Prévenir et traiter le saturnisme infantile - L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 250 du 01/06/2009

 

pédiatrie

Conduites à tenir

Causée par le plomb, cette maladie est liée le plus souvent à l'habitat insalubre. Elle se manifeste de façon insidieuse, avec des conséquences parfois très graves.

Le saturnisme est une affection due à l'intoxication par le plomb. Le nom de la maladie fait référence à la planète Saturne qui était associée à ce métal, connu depuis l'Antiquité. Les vapeurs ou sels de plomb pénètrent dans l'organisme par voie respiratoire ou digestive. Ils provoquent un empoisonnement aigu en cas d'ingestion accidentelle ou plus souvent chronique par exposition répétée, provoquant des troubles transitoires ou irréversibles.

Reconnu et indemnisé en France en tant que maladie professionnelle dès le début du XXe siècle, le saturnisme a été remis en évidence il y a une vingtaine d'années, chez le jeune enfant. En cause, l'ingestion de poussières de peinture provenant de la dégradation de matériaux d'habitat insalubre dont la construction date d'avant 1948, ce qui reste fréquemment le cas dans les grandes villes.

SOURCES D'INTOXICATION

Lorsqu'ils sont exposés au plomb dans leur environnement, les enfants le trouvent le plus souvent à l'intérieur de leur habitation vétuste, non réhabilitée :

- les peintures anciennes, dont les sels de plomb deviennent accessibles par altération du revêtement, qui se disséminent en particules ingérables par un jeune enfant. Portées à la bouche (comportement du pica), ces écailles sont le mode principal d'intoxication ;

- l'eau du robinet, en particulier si son pH est acide, qui circule dans un réseau de distribution ancien et se charge en plomb issu des canalisations ;

- les aliments, dans une moindre mesure, comme les végétaux souillés par la pollution atmosphérique ou par la contamination des sols.

Les autres sources d'absorption sont de nature industrielle, par émission de particules de plomb dans l'atmosphère.

Depuis quelques années, certains cas de saturnisme sont dus à l'importation de jouets fabriqués en Asie, dont la teneur en peinture au plomb échappe à la réglementation européenne.

PHYSIOPATHOLOGIE

Le plomb est un métal « lourd » qui n'est pas, comme d'autres métaux, utile au métabolisme : sa présence dans l'organisme provient toujours d'une contamination. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas d'effet de seuil à sa toxicité chez l'enfant même si un niveau de tolérance est accepté.

Le plomb absorbé se diffuse rapidement dans la circulation sanguine, pénètre dans les hématies où il perturbe la biosynthèse de l'hémoglobine. Il atteint ainsi le système nerveux, les reins et les tissus calcifiés (dents et os), cibles privilégiées où il se fixe en grande partie.

Cette part fixée à l'os compact n'a pas d'effet toxique en l'état, mais celui-ci peut se réactiver en cas de déminéralisation osseuse. Ce phénomène a lieu de façon différée, parfois après plusieurs années. La fraction biologiquement active est celle des tissus mous et de l'os spongieux qui se substitue à d'autres minéraux (calcium, fer et zinc) et interagit à leur place dans la production de protéines et de molécules, perturbant le processus normal de nombreuses voies métaboliques.

L'excrétion du plomb est en majorité urinaire. Le reste de l'élimination est fécale ou a lieu par les phanères.

TABLEAU CLINIQUE

Au cours de l'intoxication chronique, le saturnisme ne fait pas apparaître de symptômes spécifiques évidents. Il est pourtant plus fréquent et plus grave chez les enfants de moins de 6 ans, pour des raisons de comportement (pica) et de vulnérabilité physiologique.

Les signes de contamination sont donc insidieux et découlent de la physiopathologie : anémie, troubles digestifs, céphalées, troubles de l'humeur (irritabilité ou apathie) et du comportement, troubles psychomoteurs et des acquisitions cognitives, pertes auditives, dysfonctionnement rénal. Le repérage de ces signes d'appel doit faire penser à rechercher une source de contamination dans l'environnement. À des taux d'intoxication élevés, ces signes deviennent patents, avec atteinte physiologique des organes.

DÉPISTAGE ET DIAGNOSTIC

En cas de facteurs de risque, l'examen sanguin à effectuer est le dosage de la plombémie dont le taux, exprimé en microgrammes par litre, détermine des modalités de prise en charge en fonction de six classes de gravité déterminées. Au-delà de la classe I, avec un taux à 100 mg/l, l'imprégnation est considérée comme pathologique et la déclaration par le médecin traitant obligatoire. L'analyse dans les phanères et dans les os permet de tracer l'accumulation du plomb et de préciser l'ancienneté de la contamination.

TRAITEMENT ET SURVEILLANCE

L'arrêt de l'exposition peut passer par des mesures usuelles : protection des surfaces altérées, surveillance du pica, lavage fréquent des jouets et des mains, consommation de l'eau après écoulement... Néanmoins, la réhabilitation ou le changement de logement reste la seule mesure efficace.

Le traitement curatif associe des chélateurs, qui transforment le plomb assimilable en fraction inorganique, à une hyperhydratation.

La surveillance comporte des dosages de la plombémie et un bilan neurocomportemental et cognitif durant plusieurs années.

Note : Une enquête actuellement conduite en France par l'Institut de veille sanitaire permettra de préciser le nombre d'enfants de 1 à 6 ans atteints de saturnisme.