Pas dans leur assiette - L'Infirmière Magazine n° 251 du 01/07/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 251 du 01/07/2009

 

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Les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire sont souvent sujets à la dépression. Ce lien interpelle les spécialistes.

Obésité et dépression, anorexie et dépression : ces deux situations se repèrent et se traitent différemment. Deux spécialistes ont livré leur expertise lors d'une conférence organisée par l'Institut français pour la nutrition le 16 juin dernier. Il existe une comorbidité importante entre dépression et obésité, explique Nicolas Dantchev, psychiatre à l'Hôtel-Dieu (Paris). Même si les mécanismes physiopathologiques ne sont pas encore totalement cernés, c'est plutôt l'obésité qui induit la dépression.

Effets secondaires

Certains nutritionnistes considèrent que la dépression est un frein à l'observance, et estiment la prise de psychotropes incompatible avec une réduction pondérale. En effet, de nombreux antidépresseurs (comme Deroxat ®, Norset ®, et Zoloft ® à un moindre degré) induisent des prises de poids plus ou moins significatives. Ce lien est encore plus marqué pour les patients schizophrènes prenant des traitements antipsychotiques.

Certains psychiatres envisagent quant à eux le surpoids comme un facteur de résistance au traitement antidépresseur. Pour ces différentes raisons, une approche impliquant des acteurs variés (nutritionnistes, psychologues, psychomotriciens, psychiatres et infirmières en psychiatrie, médecins généralistes...) est à envisager pour ces patients. Les traitements chirurgicaux de l'obésité mettent en évidence une perte de poids importante, accompagnée souvent d'une atténuation de la dépression. Cependant, le recul manque encore pour évaluer à long terme les conséquences de la perte de poids obtenues par le biais de la chirurgie sur la dépression.

Risque de suicide

L'anorexie mentale, autre trouble du comportement alimentaire, présente une comorbidité élevée avec les troubles anxio-dépressifs. Selon Olivier Guilbaud, pédopsychiatre à l'Institut mutualiste Montsouris, les troubles anxieux concernent 33 à 72 % des patients anorexiques, et les troubles obsessionnels compulsifs 20 à 40 %.

Tandis que les troubles anxieux précèdent l'épisode anorexique, les troubles dépressifs lui succèdent. Il faut donc se montrer très attentif. Une baisse d'activité, un état de fatigue prononcé souvent accompagné d'insomnies et hypersomnies, une perte de l'intérêt et du plaisir signent un risque d'effondrement du patient. Un passage vers la boulimie induit un risque important de suicide car l'image du corps est obsessionnelle chez les patients anorexiques.

Dépendance

On note que l'épuisement somatique est lié à l'amaigrissement et peut induire une dépression. C'est donc la conduite de restriction alimentaire qui est problématique chez les anorexiques. L'anorexie restrictive est aujourd'hui considérée comme une conduite de dépendance, à traiter comme une addiction. La vie relationnelle et affective est organisée autour de la restriction.

Si aucun traitement psychotrope ne fonctionne sur ces patients hautement déterminés dans leur conduite de restriction, on peut par contre agir avec un traitement antidépresseur dès les premiers signes de dépression. La prise en charge multidisciplinaire à l'hôpital dans les cas graves reste le seul traitement à ce jour. On guérit bien des troubles anorexiques, et plus on les soigne tôt, plus les chances de guérir sont importantes.