Le coeur sur le rein - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

Don d'organes

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Santé

Le prélèvement d'organes sur donneur décédé par arrêt cardiaque apparaît très prometteur.

Si les donneurs en état de mort encéphalique étaient jusque-là considérés comme les candidats « idéaux » en matière de don de rein, rappelle le Pr Lionel Badet, du service des transplantations aux Hospices civils de Lyon (HCL), on sait aujourd'hui que les greffons prélevés sur des personnes décédées par arrêt cardiaque « donnent des résultats similaires aux donneurs à coeur battant » (1). Comme le prélèvement sur donneur vivant ne décolle pas et aurait même tendance à reculer, la possibilité de prélever des donneurs décédés par arrêt du coeur, introduite par un décret du 2 août 2005, est devenue l'une des pistes majeures de lutte contre la dramatique pénurie d'organes en France.

Le Pr Badet a présenté en mai un premier bilan de cette activité démarrée depuis octobre 2006 (2). Pour l'heure, seule une dizaine de centres hospitaliers pilotes sont habilités à pratiquer ces prélèvements, suivant des protocoles très encadrés. Les donneurs doivent avoir entre 18 et 55 ans et être classés Maastricht 1 ou 2 (3). Les receveurs, eux, sont des personnes de moins de 60 ans en attente d'une première greffe, non immunisés, de groupe compatible et préidentifiés dans Cristal, la base de données nationale pour les greffes.

Entre le 1er janvier 2007 et le 1er janvier 2009, 200 donneurs potentiels ont été recensés. Il s'agit à 90 % d'hommes, d'un âge médian de 41 ans. Parmi eux, 86 ont effectivement été prélevés, et un total de 95 reins ont finalement été transplantés.

97 % de survie à un an

Les arrêts de procédure expliquant la différence entre le nombre de donneurs potentiels et le nombre de donneurs prélevés ont essentiellement trois causes : en premier lieu, des « délais trop courts pour permettre de rechercher et d'aborder les proches », explique le Pr Badet, suivis de « l'incertitude de l'évaluation médicale quant à la qualité du greffon » et enfin des « échecs de canulation ou de perfusion ». Mais lorsque la greffe se fait, les résultats sont très satisfaisants avec « 97 % de taux de survie du patient à un an ». En deux ans, seul un cas de non-fonctionnement primaire du greffon a été recensé.

1- Tous les propos cités ont été tenus lors du séminaire sur les stratégies de lutte contre la pénurie d'organes en Europe, les 5 et 6 mai à l'université Pierre-et-Marie-Curie (Paris).

2- Une seule greffe a été réalisée en 2006 dans ce cadre.

3- Respectivement, les donneurs déjà en arrêt cardiaque à l'arrivée à l'hôpital et ceux qui décèdent par arrêt cardiaque à l'hôpital.

« Ce n'est pas un métier ! »

En France, le consentement au don d'organes est présumé dès lors que le défunt n'a pas signifié son refus de son vivant. Mais les équipes hospitalières ont le devoir d'interroger les proches pour vérifier la non-opposition du défunt au prélèvement.

« Dans les années 1980, je n'ai pas reçu de formation ad hoc, mais l'Agence de biomédecine propose désormais des séminaires mêlant approches réglementaire, théorique et psychologique, explique Chantal Bicocchi, infirmière coordinatrice de greffe à l'hôpital Beaujon (AP-HP). Pour ma part, je suis opposée à ce qu'on en fasse un métier. Ce n'est qu'une des fonctions de la profession infirmière. Psychologiquement c'est dur, alors il faut pouvoir se ressourcer en faisant autre chose. Cela dit, la formation en général est un enjeu car le personnel soignant, par méconnaissance, est parfois un frein au prélèvement. Quand un décès survient et qu'on pose aux proches la question du prélèvement, ils se tournent souvent vers l'infirmière qui a suivi leur parent, avec qui ils ont une relation de confiance. Si celle-ci leur dit " Si c'était moi, je ne le ferais pas", l'effet est dévastateur. »