À la croisée des regards - L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009

 

Gérontopsychologie

Du côté des associations

L'association rennaise « Psychologie et vieillissement » propose aux soignants une approche originale du soin en gérontologie, via ses séminaires et groupes de travail.

« Psychologie et vieillissement » ... jusqu'à une époque récente, ces deux notions n'étaient pas souvent liées. L'association du même nom encourage le monde médical à y remédier. Créée en 1987 par des psychologues, des universitaires et des soignants en gérontologie, « Psychologie et vieillissement » n'était au départ qu'un simple groupe de travail, baptisé « Démence et thérapie », lequel a évolué sous l'influence de Dominique Le Doujet, son premier président, auteur de Naissance de la gérontologie psychologique (1).

Jeune discipline

Pour Pierre-Yves Malo, psychologue clinicien entré dans l'association en 1994 et qui la préside aujourd'hui, « la gérontopsychologie en était encore à ses débuts dans les années 1990. Il existait énormément de psychologues pour les enfants, mais pas pour les personnes âgées. Quand j'expliquais que j'allais travailler en gérontologie, on me regardait avec de grands yeux ! Pour moi, cela signifiait une ouverture de carrière, car il y avait déjà une demande importante. » Après avoir exercé en maison de retraite, le psychologue travaille depuis une quinzaine d'années à l'hôpital de Rennes.

Si le sujet âgé a longtemps été délaissé par la psychologie, et encore davantage par la psychanalyse, c'est que son père fondateur l'avait relativement ignoré : « Pour Freud, rappelle Pierre-Yves Malo, l'appareil psychique se cristallise avec l'âge, et s'arrête à 60 ans ! C'est une manière figée de voir les choses. Lacan, lui, a suivi des personnes et des personnalités d'un certain âge mais il ne les a pas différenciées de ses patients plus jeunes. »

« Registre existentiel »

D'ailleurs, qu'est-ce qui différencie le travail auprès de patients âgés ? « Le registre existentiel, c'est-à-dire tout ce qui se situe autour de la question de la mort, explique Pierre-Yves Malo. Un patient de 20 ans sera davantage préoccupé de sexualité. Les vieux ne sont pas spécifiques en tant que tels mais c'est le processus du vieillissement qui est intéressant. D'ailleurs, la crise de la quarantaine peut tout à fait être considérée comme une étape du processus du vieillissement. »

Dans une époque où des personnes de 60 ou 65 ans sont en pleine santé, il est difficile de tracer une frontière exacte entre jeunesse et vieillesse. Chez les patients âgés, on observe d'ailleurs très peu de spécificités et de pathologies lourdes, mais des symptômes résultant d'une aggravation de problèmes préexistants : « Quand une personne développe un délire tardif, c'est qu'elle présentait déjà une structure psychique fragile. J'ai pu également observer quelques psychoses hallucinatoires chroniques, mais très rarement. » En revanche, l'âge va réellement jouer dans l'impact des pathologies physiques sur le mental.

« Psychologie et vieillissement » propose plusieurs orientations. Des groupes de travail autour d'une majorité d'infirmières, peu de médecins, traitant de questions dans l'air du temps, comme la maltraitance ou le droit au risque. « Nous creusons un sillon, assure Pierre-Yves Malo, car nous proposons des approches différentes. Ainsi, nous considérons la maltraitance comme une pathologie de la liberté : on suppose qu'est maltraitant celui qui est dans une impasse. Notre objectif est donc d'aider ces personnes à explorer d'autres voies. » Depuis quelques années, l'association a aussi mis en place des groupes de parole pour les aidants familiaux.

Un autre axe de travail est l'organisation de séminaires à destination des soignants en gérontologie, en grande demande : « Ces rencontres permettent de promouvoir la dimension des sciences humaines, de s'éloigner pour un temps de l'aspect strictement médical. Cela aide l'infirmier à ne pas voir la personne âgée comme un objet de soin mais comme un sujet pensant. Par exemple, avec un patient atteint d'un Alzheimer agressif, le médecin établit son diagnostic et prescrit des médicaments : on va se retrouver avec une personne tassée dans son fauteuil, éteinte. Une autre façon de voir les choses réside dans une quête de sens : d'un point de vue éthique, nous devons tâcher de comprendre cette agressivité, au-delà de la maladie d'Alzheimer. »

Main dans la main

« Aujourd'hui, nous faisons partie du paysage. Notre discours commence à être repris par les médecins, et les directions de maisons de retraites font appel à nous sur des thématiques précises, comme celle de la maltraitance », se réjouit Pierre-Yves Malo. Des antennes de l'association ont vu le jour à Pontivy, Cancale et Nantes. « Notre succès repose sur notre philosophie du soin : la réflexion que l'on apporte dans des institutions ne se fait pas pour les soignants mais avec les soignants, résume Pierre-Yves Malo. Et puis nous sommes une association riante et je suis un président heureux ! Nous fonctionnons dans le plaisir car il y a de l'envie et beaucoup d'énergie. »

1- Éditions de l'EHESP, 2009. Comme cet ouvrage, les actes des séminaires sont publiés dans la collection « Psychologie et vieillissement » que l'association dirige depuis 2008.

Contact

Psychologie et vieillissement

4, square de Gascogne

35000 Rennes

Tél. : 02 99 54 94 68

http://www.psychogeronto.com

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