des cas, ce délai est de moins de deux minutes, mais il peut varier de deux à vingt minutes.

Signes cutanéo-muqueux

Prurit et picotements, rash érythémateux, plaques urticariennes qui vont se généraliser, hypersécrétion des conjonctives, hypersécrétion des muqueuses nasales et bronchiques, oedème de Quincke.

Signes respiratoires

Toux, éternuements, sensation d'oppression, dyspnée (souvent sévère du fait du bronchospasme, oedème laryngé).

Signes cardio-vasculaires

Bouffées de chaleur, pression artérielle effondrée voire imprenable, tachycardie avec pouls filant imperceptible au niveau radial, pâleur et sueurs.

Un arrêt cardio-respiratoire est susceptible de survenir. Il peut soit avoir lieu brutalement, sans signe prémonitoire, soit être secondaire à l'hypoxie ou lié à la persistance du choc vasoplégique.

Signes digestifs

Nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées.

Autres signes

Angoisse et sensation de mort imminente, hyperthermie.

CONDUITE À TENIR

Arrêt de l'administration de la substance antigénique (arrêt de l'alimentation, arrêt de l'injection...) et réalisation du bilan circonstanciel, permettant un recueil complet des données.

- Installation de la victime en position adéquate : la victime doit être allongée au plus tôt en décubitus dorsal en cas d'absence de troubles de la conscience. La présence d'une dyspnée devra bien entendu être prise en compte.

- Réalisation du bilan d'urgence vitale à la recherche d'une détresse menaçant à très court terme la vie de la victime : contrôle de la conscience, de la respiration et de la circulation par la présence ou l'absence de pouls radial. Rappel : si le pouls radial n'est pas perceptible mais que le pouls fémoral est présent, la tension systolique est inférieure ou égale à 80 mmHg mais supérieure à 60 mmHg.

- Alerter ou faire alerter : en extrahospitalier, faire le 18 ou le 15 ; en intrahospitalier, le numéro d'urgence intra-muros devrait être connu de tous les professionnels.

- En milieu hospitalier, le chariot d'urgence doit être amené dans la chambre de la victime pour disposer de l'ensemble du matériel nécessaire.

- Oxygénothérapie par inhalations au masque haute concentration à un débit de 9 litres par minute. La respiration doit être surveillée attentivement : fréquence, rythme et amplitude. Le matériel de réanimation (de type Bavu, bouteille d'oxygène ou prise murale, aspirateur de mucosités ou dispositif hospitalier) doit être à proximité de la victime, vérifié et fonctionnel.

- Sur protocole infirmier de soins d'urgence (Pisu) validé pour l'infirmier sapeur-pompier exerçant son art hors présence médicale ou sur prescription médicale pour un infirmier hospitalier : mise en place d'une (voire deux) voie veineuse de gros calibre permettant un remplissage vasculaire rapide avec des solutés de type cristalloïdes, puis administration du médicament de choix dans le traitement de la phase aiguë du choc anaphylactique, à savoir l'adrénaline en titration par voie intraveineuse ou en bolus si injection sous-cutanée.

- D'autres médications pourront être employées, à savoir des corticoïdes (qui ne remplacent en aucun cas l'adrénaline mais qui renforcent son action), des aérosols béta-adrénergiques...

- La surveillance est une étape absolument fondamentale puisque l'état de la victime peut s'aggraver rapidement pendant la prise en charge : apprécier son état de conscience, rechercher une modification de ses plaintes, contrôler la fréquence respiratoire et circulatoire, et la pression artérielle soit par la clinique, soit par moniteur multiparamétrique.

- Transmettre l'ensemble des informations et des gestes entrepris à l'équipe médicale intervenante.

- En cas d'arrêt cardio-respiratoire, réanimation cardio-pulmonaire de base avec pose du défibrillateur et réanimation spécialisée conformes aux différents protocoles.

PRÉVENTION

Après un accident anaphylactique, une consultation auprès d'un allergologue est vivement conseillée afin d'identifier l'allergène en cause.

Les mesures à prendre sont en général :

- éviter tout contact avec l'allergène ;

- apprendre à reconnaître son ou ses allergies ;

- prévenir l'entourage ;

- porter une carte ou un bracelet signalant la maladie ;

- connaître la conduite à tenir et se munir d'une trousse de secours avec de l'adrénaline auto-injectable. Voire, chez les patients à hauts risques, des corticoïdes, des bronchodilatateurs et des anti-histaminiques ;

- Une cure de désensibilisation peut être proposée (par exemple en cas d'allergie aux venins d'hyménoptères).