Les « vieilles » restent en éveil - L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 252 du 01/09/2009

 

profession

Dossier

Passer la cinquantaine à l'hôpital n'est pas forcément synonyme d'épuisement. Expérimentées et efficaces, les infirmières « anciennes » ont beaucoup à apporter à la prise en charge des patients. Pour peu que l'on veuille bien valoriser leur rôle...

Ce n'est un secret pour personne, la France vieillit. Et bien qu'on ait longtemps essayé de ne pas le voir, les infirmières aussi. La proportion des infirmières de 50 ans et plus travaillant à l'hôpital est passée de une sur cinq en 2001 à près de une sur trois en 2007. Et la tendance n'est pas près de s'infléchir. En 2003, le ministère de la Santé estimait que 54 % des infirmiers en poste cette année-là seraient en 2015 concernés par un départ à la retraite, avec un pic en 2011-2012... Pour autant, certains établissements enregistrent, depuis peu de temps, une augmentation de la durée d'exercice des infirmières et un report, parfois, du départ à la retraite. Certes, les infirmières, fonctionnaires de catégorie dite « active », bénéficient du droit de partir à la retraite dès 55 ans (lire l'encadré p. 26). Mais « la durée de cotisation pour percevoir une retraite complète est la même que pour tout le monde, commente Yves Marlier, directeur des ressources humaines au centre hospitalier de Roubaix (Nord). Et compte tenu de l'augmentation de l'âge d'entrée des infirmières dans la profession, l'âge de départ recule à 60, voire 65 ans. » D'autant que dans les régions les plus touchées par la crise, les difficultés professionnelles, réelles ou craintes, qui peuvent toucher leur conjoint les encouragent à ne pas ranger la blouse trop tôt. À Roubaix, de plus en plus d'infirmières qui travaillaient à 80 % demandent aussi à repasser à 100 %...

Recrutement difficile

Certes, les quotas d'infirmières formées ont augmenté, et la hausse du nombre de diplômées arrivant sur le marché du travail devrait rapidement se faire sentir. Mais pas partout dans les mêmes proportions : certains établissements, certaines régions attirent plus que d'autres, les quotas ne sont pas tous remplis, loin s'en faut, et les abandons d'études en cours de route ne sont pas rares... Le quasi- doublement des effectifs d'infirmières en poste envisagé d'ici à 2020 par Yvon Berland, le président de l'Observatoire national des professions de santé lors des dernières Assises hospitalo-universitaires, en décembre, ne se profile pas encore... Les observateurs et les établissements les plus concernés par les difficultés de recrutement, comme l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), considèrent donc indispensable d'inciter les infirmières à prolonger leur carrière à l'hôpital.

Mais une infirmière de 50 ans n'exerce pas son métier de la même façon que celle de 25. Elle n'est pas forcément plus « fatiguée », notent les observateurs, en écho aux conclusions de l'enquête européenne Presst-Next (2002). Physiquement, elles sont même mieux loties que les aides-soignantes, premières victimes des dorso-lombalgies et troubles musculo-squelettiques. Les statistiques montrent aussi que les accidents du travail touchent plus les infirmières jeunes que leurs collègues confirmées...

« Soif d'aller plus loin »

« Les infirmières posent peu de problèmes d'employabilité physique », confirme Yves Marlier. Marie-Clothilde, 55 ans dont trente-trois passés à l'hôpital de Roubaix, reconnaît qu'on récupère moins vite à son âge qu'à 20 ans. Plus question d'enchaîner une nuit de fête sur un poste de dix heures ! Dotée d'une « excellente santé », elle entretient soigneusement sa forme par une pratique régulière de plusieurs sports, et son enthousiasme lui fait envisager de continuer de travailler jusqu'au moment où elle aura droit à une retraite complète (61 ans), voire de « rempiler » en intérim après que l'heure de la retraite aura finalement sonné ! Pourtant, elle travaille de nuit et à plein temps depuis vingt-huit ans. Mais la charge de travail a profondément évolué depuis ses débuts comme seule infirmière nocturne pour 56 lits répartis sur deux étages... « Aujourd'hui, nous sommes deux infirmières et une aide-soignante pour huit lits de réanimation chirurgicale », compare-t-elle... Pourtant, assure l'infirmière, elle ne jouera pas les prolongations si sa santé s'en ressent ou si le plaisir qu'elle éprouve toujours à travailler s'émousse.

Théo, 56 ans dont 17 à l'hôpital, se considère jeune dans le métier... puisqu'il a d'abord été instituteur dans l'ex-Congo belge. Dans le service de cure médicale où il exerce, il a « encore soif d'aller plus loin » et apprécie toujours autant son travail auprès, généralement, de personnes âgées. « Je suis toujours curieux de venir travailler. Tous les jours, il se passe quelque chose de nouveau », apprécie l'infirmier. Ravi de cette activité toujours nouvelle et de tout ce qu'elle lui apporte sur le plan relationnel, il préfère ne pas se fixer de limite d'âge pour partir à la retraite : « Cela dépendra de ma santé », déclare-t-il.

Lorsque des difficultés physiques imposent un changement ou un aménagement de poste, elles résultent davantage, selon Yves Marlier, d'accidents survenus à l'extérieur de l'hôpital. Dans ce cas, pas question de constituer des « ghettos » d'infirmières « usées » . « On essaie au maximum d'adapter le poste dans le service de l'infirmière », précise Alain Messien, coordinateur des soins de l'établissement. Les lits à hauteur variable comme les lève-malades apportent une aide appréciable, mais la France en est moins bien dotée que d'autres pays comparables. « Cela coûte cher et n'est pas toujours compatible avec les contraintes architecturales des bâtiments », souligne Jérôme Lartigau, directeur d'hôpital et doctorant en sciences de gestion.

Il peut donc arriver que le DRH, le coordinateur des soins et le médecin du travail orientent les infirmières dont l'état de santé l'impose vers des postes de régulation de l'hôpital de jour ou de semaine, de coordination des blocs ou de gestion de l'hygiène. Le travail en traumatologie, par exemple, qui suppose le port de charges lourdes, peut devenir impossible pour celles qui souffrent du dos.

Sans que l'usure physique domine, les conditions de travail des « anciennes » diffèrent souvent de celles qui débutent. Si Marie-Clothilde affectionne son poste de nuit, beaucoup d'infirmières âgées préfèrent les horaires de journée, délaissés volontiers par les plus jeunes, observe Alain Messien. Une situation très bénéfique selon lui, car la présence de ces infirmières « à cheval » sur les postes du matin et de l'après-midi « séniorise » ces deux équipes.

Selon le DRH de l'hôpital de Roubaix, les infirmières plus âgées ne sont pas moins compétentes que les autres. Mais beaucoup se sentent plus à l'aise dans un service spécialisé qu'en hôpital de jour ou de semaine, par exemple. Les multiples spécialités qui y sont exercées exigent une polyvalence qu'elles n'ont pas toutes développée durant leur carrière alors que c'est une qualité qu'on exige des plus jeunes aujourd'hui. D'autant que ce n'est pas là, naturellement, la seule évolution du métier et de l'environnement de travail à laquelle elles ont dû s'adapter durant leur carrière.

Paysage en évolution

« La charge de travail a beaucoup augmenté, constate Myriam, 56 ans dont trente-six de carrière. Les patients sont de plus en plus âgés et atteints de polypathologies. Lorsqu'ils se cassent le col du fémur, on se rend compte qu'ils ont de nombreux autres problèmes médicaux et chirurgicaux à régler. Et ils sont de plus en plus dépendants. Les familles, aussi, sont plus exigeantes qu'avant, elles nous sollicitent plus. » La durée d'hospitalisation, en revanche, a diminué considérablement depuis ses débuts dans le métier mais un séjour s'accompagne de bien plus d'à-côtés administratifs et de « choses à prévoir », souligne l'infirmière, comme les aides au retour à domicile, les rendez-vous suivants, etc. Moins nombreuses qu'autrefois, les infirmières ont aussi moins de temps pour parler avec les patients, remarque-t-elle aussi. Marie-Clothilde confirme, même si, en tant qu'infirmière de nuit, elle prend plus facilement le temps de parler aux patients ou aux familles. Un des grands changements vécus durant sa carrière a été l'apparition de l'usage unique, qui a relégué la corvée du Poupinel (1) aux oubliettes et révolutionné les soins. De ce côté, « on est obligées de se remettre tout le temps en question si on veut rester performante, de se former aux nouvelles techniques, surtout dans un service où de nouvelles thérapeutiques apparaissent, poursuit-elle. J'ai passé un DU d'hémodialyse et je continue tout le temps à apprendre ! » L'arrivée de nouvelles techniques comme les pompes à morphine, la multiplication des scopes, aussi, ont profondément modifié les pratiques infirmières.

L'apparition de l'informatique en a dérouté plus d'une, en revanche, de même que le développement des impératifs de qualité, de traçabilité, etc. « D'ici deux ans, nous allons passer au dossier de soin zéro papier », indique d'ailleurs Alain Messien. Une perspective à laquelle Myriam, partie en retraite cet été, n'est pas mécontente d'échapper, même si chaque changement technique est accompagné d'une formation. « Les changements font peut-être plus peur quand on vieillit », s'interroge-t-elle.

Différence de valeurs

Les « anciennes » disent donc s'adapter, bon gré mal gré. Mais certaines évolutions passent moins bien, comme le fait de ne plus partager les mêmes valeurs avec les nouvelles recrues. Un naturel fossé générationnel, en quelque sorte. Myriam constate que certaines des plus jeunes s'en tiennent plus facilement à leurs horaires tandis que les anciennes ont pris l'habitude de ne pas regarder leur montre tant que le travail n'est pas fini. Elles ne considèrent pas le travail de la même façon... Ni le patient, ajoute Marie-Clothilde, parfois choquée. La prédilection pour la technique aurait pris le pas, chez certaines, sur la relation au patient, résultat, selon elle, de l'orientation moins pratique de la formation initiale.

Plus elles ont passé de temps à l'hôpital, plus elles ont également traversé de réformes qui ont modifié leur cadre de travail. Pour Marie-Clothilde, qui a pratiquement toujours travaillé de nuit, elles semblent avoir eu moins d'impact (« Je suis un peu dans un cocon ») que pour d'autres. Les restructurations de l'hôpital lui ont permis par ailleurs de passer de la « simple » urologie, transformée en service de chirurgie vasculaire, thoracique et urologique, puis en service de réanimation chirurgicale. Elle espère bien accompagner le passage du service en réanimation polyvalente à l'horizon 2012. Mais il lui arrive de craindre l'apparition d'une médecine à deux vitesses, par exemple quand une enveloppe de matériel est épuisée et que le changement du mode de financement des hôpitaux se fait ainsi douloureusement sentir. Elle regrette aussi le nouveau découpage des activités hospitalières en pôles. « J'ai tellement connu l'hôpital avec les services, se souvient-elle. C'était familial, on se remplaçait facilement car tout le monde se connaissait ! Et puis une carrière comme la mienne, on ne peut plus l'avoir aujourd'hui », estime-t-elle. Myriam, de son côté, regrette que la mise ne place des 35 heures ait réduit le temps de transmission à la portion congrue : « C'est impossible de le faire en dix minutes ! déplore-t-elle. On dépasse toujours nos horaires. »

Avalanche de réformes

Pour Alain Messien, coordinateur des soins, une des difficultés actuelles, pour les infirmières plus anciennes, réside dans la nécessité d'intégrer plusieurs évolutions et réformes simultanées ou enchaînées très rapidement. « Humainement, on peut s'adapter aux changements s'ils sont espacés, s'il y a des pauses entre deux, estime-t-il, alors qu'à l'hôpital, aujourd'hui, il faut faire face aux progrès de la médecine, à l'évolution du matériel, au déploiement de l'informatique... c'est une véritable avalanche de réformes ! »

Yves Marlier reconnaît que certaines des infirmières les plus âgées - pas toutes - souffrent parfois d'une sorte d'usure en ne se retrouvant pas dans la manière dont l'hôpital fonctionne aujourd'hui. « La recherche de la performance a évolué, les pôles exigent une mobilité plus large », précise-t-il. Le burn-out et la souffrance au travail ne sont pas l'apanage des infirmières les plus âgées, a souligné l'étude Presst-Next, pour peu que la communication dans leur équipe soit satisfaisante. Il semble même plutôt que les infirmières jeunes y soient davantage sujettes, faute peut-être de voir leurs aspirations professionnelles comblées comme elles l'espéraient.

Décrocher ou pas

« Depuis un an, je sens que je dois m'arrêter, déclare Myriam, qui aspire à ne plus travailler le week-end et durant les fêtes, et est déjà passée à 80 %... J'ai besoin de vivre autre chose. De passer du temps avec mon petit-fils, et surtout, de bien dormir ! » D'un naturel anxieux, elle passe toujours en revue, une fois couchée, les patients qu'elle a vus dans la journée, les soins qu'elle a effectués, les annotations qu'elle a portées dans les différents dossiers...

Marie-Clothilde, à l'inverse, se sent bien moins anxieuse qu'à ses débuts et se fait davantage confiance. Quelques-uns des grands avantages de l'expérience dont peuvent se targuer les « anciennes »... et qui profite aux autres et au fonctionnement des services. La présence d'une infirmière confirmée apporte aussi beaucoup à l'ensemble d'une équipe. Les cadres, coordinateurs de soins et DRH le savent bien, même si encore peu d'établissements mettent en place une vraie politique de gestion des âges susceptibles de mieux faire cohabiter les générations en poste.

De manière souvent informelle, ce sont les infirmières expérimentées qui accueillent généralement les nouvelles et les « mettent dans le bain », leur transmettant les spécificités de la discipline, les habitudes et protocoles du service, leur connaissance du profil des patients, leur compétence et leur savoir-faire... Une forme de tutorat tacite que les auteurs de l'étude Presst-Next aimeraient voir formalisée au bénéfice de toutes les générations de soignantes (lire l'encadré p. 25). Myriam n'hésite pas à dire aux plus jeunes que ce sont elles qui les soigneront lorsqu'elles en auront besoin, et les conseille volontiers ! « J'essaie de transmettre aux jeunes collègues ce que j'ai appris, note Marie-Clothilde. Et j'en vois le résultat. J'ai encore un rôle à jouer à ce niveau. » Comme c'est un homme et qu'il est plus âgé que ses collègues, Théo est souvent pris pour « le chef », s'amuse-t-il. Plus sérieusement, il répond volontiers aux demandes de conseils des infirmières plus jeunes, qui sont d'ailleurs nombreuses, dans l'équipe, à l'appeler « papa » ! « Cette marque de respect ne me dérange pas, c'est une forme de reconnaissance », souligne l'infirmier, qui se sent à l'aise dans son âge. « Avancer en âge signifie aussi que bien des obstacles ont été franchis et permet de prendre plus de recul », note Alain Messien.

Avec le temps, les infirmières expérimentées peuvent aussi tisser avec les médecins une relation de confiance. « Ils comptent sur nous, souligne Myriam. Ils savent qu'on peut leur indiquer certains signes. Face à eux, on a plus de poids que les jeunes, qui n'osent parfois pas les appeler en cas de doute. Pour nous, c'est le patient d'abord. Ils savent que si on les appelle, c'est qu'il y a une bonne raison. On se sent utiles. »

Reconnues souvent par leurs pairs plus jeunes, par les médecins, les infirmières anciennes n'en sont pas moins réduites à regarder avancer leur carrière sur une grille totalement rigide qui ne prend aucunement en compte l'expertise qu'elles ont souvent accumulée, signale Dominique Le Boeuf, présidente de l'ordre des infirmiers : « On n'en fait rien et on n'en parle pas ! » Selon elle, c'est la principale difficulté que rencontrent les infirmières les plus âgées. Et c'est le niveau de compétence général disponible pour prendre en charge les patients - et donc la qualité des soins - qui en pâtit.

Les seules perspectives d'évolution résident dans la spécialisation ou dans l'accès au grade de cadre, qui ne correspondent pas forcément à leurs aspirations. Marie-Clothilde a ainsi refusé de s'engager dans la voie de l'encadrement, jugée trop administrative et « éloignée du soin ».

Prévenir à tout âge

Alors quoi ? Les établissements les plus concernés par la pénurie d'infirmières se sont plus penchés sur la question, mais aucune politique globale ne se dessine malgré la thèse, défendue par de plus en plus de responsables hospitaliers, en faveur d'un management intergénérationnel ou d'une gestion des âges. Au CH de Roubaix, qui a peu de mal à recruter grâce à son Ifsi « maison », commence la mise en place d'une démarche, avec le coordinateur des soins et la médecine du travail, de repérage des difficultés liées à l'âge lors de l'entretien annuel d'évaluation et, avec le CHSCT (2), de prévention des risques psycho-sociaux.

Au CHU de Montpellier, la gestion des âges est inscrite dans le projet social de l'établissement. L'AP-HP, dont la moyenne d'âge des infirmières est inférieure à la moyenne nationale du fait des nombreux départs vers la province en cours de carrière, s'est aussi penchée sur le problème (lire l'encadré p. 24). Pour Madeleine Estryn-Béhar, médecin du travail à l'AP-HP et pilote de l'étude Presst-Next, la reconnaissance de l'expertise acquise par les infirmières au cours des années peut être valorisée par la mise en place d'un tutorat formalisé, toujours couplé à une activité soignante mais réduite. Selon elle, le tutorat améliore l'appropriation par les plus jeunes de leur poste et valorise les infirmières expérimentées qui se perçoivent alors comme encadrantes...

L'aménagement des postes de travail constitue, certes, une autre piste. Mais plus que d'ajustements marginaux et ponctuels décidés pour faire face à une situation irréversible, de nombreuses voix se font entendre en faveur de la prévention de la survenue des troubles physiques par une adaptation de tous les postes. Histoire de réduire le port de charges lourdes, notamment, préjudiciable à la santé des infirmières à long terme ou encore pendant leur grossesse. Réduire la pénibilité pour tous les soignants, c'est autant de maladies professionnelles, d'arrêts maladie et de ruptures de carrière évités. Et autant d'infirmières jeunes qui verront d'un meilleur oeil la façon dont elles travailleront lorsqu'elles-mêmes auront vieilli.

1- Poupinel : petit stérilisateur à chaleur sèche.

2- CHSCT : comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

À retenir

> De plus en plus, les soignantes travaillent au-delà du seuil de 55 ans. Cette carrière longue leur permet d'acquérir des compétences qui constituent une forme de richesse collective. > Moins touchées que les aides-soignantes par l'usure physique, elles souffrent surtout d'un manque de reconnaissance de leur expertise.

> Des mesures peuvent être prises pour favoriser la cohabitation des générations à l'hôpital et prévenir l'épuisement pour toutes les infirmières.

Initiative

En proie aux difficultés de recrutement et à la forte mobilité de ses infirmières, l'AP-HP tente de conserver ses soignantes seniors. Des établissements comme Lariboisière-Fernand-Widal ont testé une organisation attractive pour les jeunes infirmières comme pour les plus âgées. La répartition des horaires de travail, le tutorat des nouvelles par les anciennes ou encore la formation des unes par les autres à la prévention des troubles musculo-squelettiques ont eu des effets très positifs pour les équipes.

point de vue

« UN TUTORAT POUR TRANSMETTRE LE SAVOIR-FAIRE »

« On peut répondre à la question de l'âge des infirmières en créant pour les plus âgées des postes aménagés pour réduire la pénibilité du travail, observe Madeleine Estryn-Béhar (médecin du travail à l'AP-HP, pilote de l'étude européenne Presst-Next). On peut plutôt améliorer la reconnaissance des compétences des infirmières confirmées et leur développement, ce qui est utile pour elles comme pour les autres, plus jeunes. Cela peut passer par le tutorat, qui leur permet de transmettre leur connaissances. Il y a plusieurs façons de faire du tutorat. La formule qui est défendue, au niveau international, notamment par l'équipe qui a travaillé sur l'étude Presst-Next, consiste à ce que l'infirmière reste soignante mais qu'avec un tiers de patients en moins, elle puisse mieux accueillir les nouveaux soignants et les encadrer. Quand arrive une jeune infirmière ou une nouvelle qui ne connaît pas la discipline, elle a besoin d'être accompagnée pendant quelques semaines, qu'on lui montre les spécificités de la discipline, un savoir-faire, qu'on lui explique les difficultés techniques, la psychologie des patients... C'est valorisant pour l'ancienne et utile pour la nouvelle, qui craint ainsi moins les erreurs, évite les réactions inadaptées, etc. Et les étudiantes interrompraient probablement moins souvent leurs études du fait du manque d'encadrement durant les stages... ce serait bénéfique pour tout le monde. Nous souhaiterions en outre qu'une formation au tutorat soit proposée, comme cela se fait dans les pays où la formule est développée.

Par ailleurs, on n'est pas jeune jusqu'à 50 ans et brusquement vieille en atteignant cet âge. C'est avant qu'il faut prévenir les problèmes et offrir des conditions de travail compatibles avec tous les âges. »

fonction publique

C'EST QUAND LA RETRAITE ?

Le régime de retraite des infirmières de la fonction publique hospitalière est géré par la Caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL). Elles figurent parmi les catégories dites « actives », ce qui leur permet de prendre leur retraite dès 55 ans si elles ont exercé pendant au moins quinze ans dans cette catégorie. Elles n'obtiennent cependant le versement de leur pension de retraite à taux plein que lorsqu'elles comptabilisent 161 trimestres de cotisation (en 2009). Son montant représentera en gros 75 % du traitement correspondant à l'indice occupé par les infirmières depuis au moins six mois avant leur demande de liquidation des droits. Elles ne peuvent prolonger leur carrière au-delà de ces trimestres qu'après avoir reçu l'avis favorable du médecin du travail. Depuis 2003, un régime additionnel de retraite prend en compte dans son calcul les primes et heures supplémentaires perçus depuis le 1er janvier 2005.

En savoir plus

- Santé et satisfaction des soignants au travail en France, Madeleine Estryn-Béhar, Éditions de l'ENSP, 2008.

- Gestion des âges dans le secteur sanitaire et social : l'exemple de la filière soignante et des métiers de l'aide à la personne, rapport de l'Igas, La Documentation française, mai 2004.

- Le site de l'étude européenne Presst-Next : http://www.presst-next.fr.

- Le site de l'Association de médecine du travail et d'ergonomie du personnel des hôpitaux : http://www.anmtph.fr.

Articles de la même rubrique d'un même numéro