Les soins palliatifs confortés - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

Fin de vie

Éthique

Le Conseil d'État recommande que la prise en charge palliative soit systématisée pour des patients en fin de vie ayant demandé l'arrêt de leur traitement.

« Les conditions dans lesquelles la fin de vie est accompagnée par le système de santé n'ont pas, jusqu'à présent, été traitées par les lois dites de bioéthique. Elles ont fait l'objet de dispositions législatives et réglementaires autonomes. Le Conseil d'État a cependant souhaité les aborder [...] car elles soulèvent des questions d'éthique médicale de même nature que celles rencontrées dans le strict domaine de la bioéthique. »

Chaque année, un peu plus de 500 000 personnes meurent en France. Les trois quarts d'entre elles décèdent à l'hôpital. Consultés par le gouvernement dans le cadre de la révision des lois de bioéthique programmée en 2010, les conseillers de la haute juridiction administrative ont, dans un rapport (1) de 122 pages remis au Premier ministre le 6 mai dernier, formulé plusieurs recommandations afin de mieux encadrer la fin de vie.

Appellant au développement des soins palliatifs, les conseillers d'État préconisent de faciliter leur recours. Ils suggèrent d'ajouter cette phrase au Code de la santé publique : « Toute personne qui formule une demande d'arrêt de traitement pouvant avoir effet d'abréger sa vie se voit immédiatement proposer d'être prise en charge par une équipe de soins palliatifs. »

Procédure simplifiée

Une démarche saluée par le Dr Godefroy Hirsch, président de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). « Cette proposition s'articule avec la loi Leonetti du 22 avril 2005. En revanche, je ne sais pas s'il faut l'inscrire dans le champ réglementaire. Ce qui est important, c'est que la culture de la prise en charge palliative progresse et que l'accès aux soins se fasse le plus tôt possible. Sachant que les soins palliatifs ne sont pas des soins terminaux. »

Autre innovation souhaitée par le rapport, la possibilité pour la famille ou la personne de confiance désignée par le patient de déclencher la procédure collégiale en vue d'examiner l'arrêt ou la limitation du traitement. Prévue par la loi Leonetti, l'activation de ce dispositif n'est actuellement que du ressort des seuls médecins. Le rapport parlementaire d'évaluation de la loi du 22 avril 2005 avait déjà souligné la nécessaire évolution de la mise en oeuvre de cette procédure.

Pour le Conseil d'État, cette modification permettrait « de pallier une absence d'initiative de l'équipe de soins dans la prise en charge de la fin de vie et de "canaliser" les conflits qui peuvent survenir entre les proches et l'équipe médicale. » « Il s'agit de permettre aux proches de mettre en mouvement la procédure, mais non de demander eux-mêmes l'arrêt des traitements, qui demeure une décision strictement médicale », précise Godefroy Hirsch. Et d'ajouter : « Cette recommandation renforce également la mise en oeuvre de la loi Leonetti, car l'objectif de la procédure collégiale est d'ouvrir la discussion au sein de l'équipe soignante afin qu'elle détermine les soins et traitements adaptés et ceux qui ne le sont pas et qui doivent être interrompus au regard de la volonté du patient. La Sfap défend cette position car il faut que le dialogue soit large et partagé. »

Discipline en soi

Par ailleurs, les auteurs du rapport estiment que les soins palliatifs devraient être enseignés comme une discipline médicale à part entière. Pour les conseillers, c'est une condition « pour que la pratique des soins palliatifs ne soit pas le parent pauvre de la médecine. » Rendez-vous en 2010...

1- « La Révision des lois de bioéthique », en ligne sur http://www.conseil-etat.fr.

TÉMOIN

Isabelle Bellanger « Un recours trop souvent tardif »

« Dans ma pratique, je note que la demande d'un arrêt de traitement ou d'une limitation est rarement faite par le patient lui-même. Le plus souvent, c'est l'entourage qui, craignant un acharnement thérapeutique, en est à l'origine, observe Isabelle Bellanger, infirmière de l'équipe mobile de soins palliatifs du CHI Le Raincy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Ce que je constate également, et regrette, c'est que le recours aux équipes de soins palliatifs soit souvent tardif. Il n'est pas rare même qu'elles soient sollicitées au tout dernier moment. Dans ce contexte, une disposition législative qui donnerait une vraie place aux soins palliatifs dans les situations de fin de vie serait une bonne initiative. Elle permettrait, en effet, l'ouverture d'une réflexion commune plus en amont dans l'histoire du patient. Les soins palliatifs sont avant tout une prise en charge active qui s'inscrit dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave évolutive, et respectueuse de son projet de vie. »