« Gérontechnologies » à la carte - L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009

 

Interdisciplinarité

Questions à

En Bourgogne et Franche-Comté, un gérontopôle soutient l'innovation pour s'adapter aux besoins des aînés. Nutrition, mobilité, éthique... son président fait le tour des enjeux.

Quelles sont les missions du gérontopôle ?

Cette association, créée en Bourgogne fin 2007, est actuellement en cours d'élargissement aux acteurs de la Franche-Comté. Elle vise à valoriser les métiers de la gérontologie en favorisant un lien étroit entre les structures sanitaires, médico-sociales et sociales, et les unités de recherche. Il regroupe notamment les CHU de Dijon et Besançon, l'ensemble des hôpitaux publics des deux régions, des maisons de retraite, les quatre conseils généraux de Bourgogne, le conseil régional, la mairie et l'agglomération de Dijon, l'Université de Bourgogne, etc.

Quelque 150 professionnels de santé (cadres, infirmières, kinésithérapeutes...) y adhèrent à titre individuel. Nous nous associons à des projets labellisés par l'agence nationale de la recherche et travaillons avec « Vitagora », un pôle de compétitivité agroalimentaire.

Quelles sont ses principales thématiques d'action ?

La nutrition et la mobilité. Côté alimentation, nous cherchons comment promouvoir le plaisir alimentaire des personnes âgées souffrant de dénutrition. Dans le cas de patients touchés par la maladie d'Alzheimer, cela peut passer par des plats qui stimulent leur mémoire. Servir du saumon accompagné de brocolis à une personne de plus de 90 ans cadre rarement avec sa culture...

Certains mets sont aussi trop ou pas assez goûteux. Avec le grand âge, on fait plus volontiers appel à certains stimulants comme l'odeur, et moins à d'autres... Nous cherchons aussi à développer un « pain senior », plus nutritif et facile à avaler, et qui leur rappellerait un goût « d'antan ». Il faudrait parvenir à concevoir, au niveau industriel, un ou plusieurs pains adaptés aux personnes âgées.

Côté mobilité, nous cherchons comment maintenir le plus possible les schémas moteurs d'automatismes des mouvements que les personnes âgées ont tendance à perdre. Il y a aussi le problème des pertes d'équilibre : les trois quarts des plus de 90 ans ne savent plus se relever après une chute.

Comment améliorer la qualité de vie de ces personnes ?

Pour le grand âge handicapé (dans le contexte des maladies cérébrales, dégénératives et/ou vasculaires), il faut adapter les connaissances à chaque individu, à l'inverse de la logique de la spécialisation. Le travail en interdisciplinarité va dans ce sens : multiplier les rencontres entre les différentes catégories de soignants et les chercheurs des laboratoires permet de développer tant des méthodes que des gérontechnologies réalistes et adaptées aux besoins. J'aime à parler d'interrogations éthiques. Dans bien des situations, il n'existe pas de remède miracle. Il faut se contenter d'appliquer la solution la moins dangereuse et la plus satisfaisante possible.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d'interactions entre chercheurs et soignants ?

Bien sûr. Par exemple, seuls des soignants sont capables de décrire comment les personnes tombent, et dans quelles circonstances. Leurs observations transmises aux techniciens doivent les aider à développer des produits et des services performants. Comme du mobilier adapté, des airbags qui évitent des traumatismes trop importants lors des chutes, des systèmes plus efficaces que les vieux lève-personnes... Il faut aussi se servir de certaines nouvelles technologies : on peut apprendre des techniques pour se relever du sol grâce à l'étude d'images informatiques. Un peu à la manière des footballeurs qui perfectionnent leurs mouvements et leurs gestes en visionnant leur matchs.

Comment former les soignants ?

Il faut les former à l'apprentissage des bons gestes, tout en veillant à éviter un écueil fondamental : on forme encore trop souvent le personnel en vue d'un idéal gérontologique, sans rapport avec les moyens humains ou financiers disponibles dans les institutions. C'est pourquoi le gérontonpôle réfléchit à la mise en place d'un label de formation qui prendrait en compte la réalité de chaque établissement.

Outre l'organisation de colloques, nous construisons un site Internet afin de partager nos connaissances, ainsi que des annuaires recensant des personnes ressources en formation. Nous avons de très bons professionnels spécialisés dans différents domaines en Bourgogne et en Franche-Comté, mais ils ne se connaissent pas forcément entre eux...

Gérontopôle de Bourgogne-Franche-Comté. Centre gérontologique de Champmaillot, 2, rue Jules-Violle, BP 87909, 21079 Dijon cedex. Tél : 03 80 29 31 56. Courriel : contact@gerontopole.fr

Pierre Pfitzenmeyer Gériatre

Après ses études de médecine à Limoges (de 1977 à 1983), Pierre Pfitzenmeyer a été interne puis chef de clinique assistant des hôpitaux au CHU de Dijon. Devenu professeur des universités en 1996, il est depuis lors chef du service de gériatrie de ce même CHU, et enseigne à la faculté de médecine de Dijon. Nommé en 2006 coordinateur médical du pôle des personnes âgées au sein du CHU, il préside également le gérontopôle de Bourgogne.