Le plus à l'oreille - L'Infirmière Magazine n° 251 du 01/07/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 251 du 01/07/2009

 

équipes

Dossier

Supervision, régulation, groupes de parole... Pour les soignants en santé mentale, une écoute extérieure s'avère souvent précieuse.

Sentiment de travailler seul ou sans culture commune, impression de manquer de soutien, violence, débordements, transferts sur certains patients... Autant de difficultés auxquelles sont fréquemment confrontées les équipes qui travaillent auprès de patients en souffrance psychique. Comment exprimer ce malaise et l'identifier ? Pour cela, une intervention extérieure est nécessaire, et c'est justement parce qu'il s'agit d'un tiers qu'il devient possible de retrouver la parole, de redonner du sens au soin, de gérer les différences de pratiques, de se resituer dans son travail, de recréer du lien au sein d'une équipe.

Apparue après la Seconde Guerre mondiale, la supervision s'est imposée comme un espace de réflexion indispensable à la pratique quotidienne. Si dans les années 1960 elle s'est nourrie de psychanalyse, elle a ensuite privilégié la rationalité et les projets concrets. Dans les structures de soins, de travail social, différents dispositifs de groupe ont été instaurés, en fonction de la demande, ou institutionnalisés : qu'il s'agisse de groupes thérapeutiques, de soutien ou de parole, de supervisions, de régulations d'équipes ou de services, d'ateliers d'expression ou encore d'analyses de pratiques.

Relation singulière

En psychiatrie, la parole, l'écoute, l'entretien, sont des outils de travail. « Le malade, appuyé contre l'infirmier qu'il imagine solide, va pouvoir revivre avec lui des problématiques parfois extrêmement archaïques, c'est-à-dire liées aux perturbations des fondations de sa personnalité. Que l'infirmier soit homme ou femme, jeune ou vieux, peu importe : le malade va revivre avec lui, je dirais "contre" lui, comme l'on dit d'un enfant qu'il vient se consoler "contre" sa mère, des situations pathogènes qu'il n'avait pu élaborer jusqu'ici et dont la mise en mots venait buter sur la violence intérieure. Car c'est le propre de la violence, violence du conflit ou violence du vide, d'empêcher la parole, la mise en mots », analyse François Lespinasse, psychologue clinicien au Centre hospitalier Charles-Perrens de Bordeaux.

Les soins en psychiatrie, au-delà des traitements médicamenteux, s'articulent autour d'une relation singulière du malade et du soignant. Cette émotion profonde que ce dernier sent surgir en lui dans ces situations de soins ne se met pas en mots très facilement, car elle résulte d'une confrontation entre le malade et la personne même du soignant. C'est à ce moment que la supervision peut être envisagée.

Prendre du recul

Individuelle ou collective, la supervision s'inscrit soit dans une démarche systématisée et programmée - hebdomadaire, mensuelle -, soit ponctuellement pour faire face à une situation de crise. Fréquence, durée et lieu des séances sont définis au préalable. Dans un premier temps, il s'agit d'exposer une situation et les difficultés rencontrées en favorisant la mise en mots des ressentis, des perceptions. Puis d'exploiter ces témoignages pour clarifier la problématique. Cette dynamique favorise les échanges et la possibilité de définir des pistes d'intervention. Et permet de prendre conscience des comportements habituels, des ressentis, des mécanismes de défense de chacun. Mais ce n'est ni un lieu de règlement des conflits institutionnels ni un moyen de contrôle par quelque instance que ce soit.

La supervision en soins infirmiers est un outil de développement professionnel. Le but est d'améliorer la pratique du soignant en l'aidant à résoudre lui-même ses problèmes d'apprentissage dans des situations cliniques nouvelles ou difficiles. Le personnel soignant a donc besoin d'espaces de parole et de réflexion. Cela lui permet d'interroger et d'analyser sa pratique professionnelle. Le décodage des réactions et des comportements atténue la souffrance, s'il en est, et améliore la relation avec la personne soignée. Cela évite aussi les situations conflictuelles ou l'isolement d'un soignant. L'objectif ? Renforcer une attitude professionnelle, partager une charge émotionnelle, s'interroger. Et de ce fait, transformer la qualité de vie sur le lieu de travail, apporter un nouvel éclairage sur les soins apportés au patient et faciliter la communication en général.

Appartenance commune

Parler de supervision d'équipe, c'est parler d'analyse des pratiques concernant des soignants d'une même équipe, d'un même collectif de travail. Il est difficile de réunir des membres de services différents car une équipe de soignants spécifiques a souvent un langage commun. De plus, « il est impératif, dès le départ, que les participants aient choisi de faire partie du groupe. Il n'y a pas d'obligation, mais quand ils viennent, ils s'inscrivent dans une régularité et dans la confidentialité. Des règles d'écoute existent, et il convient d'apporter des situations professionnelles et non pas personnelles », explique Marie-Claude Egry, psychologue et psychanalyste. Projection de soi dans la relation, difficultés pour mettre à distance, relations fusionnelles... les infirmières y sont souvent exposées dans un service psychiatrique. « L'idée de ces groupes, ajoute-t-elle, c'est qu'ils aient en quelque sorte une fonction de contenant et qu'ils remettent du sens dans le travail de soin. Les soignants sont souvent déstabilisés dans leur travail en psychiatrie : confusion des rôles, projections et sentiment d'impuissance notamment quand intervient l'agressivité. Le groupe permet de retransformer à plusieurs les difficultés en pensée. Pour qu'elles ne reviennent pas continuellement en boomerang. »

Regard d'un tiers

Pour Annie Bardon, infirmière spécialisée en psychiatrie, psychosociologue et fondatrice d'Erap Formation, organisme intervenant dans le champ de la santé mentale, « à long terme, la supervision développe le sens de l'écoute et permet de trouver l'opportunité de rendre ses actions cohérentes. Au niveau du groupe, cela renforce la cohésion de l'équipe. » Le tiers permet d'objectiver et de donner du sens au fonctionnement de la personne. Il est important que ce soit quelqu'un d'extérieur : la neutralité implique l'absence d'enjeu personnel. De plus, pour qu'il y ait une lecture objectivante, il est nécessaire que l'animateur dispose d'une formation spécifique.

Néanmoins, le travail de supervision n'est pas un travail de spécialiste. La garantie, c'est la formation clinique personnelle. « En psychanalyse, on est tout le temps formé à la supervision. L'idée, c'est de continuer à réfléchir soi-même sur ce qui arrive dans l'hôpital, dans le groupe. L'objet, c'est la relation soignant-malade. Le but est de ne pas se mettre à la place du patient. C'est un travail sur la relation, le transfert, quels que soient la méthode et les modèles théoriques du lieu », poursuit Marie-Claude Egry.

Hors champs

La psychanalyse est-elle au centre de la supervision ? « Très vite après Freud, on s'est rendu compte que la psychanalyse pouvait sortir des murs du cabinet du psychanalyste. Elle prend des formes différentes. La psychanalyse a quelque chose à apporter du côté des sujets qui travaillent avec d'autres sujets », note la psychanalyste, qui s'appuie sur un certain nombre de concepts : parole, refoulement, travail sur tout ce qui peut bloquer la pensée. Souvent amenée à travailler sur du négatif, elle va repérer ce qui paralyse. L'idée est de remettre en jeu une certaine créativité et de permettre de trouver des solutions. La différence, c'est que l'on ne parle pas de soi. Mais c'est néanmoins un moment de remise en question : pour retrouver du sens à sa fonction.

« Partout où l'on travaille "en relation", on se trouve aux prises avec l'inconscient. Ceci ne veut pas dire "qu'on fasse une psychothérapie". » Roger Gentis, psychiatre et psychanalyste, est le fondateur de l'association L'Autre scène, qui mène de front thérapie, formation et recherche. Elle propose de fournir à tous ceux qui travaillent dans le champ psychiatrique les outils thérapeutiques nécessaires à des soins authentiquement psychothérapiques. Arnaud Pereira-Estrela, psychiatre, psychanalyste et chef de service au centre hospitalier Henri-Ey (Bonneval, Eure-et-Loir), y fait des interventions : « Une séance se déroule en trois temps : la personne parle de sa problématique avec un patient devant l'équipe. Ensuite, elle se tait et les autres expriment leur ressenti. Enfin, on reprend les choses ensemble. »

Mais les équipes soignantes ont-elles les occasions, la possibilité, le désir de s'impliquer dans un groupe thérapeutique ? Divers facteurs compliquent la mise en place de ces régulations d'équipes ou de services : vision très gestionnaire de la psychiatrie publique, problématique du coût, budgets serrés, manque de temps. « En province, c'est encore plus difficile, spécifie Arnaud Pereira-Estrela. Se déplacer à Paris, organiser une formation, une régulation, tient presque du parcours du combattant. Et puis, il faut quotidiennement répondre à l'urgence et au déficit d'infirmiers dans les services. » Les échanges et la dimension relationnelle ont tendance à se raréfier alors même que les situations sont de plus en plus tendues dans les services.

« Améliorer le collectif »

« J'interviens depuis longtemps dans des structures psychiatriques et j'ai travaillé à introduire et maintenir la dimension psychique des pratiques professionnelles », raconte Patrice Lorrot, psychosociologue. Il dirige l'association Ariane, créée en 1979, un organisme de formation et d'intervention en psychosociologie. « Les groupes de supervision permettent de comprendre ce qui se passe dans la relation avec le patient et d'améliorer le collectif au sein de l'institution. Ils prennent place toutefois dans une réalité qui n'est pas réductible à cette prise en compte : les facteurs économiques sont souvent générateurs de tensions qui se situent sur un autre registre. »

Dès qu'on prend en compte l'environnement du patient, on prend la température de tout l'environnement social. Dire « on ne peut pas garder un patient » par manque de place, savoir qu'il va rentrer chez lui et revenir à l'hôpital quinze jours plus tard... ne facilite pas la tâche de certains soignants. D'autant plus qu'ils sont de plus en plus sous pression et confrontés à des problèmes personnels. Les supervisions peuvent aider les soignants à respirer. Mais inutile de faire une analyse de pratiques si pour une permanence de nuit, une seule personne est requise pour cent personnes, et sur différents étages !

L'institution pour cadre

Turnover important dans les services psychiatriques, disparités entre services, manque de places, réduction d'effectifs, individualisme... les conditions de travail des équipes de soins se complexifient. Et souvent, les individus craignent de laisser libre cours à la parole et de s'exposer aux autres. Le fonctionnement du service est fréquemment remis en cause : circulation de l'information, modes de prise de décision, place de chacun dans l'équipe et dans l'institution, clarification des zones de compétence et d'action, rapports interprofessionnels, évaluation des pratiques professionnelles... Il n'est pas facile de remettre en question son travail avec les usagers sans interroger, voire contester l'autorité.

L'institution est en désorganisation, en réorganisation. Elle est sécurisante ou non. Et puis les modifications qui s'opèrent dans le monde de la psychiatrie font que les projets d'équipes ne sont souvent pas suffisamment clairs. Recherche, tâtonnement, problèmes budgétaires... On va essayer de rechercher dans le cadre de l'institution ce qui peut être remobilisé ou fait malgré les difficultés de l'institution ou le manque de moyens : retrouver du possible, renforcer une identité professionnelle quand l'institution malmène. Moments compliqués à gérer, problèmes économiques, conflits... ce n'est pas de cela que l'on s'occupe, mais de retrouver des forces pour la créativité et pour dénouer les problèmes.

La supervision peut-elle déboucher sur une remise en cause des fonctionnements institutionnels ? La supervision d'équipe les interroge. De ce fait, même si en supervision d'équipe on se penche avant tout sur le type de démarche ou d'approche mise en oeuvre dans le rapport aux usagers, il est rare que le travail d'exploration ne concerne pas à un moment ou un autre le projet du service ou de l'établissement, son mode d'organisation, les rapports entre professionnels.

Prise en charge d'enfants

Dans les services de pédopsychiatrie, les équipes se confrontent à d'autres enjeux : il faut réintroduire les parents, la famille, même s'ils sont absents physiquement. Cela rend plus difficile le travail des soignants car l'objectif est de ne pas se penser seul avec l'enfant. Marie-Claude Egry intervient dans un hôpital parisien qui accueille des enfants autistes de 2 à 6 ans, et dans un hôpital de jour. « En général, quand est évoqué le cas d'un enfant dont on ne comprend pas le retour d'agressivité, le refus - alors que l'enfant avait progressé -, on est décontenancé. Comme si cet enfant ne supportait pas d'aller mieux. Que faire ? Comment réagir ? Quel sens ont les sanctions ? » Une supervision permet de se confronter à ce que les autres ont vu. Comme un miroir. « L'autre va dire : je vois cet enfant autrement. Cela modifie le regard de l'infirmière ou du soignant. On va s'interroger également sur ce qui se passe dans la dynamique familiale. On élargit le contexte de la prise en charge de l'enfant. »

Le langage n'a pas le monopole des moyens de communication et d'expression au sein d'un groupe thérapeutique. « Le thérapeute est un jardinier du pré-conscient. La parole n'est pas tout. Jeux de rôles, relaxation, travail sur le contact, Gestalt (1), psychodrame sont autant de façons de s'exprimer. Le contact, le ludique, le relationnel induisent dans un second temps la parole, pour exprimer ce qui a été ressenti », poursuit Arnaud Pereira-Estrela. Les équipes d'intervention de son association peuvent proposer des petits jeux : se parler dos à dos plutôt que face à face, mettre en scène, porter un masque blanc, déambuler dans la salle tout en prenant contact avec l'autre...

De son côté, l'association Ariane, en région parisienne, utilise les écrits. « On demande, par exemple, aux soignants de mettre par écrit leurs réactions. Puis le groupe échange autour de ces productions, explique Patrice Lorrot. L'écrit prend alors un sens plus important que la simple parole, qui souvent se relie à ce qui vient d'être dit. » L'association se reconnaît bien dans les finalités des groupes Balint (lire l'encadré p. 8). Une pratique de supervision prenant en compte la relation qui se noue entre le soignant et le patient. L'idée ? Les praticiens analysent ensemble ce qui est en jeu dans cette relation pour comprendre les affects investis de part et d'autre, de sorte que le relationnel ne vienne pas s'opposer mais, au contraire, faciliter la lutte contre la maladie.

Besoin de « coaching »

François Mousson est infirmier et directeur des soins de l'ASM 13 (Association de santé mentale dans le XIIIe arrondissement de Paris). Une structure fondée en 1958 par Philippe Paumelle, Serge Lebovici et René Diatkine, psychiatres à l'avant- garde sur le plan scientifique et humain, pour les soins, l'accueil et le traitement des personnes souffrant de troubles psychologiques et psychiatriques. « Ce qui manque dans la profession, c'est du coaching, une sorte d'accompagnement à des niveaux différents pour résoudre les problèmes divers que rencontrent les équipes ou pour faire face à des coups durs comme le drame survenu à Pau en 2004. Mais ce sont souvent des problèmes de coût qui empêchent de mettre en place cela. » Il travaille depuis plus de quarante ans dans le secteur psychiatrique, et pense qu'il n'y a pas assez d'accompagnement. Le coaching, surtout en début de carrière, pourrait être une bonne alternative. Et créer un pont entre les compétences des professionnels de santé en fin de carrière et les nouveaux venus. Pour un partage d'expériences et une revalorisation de chacun.

Souffrance au travail

Heureusement, la supervision a ses points d'ancrage dans certains services de psychiatrie. Comme à l'hôpital Avicenne, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), où les séances régulières durent environ 1 h 30 à 2 heures. Les infirmières, par exemple, se réunissent en fonction de leurs impératifs et des urgences. « L'idéal, c'est que la séance soit animée par quelqu'un de l'extérieur, mais cela a un coût. C'est donc un psychologue et un psychiatre du service qui interviennent à Avicenne. On se réunit en cercle et on échange sur nos pratiques respectives. Celui ou celle qui le souhaite prend la parole : situation difficile, conflictuelle ou institutionnelle... Cela n'a rien à voir avec une réunion de service et doit rester confidentiel », raconte Françoise Babin, infirmière en psychiatrie de liaison adulte dans service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent de l'hôpital, dirigé par Marie-Rose Moro. « En psychiatrie, la supervision est indispensable. Et cela concerne tous les membres du service, secrétaire incluse. C'est un vrai luxe que de pouvoir bénéficier d'un tel dispositif. Ce qui est important, c'est que cela se fasse par catégorie professionnelle, à date et horaire fixes, et en fonction de la disponibilité et de l'intérêt de chacun. »

Études de cas, réunions sur le fonctionnement... le groupe de parole est un espace qui fonctionne selon une logique non médicale. Sa principale caractéristique est d'inciter les soignants à quitter leur logique professionnelle - avec ses critères d'évaluation, sa hiérarchie et ses résultats - pour entrer dans un espace où leur parole s'exprime sur un mode différent. Il s'agit ainsi paradoxalement de mettre de côté les pratiques de son métier pour mieux l'exercer. « Mais il arrive aussi qu'il faille prendre les choses autrement. Comme par exemple les gens qui ne décollent pas du travail, qui ne partent pas le soir et font des heures supplémentaires. Ce surinvestissement mérite qu'on se penche plutôt sur les plannings. Un groupe de parole renverrait à l'individu alors que dans ce cas, il y a aussi participation institutionnelle. » Florence Lantier, 53 ans, est infirmière diplômée d'État depuis trente ans. Elle est aujourd'hui cadre de santé à la direction de l'organisation des soins de l'Institut Curie, à Paris, où le travail s'articule autour d'un système de soignants référents.

« À Curie, la supervision est déjà mise en place dans le département de psycho-oncologie. C'est Martine Ruzsniewski, psychologue-psychanalyste, qui reçoit ceux qui le souhaitent et anime des groupes de parole qui varient selon la demande. » Résultat ? Un temps gagné sur les blocages inconscients et les non-dits qui épuisent. La fidélisation entraîne moins de souffrance au travail. Comme l'écrit Michel Foucault dans L'Usage des plaisirs : « Il y a un moment où la question de savoir si on peut penser autrement qu'on ne pense et percevoir autrement qu'on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir. »

1- La Gestalt-therapie, aussi appelée Gestalt (mise en forme, structure, en allemand), est une psychothérapie qui analyse l'expérience « ici et maintenant » et la responsabilité personnelle. Elle intègre des techniques verbales et non verbales, et utilise la parole, l'émotion, le rêve, l'imaginaire, la créativité, le mouvement et le corps. Contact : École parisienne de Gestalt, http://www.gestalt.asso.fr.

langage

VOUS AVEZ DIT SUPERVISION ?

- « Au mot de "supervision", je préfère celui de "tutorat" car il s'apparente à l'idée de tuteur, d'accompagnement, de compagnonnage. » François Mousson, infirmier et directeur des soins, Association de santé mentale Paris-XIIIe (ASM 13).

- « Réguler, contrôler, optimiser, évaluer... Je préfère parler de groupe de parole. Le mot "régulation" me fait penser à la mécanique des fluides : on régule le débit, comme pour un train sur un réseau ferroviaire. C'est la même chose pour le mot "supervision", il y a comme une notion de contrôle, de maîtrise. Ce qui est important, c'est de laisser de la place à la créativité, que l'espace de parole soit suffisamment ouvert afin de travailler sur les extrêmes pour éviter de passer à l'acte ailleurs. » Florence Lantier, cadre de santé, direction de l'organisation des soins, Institut Curie (Paris).

- « Le mot "supervision" m'interpelle toujours... Super ! Vision ! Pour ce qui est du mot "régulation", cela évoque pour moi le Samu : une évaluation de la gravité et la mise en oeuvre d'une conduite à tenir adaptée à l'urgence... » Françoise Babin, infirmière de liaison, service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent et de psychiatrie générale de l'Hôpital Avicenne (Bobigny, 93).

témoignage

« SOUS UN AUTRE ANGLE »

« Une patiente est là, hospitalisée régulièrement, pour des durées plus ou moins longues, mais connue et prise en charge par la psychiatrie de liaison depuis plusieurs années. Elle souffre d'une association de pathologies très lourdes et de troubles psychiatriques envahissants. Elle présente une agressivité verbale et gestuelle certaine à l'égard de l'équipe soignante. Elle a pu susciter chez moi des moments de "recul" qui rendaient difficile la prise en charge, allant jusqu'à pouvoir me faire "fantasmer" sa mort et rendre ma présence et ma fonction auprès d'elle très difficiles. J'ai donc exposé cette problématique en supervision. Mes collègues infirmiers ont pu me proposer d'autres façons de faire, d'autres approches. La parole ayant circulé, des idées et des propositions nouvelles ont été formulées et m'ont permis d'ouvrir mon champ d'action et de modifier ma façon d'être et de faire auprès d'elle. Dans une équipe, certains sont plus dans le concret, sur le terrain, d'autres envisagent leur approche professionnelle de façon plus analytique. Après cette supervision et grâce à la pensée diffractée du groupe, cela m'a permis d'appréhender la situation sous un autre angle et de continuer mon travail de façon plus sereine. »

Françoise Babin, infirmière de liaison, hôpital Avicenne (Bobigny, 93).

À lire

> Le Groupe de parole à l'hôpital, Martine Ruszniewski, Dunod, 2007.

> La Supervision en psychanalyse et en psychothérapie, Alain Delourme, Edmond Marc et col., Dunod, 2007.

> Supervisions éco-systémiques en travail social, un espace tiers nécessaire, Paule Lebbe-Berrier, Erès, 2007.

> L'Entretien infirmier en santé mentale, N. Beauzée, M.-C. Cabié, A. Lelevrier-Vasseur, C. Rybak, Érès, 2002.

> Supervision et contrôle de processus, Jean-Michel Hoc, Presses universitaires de Grenoble, 1996.

zoom

LES GROUPES BALINT

Dès 1949, Michael Balint, psychanalyste anglais d'origine hongroise, persuadé que la richesse inexploitée des relations entre médecins et malades ne pouvait être enseignée en cours magistraux, a proposé un travail de groupe. Celui-ci visait à aider le médecin à acquérir des qualités psychothérapeutiques. Le groupe d'analyse des pratiques, hebdomadaire, était composé de 8 à 12 médecins et animé par un psychanalyste et un ou deux observateurs. Il ne s'agissait pas d'enseignement mais de formation et de recherche à partir de cas cliniques apportés par les participants. Le rôle du psychanalyste était de fournir des interprétations sur son domaine : on apprenait ainsi à écouter les autres, et soi-même, sans que ce travail s'oriente vers une psychothérapie. En France, ces groupes ont été introduits par des psychanalystes dans les années soixante sur le même modèle. Aujourd'hui, ils s'étendent à tout soignant ayant des responsabilités thérapeutiques et permettent d'améliorer leur ressenti et leur écoute, en entendant leurs confrères parler de leurs propres émotions.

À lire : Le Médecin, son malade et la maladie, Michael Balint, Payot, 2003.

Sur Internet : http://www.balint-smb-france.org (Société médicale Balint).

Sur Internet

> Ariane, association de psychologie et de sociologie cliniques

http://asso.proxiland.fr/ariane

> http://www.asm13.org, Association de santé mentale Paris-XIIIe.

> L'Autre scène

http://www.autre-scene.fr

> http://www.smc.asso.fr, Santé mentale et communauté.

> http://www.carmed.fr, Carrefours et Médiations.

> Erap Formation http://www.erapformation.com

> http://www.ifrdp.net, Institut de formation et de recherche pour le développement de la personne.

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