L'ère de l'oncogériatrie - L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009

 

cancérologie

Dossier

Articulant de multiples compétences, le traitement des cancers chez les personnes âgées sort peu à peu du stade expérimental, du moins en France. Reste à multiplier les structures spécialisées...

Il y en a une qui m'a tiré les larmes quand elle m'a dit "Vous savez, je viens ici, mais je suis vieille, est-ce que vous allez m'accepter ?" C'est triste. » Depuis trois ans, Dominique Baldacci est l'infirmière coordinatrice de l'unité pilote en oncogériatrie « Massilia Senior Programme » à l'Institut Paoli-Calmette de Marseille, en réseau avec le centre gérontologique de Montolivet. Les patients âgés atteints de cancer, c'est son quotidien. Vieux et cancéreux, un profil condamné à être délaissé par la médecine ? Encore beaucoup trop, même si des politiques publiques actives ont vu le jour et que les mentalités évoluent. La pratique oncogériatrique, née de l'énergie de quelques pionniers, reste encore confidentielle.

Depuis une dizaine d'années, la littérature médicale milite pour l'oncogériatrie. Les patients âgés (pour le corps médical, ceux de plus de 75 ans), bénéficient de plus en plus des progrès thérapeutiques. Mais au-delà du traitement du cancer, une prise en charge globale est nécessaire. La mesure n° 38 du Plan cancer 2003-2008 engage à « mieux adapter les modes de prise en charge et les traitements aux spécificités des personnes âgées ». L'Institut national du cancer (Inca) a mis en place en 2005 une mission oncogériatrique.

Unités pilotes

Suite à deux appels à projets, 15 Upcog (unités pilotes de coordination en oncogériatrie) ont vu le jour dans 13 régions, impliquant 12 CHU, 12 CLCC (centres de lutte contre le cancer), 10 centres hospitaliers publics et 8 établissements privés. Leurs objectifs : mieux structurer la trajectoire personnalisée de soins, mieux adapter les traitements et fédérer la recherche, l'enseignement et la formation des soignants.

À l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), à Paris, l'unité pilote est aujourd'hui dotée d'un budget de 100 000 euros. « Je travaille avec deux médecins gériatres qui font l'équivalent d'un temps plein et demi. Cela nous permet d'évaluer quelque 1 000 malades dans l'année », précise le professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie de l'HEGP et responsable de l'Unité pilote en oncogériatrie de l'Ouest parisien (Upogop).

La clé de voûte du dispositif oncogériatrique est l'association entre gériatres et cancérologues, dans une optique globale. Pour de nombreux médecins, l'oncogériatrie n'est pas une discipline en soi, mais l'alliance de plusieurs spécialités. « Je ne veux pas que l'oncogériatrie devienne une spécialité en tant que telle, insiste Olivier Saint-Jean. C'est un mélange de savoirs qui a d'autant plus de sens que chacun garde ses capacités : il faut que chacun puisse rester très pointu dans sa discipline. » Même son de cloche chez Damien Heitz. Ce praticien hospitalier est responsable de l'unité pilote en oncogériatrie du centre de lutte contre le cancer (CLCC) Paul-Strauss, à Strasbourg : « Les malades âgés doivent être traités en cancérologie, comme n'importe quels malades. Mais il faut y ajouter la compétence du gériatre et celle d'autres professionnels dans une optique de pluridisciplinarité. Le grand risque, sinon, c'est de faire de la sous-cancérologie. »

Savoirs associés

L'arrivée du gériatre sur le terrain du curatif est relativement nouvelle ; elle est la réponse à l'apparition de nouveaux questionnements, notamment durant les phases d'intercure. Traiter efficacement un patient âgé cancéreux revient à prendre en compte ses spécificités. Il présente bien souvent des fragilités importantes, des déficits fonctionnels ou des polypathologies. Le risque de banalisation de certains symptômes (manque d'appétit, fatigue...) existe. De nombreux facteurs de comorbidité brouillent le paysage sanitaire ; les médecins eux-mêmes s'orientent souvent vers d'autres pathologies liées à l'âge, ce qui rend le diagnostic du cancer plus tardif. D'autre part, le dépistage précoce s'avère beaucoup plus difficile que pour un patient plus jeune, car il n'existe pas de recommandations obligatoires au-delà d'un certain âge. Ainsi, le cancer du sein n'est plus dépisté obligatoirement après 74 ans, et celui du col de l'utérus après 60 ans.

Certains préjugés contribuent aussi à retarder le diagnostic, notamment l'idée reçue selon laquelle les cancers seraient moins graves ou d'évolution moins rapide chez la personne âgée. Or, il n'existe pas de profil-type de personne âgée. Il n'est pas évident de cibler cette population, car elle est « très hétérogène. On n'est pas tous égaux devant le vieillissement ! Pourtant, certains médecins continuent de considérer qu'à partir d'un certain âge, il vaut mieux ne rien faire », regrette Guy Chatap, gériatre à l'hôpital René-Muret-Bigottini de Sevran (Seine-Saint-Denis). C'est le rôle de la gériatrie, médecine globale et non organique, que de mettre en lumière les différentes fragilités pour apporter à l'oncologue des informations primordiales pour l'adaptation du traitement.

Évaluation gériatrique

« A priori, rien ne s'oppose de principe au traitement d'un cancer, assure Guy Chatap. Il y a plusieurs questions à se poser : quelle est l'accessibilité à ce traitement ? Quelles sont les prospectives ? Le patient va-t-il mourir du cancer ou d'une autre pathologie ? » En somme, quel est le prix à payer ? « Pour moi, il n'y a pas de traitement impossible chez une personne âgée, assure Olivier Saint-Jean. L'enjeu, c'est d'analyser, organe par organe, de façon très détaillée, la fragilité du patient. » L'essence même de l'oncogériatrie est de faire l'équilibre entre risques et bénéfices. « Le choix entre la thérapeutique active et les soins palliatifs est toujours très difficile, convient Olivier Saint-Jean. Mais si on n'est pas en interrogation permanente, on change de métier ! »

L'oeil de l'infirmière

Dans la phase prédécisionnelle, l'évaluation gériatrique du patient va dresser un tableau très précis. Les infirmières y sont souvent en première ligne. « J'ai un rôle à jouer dans le diagnostic, observe Maria Kehlhoffner, infirmière de l'UPCOG du CLCC Paul-Strauss. Via un interrogatoire-type, je passe en revue différents domaines de la vie du patient : son mode de vie avant hospitalisation, son environnement familial, sa nutrition, la question de la douleur ou encore de l'incontinence. Je fais en sorte de détecter d'éventuels troubles cognitifs, de la marche, de l'humeur... » Damien Heitz apprécie sa collaboration avec Maria Kehlhoffner : « C'est un vrai bonheur de travailler avec elle ! À la création de l'unité mobile, je ne savais pas vraiment ce qu'était le rôle de l'infirmière. On est partis d'une pratique qu'on a conceptualisée dans un excellent exemple de pluridisciplinarité. » « J'essaie de m'imprégner du travail des infirmières car elles prennent le temps de regarder, de parler, ajoute Guy Chatap. Les rencontres entre les patients et les infirmières se font à des moments privilégiés, l'alimentation, la toilette... Ces moments vont nous donner des informations, nous aider à adapter un traitement. »

Adapter les traitements

À l'issue de l'évaluation gériatrique, trois profils généraux se dégagent, selon la classification Balducci (du nom du gériatre italien, exerçant aujourd'hui aux États-Unis, qui l'a théorisée) : les patients âgés en pleine forme, pour lesquels on va suivre le protocole standard ; ceux qui se situent dans la plus grande zone de doute, pour lesquels il va falloir fortement adapter le traitement ; les patients très polypathologiques, dépendants, qui présentent des troubles gériatriques. Pour ces derniers, les équipes médicales proposent le plus souvent un traitement symptomatique : on cherche à contrôler un symptôme sans qu'il y ait d'optique curative. Il peut s'agir par exemple de diminuer la grosseur d'une tumeur, ou bien d'effectuer une mammectomie de propreté. « Cette classification n'est pas les tables de la loi, tempère Damien Heitz. Mais ça permet de réfléchir et ensuite d'aller au-delà. Elle est très utile pour les patients du groupe 1 car on ne refuse plus d'opérer des personnes de 90 ans et plus. »

Les réunions de concertation pluridisciplinaire permettent de concrétiser les échanges au sein des UPCOG. « Leur création marque un progrès colossal, salue Olivier Saint-Jean. Ma part d'optimisme, c'est que les médecins s'écoutent et que le gériatre rentre de plus en plus dans le processus de soin. » Les équipes inventent chaque jour des modalités de traitement adaptées au vieillissement des organes. Certains traitements sont plus faciles à mettre en place : pour le cancer de la prostate par exemple, un traitement hormonal suffit souvent.

Il est également possible d'engager des traitements plus lourds, après avoir mis en évidence les fragilités du patient et en tenant compte des effets secondaires, qui augmentent avec l'âge. La chirurgie, aujourd'hui, est de moins en moins mutilante. « Face à un traitement potentiellement lourd, explique Damien Heitz, il faut bien prendre en compte l'impact de la décision médicale. Les discussions avec l'anesthésiste sont souvent des clés pour l'indication thérapeutique. Par exemple, pour un homme de 82 ans atteint d'un cancer du pancréas, l'opération est très lourde. Le chirurgien va devoir beaucoup réfléchir avant de se décider. »

Effet « mikado »

Dans le même objectif d'adaptation du traitement aux spécificités du patient, les doses de chimiothérapie (souvent par comprimés) sont revues. Il faut parfois y renoncer pour un patient présentant des altérations cognitives ou des troubles du comportement, car elle peut être toxique au niveau neurologique. En matière de radiothérapie, de nouvelles techniques ont vu le jour : la tomothérapie (radiothérapie guidée par l'image) permet de cibler plus précisément la zone à irradier, et la protonthérapie consiste en une irradiation importante de la tumeur. L'équipe d'oncogériatrie peut aussi décider d'espacer les séances. « Il faut être le plus agressif possible sur la tumeur et le moins agressif sur le malade car un patient âgé, c'est comme un mikado : si on bouge un élément, on fait bouger tout le reste », résume Olivier Saint-Jean.

Perte d'autonomie

Les décisions thérapeutiques se prennent en associant au maximum le patient au choix final. « Notre travail est guidé par la préservation de son autonomie, la réponse à son souhait personnel, même si la question primordiale reste la détermination du meilleur traitement », précise Maria Kehlhoffner. Les choses sont plus compliquées lorsqu'il s'agit de traiter le cancer d'une personne âgée très dépendante. Les équipes mobiles en gériatrie (EMG), créées en 2002 pour l'amélioration de la filière gériatrique, s'adressent précisément aux patients âgés à haut risque de perte d'autonomie et présentant une forte fragilité médico-sociale. Ces équipes transversales (gériatre, infirmière, assistante sociale, psychologue, psychomotricien...) se déplacent à la demande des services hospitaliers de court séjour, dans les services de médecine et de chirurgie. Elles dispensent un avis gériatrique et conçoivent un accompagnement personnalisé des patients. Le travail de la centaine d'équipes mobiles réparties sur tout le territoire porte ses fruits : en structurant la prise en charge grâce aux liens avec les services hospitaliers et les structures extrahospitalières, elles évitent au patient le parcours du combattant, et permettent de réduire tant la mortalité que la durée du séjour à l'hôpital.

Consolider les expériences

Les équipes d'oncogériatrie (des UPCOG et des EMG) s'occupent aussi du parcours hors de l'hôpital. Quand c'est possible, elles optent pour une hospitalisation à domicile. L'hospitalisation n'est pas nécessairement une bonne solution, car elle contribue au stress et à la perte d'autonomie. Dans tous les cas, le maintien ou le retour à domicile est très encadré. Là encore, les infirmières sont en première ligne. Prendre les rendez-vous avec les différents médecins, repérer un isolement, une dépression, identifier le médecin de famille, les aidants... « On nous confie les patients avec une grande confiance, explique Dominique Baldacci (l'infirmière coordinatrice du « Massilia Senior Programme », à Marseille). Les médecins s'appuient beaucoup sur nous. C'est à nous de bien faire les tâches, et elles sont nombreuses : on a davantage de responsabilités que les infirmières d'étage. »

La mission oncogériatrique de l'Inca, la création des UPCOG et l'augmentation du nombre d'EMG concourent à une prise en charge optimisée du patient âgé cancéreux. « La politique active et la mobilisation des cancérologues structurent la dynamique récente », confirme Lynda Sifer-Rivière, sociologue au sein de l'Unité pilote en oncogériatrie de l'Ouest parisien et au Centre de recherche médecine, science et société (Cermes). Olivier Saint-Jean insiste sur l'urgence d'une nouvelle impulsion : « L'enjeu fondamental du second Plan cancer [qui devrait être dévoilé courant septembre, ndlr] est la généralisation des unités pilotes, qui sont des prototypes expérimentaux. » Dans les régions où aucune UPCOG ou équipe mobile n'existe, les patients âgés cancéreux sont souvent délaissés ou mal traités. Leurs familles sont démunies, souvent perdues dans un parcours du combattant. Elles ne parviennent pas à parler à un médecin référent et ne trouvent souvent pas de gériatre.

Équilibres à trouver

L'organisation des équipes au sein des UPCOG tend vers un modèle idéal, mais encore trop confidentiel. Bien des obstacles doivent encore être surmontés. En tête des améliorations à apporter : une meilleure intégration du gériatre dans la prise en charge du patient. Dans son travail, Lynda Sifer-Rivière a cherché à cerner les dynamiques professionnelles, en analysant notamment la relation entre le gériatre et l'oncologue : « Pour le moment, la meilleure manière d'intégrer le gériatre dans la prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer est encore à inventer. Le dialogue est là mais la relation est parfois bancale, d'autant plus que les cultures professionnelles sont très différentes. Les gériatres ont parfois l'impression qu'on leur réserve les tâches résiduelles. » Or, la structuration de cette relation est un enjeu très fort. Les fondements d'un vrai partenariat sont encore à inventer. « Tant qu'il n'existera pas de règle admise par tous, poursuit Lynda Sifer-Rivière, le risque pour le patient est de faire un diagnostic trop tardif. »

L'amélioration des règles de travail en commun passe par le dialogue, mais aussi par des recherches plus poussées. D'abord, sur l'élaboration d'un outil de triage : c'est le but d'Oncodage, en cours de validation. Il instaurera une règle de travail en proposant des tests systématiques pour les patients de plus de 75 ans, afin de déterminer s'ils doivent bénéficier d'évaluations gériatriques plus poussées. Tous les patients de plus de 75 ans n'ont en effet pas besoin de voir un gériatre, ce qui n'est le cas que pour 30 à 40 % d'entre eux. Les « Balducci 1 » peuvent s'en passer, mais pour les autres, une évaluation prétraitement peut apporter des informations capitales.

Entre espoirs et blocages

Pour Olivier Saint-Jean, la recherche doit être poussée du côté de la biologie : « On a des grands facteurs mais pas de marqueurs biologiques pour dire par exemple si le coeur d'un malade résiste à la chimiothérapie par anthracycline. Il faut donc aller plus loin. » Autre blocage : les réticences de l'industrie pharmaceutique. « Elle ne se lance pas dans les médicaments pour personnes âgées car c'est très complexe, poursuit le professeur. Pour les patients jeunes, il n'y a que deux questions à se poser : rémission ou pas rémission ? Alors que pour les vieux, la variable est bien plus grande : est-ce qu'il s'agit de survie à tout prix ? De confort de vie ? Et cætera. »

Autre problème, que rappelle Guy Chatap, « la plupart des essais cliniques n'incluent pas les vieilles personnes. Néanmoins, cela devrait évoluer par la force des choses (le vieillissement de la population) comme ça évolue chez les enfants. » Déjà, six essais cliniques ont été effectués depuis 2002 via le programme d'action concertée Gerico créé sous l'égide de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC). Ces essais cliniques sur les patients âgés visent à l'amélioration des protocoles existants : la chirurgie assistée, une meilleure définition des zones d'irradiation, l'optimisation des posologies. « En affirmant ces protocoles, explique Olivier Saint-Jean, on pourra arriver à prédire la complication de tel traitement pour tel patient. Par exemple, les confusions mentales peuvent tout à fait se prédire : nous disposons d'une échelle grossière pour le moment, mais elle pourrait être affinée. »

Demande de formation

L'oncogériatrie en est encore à ses balbutiements mais se développe dans le bon sens, d'autant que les mentalités commencent à évoluer. En 2007, une enquête a été menée auprès des médecins généralistes et des spécialistes en oncologie d'Alsace. Le but était de les interroger sur leur pratique vis-à-vis des personnes âgées. « Le plus étonnant dans les résultats, explique Damien Heitz, c'est le fort taux de participation : 48 %, alors qu'elle tourne d'habitude autour de 20 %. La majorité assure que l'âge n'est pas le facteur le plus important, et deux tiers ont une vision positive de l'évaluation gériatrique. Ils avouent aussi un besoin de formation. L'interprétation des résultats est donc positive, même s'il faut préciser que l'enquête est déclarative et ne reflète pas nécessairement la réalité de la pratique. » L'information circule, mais pas encore suffisamment, la formation n'est pas encore à la hauteur, et la démographie des professions de santé s'en ressent : pas assez d'infirmières, pas assez de gériatres. « L'oncogériatrie, c'est la double mort. On peut comprendre que les jeunes infirmières ne soient pas très attirées par ça, avance Olivier Saint-Jean. Il faut promouvoir l'image de cette pratique et leur donner un rôle central. »

Impliquer les chefs

« Il ne faut pas perdre de vue que l'oncogériatrie connaît un développement tout récent, rappelle Lynda Sifer-Rivière. Là où les choses se passent le mieux, c'est quand le chef de service est personnellement impliqué. Chez les soignants les plus engagés, il y a une projection de leur propre mort, de la future prise en charge de leurs parents, voire de la leur. » L'oncogériatrie est encore très dépendante des mentalités, du dialogue interprofessionnel, mais aussi des territoires. Il reste encore beaucoup à faire pour son développement. Mais le chemin accompli est déjà fondamental. « Le plus merveilleux, conclut Maria Kehlhoffner, c'est qu'on ne dit plus "Il est trop vieux, donc on ne va rien faire." »

consultations

L'APPORT DES PSYCHOLOGUES

La recherche médicale progresse, mais l'accompagnement psychologique des patients atteints d'un cancer n'est pas toujours à la hauteur. Or, les conséquences de la maladie sur le psychisme des malades peuvent affecter leur qualité de vie au point de réduire leurs chances de guérison. L'anxiété et la dépression sont très fréquentes chez la personne âgée, mais difficiles à diagnostiquer. Leurs manifestations sont souvent différentes de celles d'un patient plus jeune. Elles vont se traduire, par exemple, par une démonstration d'agressivité plutôt que par un repli sur soi.

Des consultations psychologiques spécifiques sont proposées dans certaines unités pilotes de coordination en oncogériatrie. Deux psychologues travaillent ainsi au centre de lutte contre le cancer Paul-Strauss de Strasbourg.

« Certains patients acceptent tout de suite la consultation psychologique. C'est comme une bouée à laquelle ils se raccrochent, raconte Maria Kehlhoffner, infirmière. D'autres sont davantage dans le repli. Mais nous avons des retours très positifs, d'autant que le suivi psychologique peut aussi s'adresser à l'entourage du malade. »

recherche

LA FRANCE EN AVANCE

Quelques pionniers de l'oncogériatrie ont inspiré les travaux actuels : Lodovico Balducci et Martine Extermann, en Floride, Jean-Pierre Droz en France, à Lyon. Dans le monde, un petit groupe d'environ 200 personnes travaille dans ce domaine. « Aux États-Unis, explique Olivier Saint-Jean, de l'unité pilote d'oncogériatrie de l'Ouest parisien, il existe une véritable culture de l'écriture que nous n'avons pas. Les médecins pratiquent de la vraie recherche. Ils font en sorte d'avoir une médecine basée sur les preuves. » Par contre, l'organisation du système de soins américain étant très compliquée, moins de malades sont soignés chaque année outre-Atlantique. Avec la mise en place des 15 unités pilotes de coordination en oncogériatrie, des structures uniques au monde, la France possède une avance considérable. « À l'étranger, quand on dit qu'on pratique des chimiothérapies sur des patients de 95 ans, ça fait écarquiller les yeux ! rapporte le professeur. En Europe du Nord, ils ont un regard moins volontariste mais ils posent cependant des questions intéressantes sur le plan éthique. »

Repères

> Selon l'Insee, en 2050, plus d'un tiers de la population sera âgée de plus de 60 ans, et 10 millions de personnes auront plus de 75 ans.

> Selon l'Institut de veille sanitaire (InVS), chaque année, sur les 150 000 décès causés par le cancer, 40 % surviennent chez des 65-80 ans.

> Le cancer est devenu la première cause de mortalité dans cette tranche d'âge, dépassant même les maladies cardiovasculaires.

> Les cancers les plus fréquents : prostate, côlon-rectum, sein et poumon.

formation

LES ÉTUDES ET LE TERRAIN

L'équipe de l'Institut national du cancer (Inca) a défini la formation comme un axe prioritaire de sa mission oncogériatrique. Il s'agit d'augmenter le nombre de professionnels médicaux et paramédicaux pour fournir des soins de qualité. Deux diplômes interuniversitaires ont été mis en place : à Paris 5, le DIU d'oncogériatrie, et à Lyon 1, le DIU de gériatrie appliqué à la prise en charge de la personne âgée atteinte de cancer. Un diplôme universitaire (DU) d'oncogériatrie s'est aussi ouvert en octobre 2008 à Nantes.

Dominique Baldacci, infirmière coordinatrice du « Massilia Senior Programme », parfait sa formation sur le terrain. « J'ai beaucoup lu, beaucoup suivi les gériatres dans leur travail, dit-elle. Je me renseigne au fur et à mesure, via Internet par exemple, ou j'appelle le spécialiste de la question. Ça me fait réviser ma médecine interne. » La formation des soignants est souvent informelle.

À Strasbourg, Maria Kehlhoffner, infirmière à l'UPCOG, intervient à leur demande : « Je donne des conseils, aussi bien techniques que concernant le comportement, par exemple face à un patient très agressif... J'interviens aussi dans les Ifsi et dans les maisons de retraite. »

À lire

> « Oncogériatrie : une stratégie d'action », sur le site Web de l'Inca, l'Institut national du cancer (http://www.e-cancer.fr, rubrique « Les soins », puis « Oncogériatrie »).

> Comprendre l'oncogériatrie, brochure éditée par l'Association pour la recherche sur le cancer (ARC), réalisée avec le concours d'Olivier Saint-Jean (en ligne sur http://www.arc.asso.fr, dans la rubrique « Publications »).

Rendez-vous

> Les 18 et 19 septembre 2009, les 5es Journées nationales d'échange de pratiques en oncogériatrie se tiendront à Lille (http://www.journees-epog.fr).

> Le 8 octobre 2009, l'UPCOG des Pays de la Loire organise sa première Journée régionale d'oncogériatrie, à Angers (http://www.onco-paysdelaloire.asso.fr/ pro/page24421.asp).

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