Domiciles hospitaliers - L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009

 

HAD en pédiatrie

Dossier

Alternative à l'hospitalisation traditionnelle, l'HAD permet de soigner l'enfant dans son cadre familial. Liberté, responsabilités, éducation à la santé : les puéricultrices sont au coeur du système.

L'hospitalisation à domicile s'adresse à tout enfant qui, sans ce service, serait contraint de rester à l'hôpital, dans le cadre d'une pathologie pour laquelle les dispositifs ordinaires de prise en charge en ville sont insuffisants. L'objectif est d'éviter des hospitalisations trop longues, coûteuses humainement et économiquement. L'hôpital à domicile concerne des enfants et adolescents nécessitant soit des soins ponctuels techniques et/ou complexes (antibiothérapie, chimiothérapie, antalgiques...), soit des soins continus associant des soins techniques, de nursing, de maintien et d'entretien de la vie. Ces soins sont effectués dans la majorité des cas par des puéricultrices expérimentées. Peu d'infirmières sans formation spécifique interviennent en HAD. Ou si c'est le cas, elles ont pour projet de se spécialiser.

Pas de débutantes !

« On envoie en HAD des professionnels extrêmement bien formés, des puéricultrices chevronnées qui maîtrisent les soins techniques, confirme Laurence Com-Ruelle, médecin de santé publique et directeur de recherche à l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Ceci aussi parce que les soignants se retrouvent seuls avec la famille et doivent de plus apporter des soins relationnels : former, éduquer, rassurer, faire adhérer les parents et l'enfant à son traitement... Les compétences requises sont exigeantes et il ne s'agit pas de soins que pourrait effectuer une infirmière sans expérience. » La nuit et en fonction des HAD, les soins sont effectués soit par les puéricultrices d'astreinte, soit basculés vers les services d'urgence, des services d'HAD privés ou vers l'HAD générale comme à Paris. L'hospitalisation à domicile, quand elle est possible, permet de belles prises en charge. Notons que tous les patients ne peuvent pas en bénéficier car il faut que le domicile soit situé sur le secteur hospitalier et que les visites en agglomération des puéricultrices n'excèdent pas 30 kilomètres en moyenne...

Diversité des situations

Afin d'enquêter sur les pratiques des équipes et leur organisation du travail, trois services d'HAD pédiatrique (Paris, Nantes et Grenoble) ont été pris en compte dans le présent article. Si les effectifs varient d'un lieu à l'autre et que de légères différences apparaissent dans les organisations, partout la philosophie est la même, et jamais les propos des soignantes ne se contredisent. Première similitude, la répartition des pathologies des enfants : 35 % sont des cas de néonatologie, 35 % d'hémato-oncologie et 25 % souffrent de pathologies diverses. L'HAD pédiatrique s'adresse à l'enfant de 0 à 15 ans. Plus de garçons que de filles sont pris en charge dans ce contexte. Dans la tranche 0 à 1 an, on compte surtout des nouveau-nés, dont beaucoup de prématurés.

Les prises en charge en HAD sont diversifiées, tout comme les pathologies rencontrées : un prématuré né à trente semaines et de retour au domicile à trente-huit semaines, un nourrisson né d'une mère séropositive au VIH qui bénéficiera pendant des mois d'une trithérapie, une rechute d'un syndrome néphrétique à cause d'une mauvaise compliance au traitement chez un enfant de trois ans, une leucémie aiguë lymphoblastique chez un petit, une prise en charge palliative... L'hospitalisation à domicile peut également être organisée dans le cadre obstétrique, pour des patientes en ante- partum lors de grossesses à haut risque qui nécessiteraient une hospitalisation. Les sages-femmes installent alors un système de télésurveillance à domicile, et expliquent à la femme où poser les électrodes. Un geste simple que la future maman effectue quotidiennement pour voir si l'enfant bouge bien et ainsi parer aux menaces d'accouchement prématuré. L'HAD en obstétrique s'adresse également à des mamans césarisées qui sortent précocement de la maternité. Une solution qui permet de désengorger les maternités accueillant de plus en plus fréquemment des grossesses à risques.

« On touche à tout »

C'est cette diversité dans la prise en charge qu'apprécient les soignantes en HAD : « On touche à tout, c'est comme si on était dans des services différents, confirme Pascale Zoch, puéricultrice dans l'une des deux unités de soins HAD de l'AP-HP, au Kremlin-Bicêtre (94). On fait aussi bien des visites auprès de patients dont le pronostic vital n'est pas engagé, comme le petit néonat' au faible poids de naissance, que des soins lourds. On ferme une porte et on va voir un enfant en soins palliatifs souffrant d'une maladie dégénérative... On a ce temps en voiture pour passer à autre chose, ce n'est pas du tout comme passer d'une chambre à l'autre. » Nutrition entérale, pose de cathéters centraux, soins stériles, chimiothérapie, soins alimentaires (sondes gastriques, pansements gastrectomie), rééducation, handicap, Méopa, prise en charge de la douleur avec, par exemple, de la crème Emla ®... l'éventail des soins techniques est large.

« Je me sens proche des soins, j'essaie d'accompagner mes puéricultrices régulièrement en visite, note Béatrice Jaud, cadre de santé de l'HAD pédiatrique de Nantes, également cadre de l'équipe mobile « douleur et soins de support pédiatriques » et de l'hôpital de jour d'oncologie pédiatrique. La coordination, c'est notre rôle, et dans mon métier j'ai affaire à toutes les disciplines de la pédiatrie. On découvre toujours de nouvelles pathologies, parce que l'on prend en charge des enfants de tous les âges. De même que l'on rencontre toutes les spécialités de la médecine dans nos rapports avec les professionnels, tant à l'hôpital qu'en ville, avec la PMI. »

Critères d'inclusion

Pour qu'un enfant hospitalisé puisse revenir à la maison, il faut d'abord qu'une demande d'admission soit adressée au cadre de santé de l'HAD pédiatrique (ou, lorsqu'elle existe, à l'infirmière coordinatrice) par le médecin hospitalier référent de l'enfant. La puéricultrice ou la cadre rencontre alors le médecin qui veut lui confier l'enfant, voit si les critères d'inclusion conviennent (soins suffisamment complexes, secteur géographique) et ensuite monte un projet. Si une place en hospitalisation à domicile est disponible, le référent établit ensuite le projet thérapeutique, en lien avec la coordinatrice ou le cadre, le médecin coordinateur de l'HAD et le médecin traitant de ville. Il s'agit donc d'une sorte de contrat, limité dans le temps, qui peut être renouvelé selon les besoins (quinze jours à trois semaines en moyenne, mais parfois des mois).

Les objectifs de prise en charge peuvent varier : soins techniques complexes, autonomie dans la réalisation des soins, amélioration de l'état nutritionnel, évaluation et prise en charge de la douleur, chimiothérapie... Le cadre de santé ou une infirmière puéricultrice rend visite à l'enfant et sa famille avant sa sortie de l'hôpital, et leur explique ce qu'est l'HAD. Les parents signent alors un document engageant leur accord pour des soins à domicile. La coordinatrice ou le cadre sont le relais entre la maison et l'hôpital : « Elles ne vont pas ou peu à domicile, mais ce travail est essentiel parce que si l'on ne prépare pas les parents à l'implication nécessaire, cela ne peut pas bien se passer, explique Élisabeth Gasq, cadre supérieur de santé chargé de l'HAD pédiatrique à l'AP-HP (1), assurant également l'encadrement du secteur obstétrique. Cela permet de voir quels autres professionnels doivent se déplacer. L'assistante sociale peut déclencher toutes les aides auxquelles les parents peuvent prétendre, comme l'obtention d'une TISF (travailleuse de l'intervention sociale et familiale), une psychologue spécialisée en pédiatrie, un service diététique car ces enfants ont besoin de compléments alimentaires... Ainsi, les parents n'ont pas à s'occuper de toute la logistique : les médicaments, les pansements très coûteux sont délivrés au domicile. L'HAD est un vrai service d'hospitalisation, mais son coût est moindre. »

Prendre le temps, s'adapter

Chaque matin, les puéricultrices partent en tournée, soit de chez elles, soit de leur bureau. Elles disposent d'un véhicule de service et font en moyenne quatre à six visites par jour. Ces visites peuvent durer d'une demi-heure à deux heures selon le type de soins : « Nous commençons vers 7 heures du matin, détaille Stéphanie Peuvrier, puéricultrice en HAD à l'AP-HP. Nous faisons la permanence téléphonique et pouvons avoir une première visite tôt chez l'enfant s'il est scolarisé. Sur place, prendre du temps est obligatoire. Bien entendu, une injection d'anticoagulants va durer moins longtemps qu'un accompagnement de fin de vie ou qu'une visite où nous allons faire de l'éducation thérapeutique auprès d'enfants ou de parents, une part importante de notre travail. Nous avons besoin de prendre en compte les connaissances de la personne et, à partir de là, prendre du temps pour s'assurer qu'ils assimilent le geste ou le soin, ou comprennent pourquoi on fait les choses de telle façon. L'HAD a pour objectif de rendre les parents et les jeunes patients plus autonomes. » Ce temps, précieux, est apprécié par les équipes : « Dans les services, remarque Pascale Zoch, on est toujours parasité par un coup de fil, un soin, une alarme, une collègue qui a besoin d'aide, la pharmacie, le labo... Au domicile des gens, rien de tout cela ne peut venir nous déranger. »

S'adapter à chaque famille et à chaque domicile constitue une autre partie importante du métier : « On doit travailler sur son positionnement personnel et professionnel par rapport aux familles, analyse Aurélie Lanusse, puéricultrice en poste à l'AP-HP. S'adapter sans juger est essentiel, pour que tous nos messages leur soient profitables, et pour le bien-être de l'enfant. » Lorsque l'accompagnement se passe bien et que les parents adhèrent au système, les soins au domicile sont différents : « Faire les soins alors que l'enfant est dans les bras de sa mère est une pratique courante en HAD, mais très rare à l'hôpital, remarque Anne-Laure Screpel, puéricultrice en HAD au Kremlin-Bicêtre. À la maison, on entre dans son univers, son territoire. Il est tranquille, il connaît nos heures de passage et sait que le reste du temps, il ne sera pas dérangé. » Dominique Basset, puéricultrice de l'HAD pédiatrique de Grenoble, ajoute que le jeu fait partie du soin. Pascale Zoch évoque la solution du « doudou gentil, avec l'oreiller qui va bien, et le DVD qui fait pas mal... » Elle poursuit : « Je chante parfois pendant les soins alors qu'à l'hôpital, j'oserais moins ! Je joue aussi le jeu avec certains enfants : un petit garçon passionné de Stars Wars tenait à se déguiser et me demandait de lui injecter de la force... Cela prend un peu plus de temps. À l'hôpital, je n'aurais pas pu le faire. »

Toutes racontent leur plaisir à travailler au domicile. « Contrairement à ce qui se passe à l'hôpital, où les rencontres sont souvent furtives, on est vraiment accueillies dans ces familles que l'on va accompagner plusieurs mois », souligne Stéphanie Peuvrier. C'est toujours l'hôpital qui fait la proposition d'hospitalisation à domicile aux familles, et celles-ci adhèrent au projet presque à chaque fois : « On doit aussi leur expliquer que ce ne sera pas forcément simple, modère Élisabeth Gasq. Ils seraient prêts à accepter n'importe quoi : la présence continuelle, poser une sonde gastrique... Cela reste fabuleux de permettre à des malades de rentrer chez eux pour guérir, ou même pour mourir. C'est une manière de laisser le choix à la personne et aux parents qui, parfois, ne s'en sentent pas capables et peuvent ensuite faire réhospitaliser leur enfant si c'est trop dur. On travaille sur la déculpabilisation. Ainsi, l'enfant en fin de vie va pouvoir faire son dernier projet, mourir entouré de ses frères, ses soeurs et ses parents. »

Garder la juste distance

La proximité et l'intimité que confère le domicile demandent de maintenir une juste distance, et de ne pas se faire « happer » par la famille : « On vient juste de partir, et ils ont une nouvelle question. On ne peut pas forcément différer la réponse. Reformuler, dire qu'on va y revenir sont des outils possibles », suggère Anne-Laure Scrépel, puéricultrice. Être seule au domicile avec les familles implique aussi de gérer des situations complexes, car la soignante est parfois l'un des rares contacts d'une mère isolée : « La mère peut aussi se positionner comme une copine, se souvient Pascale Zoch. Il faut être suffisamment empathique, mais aussi mettre une barrière pour ne pas se laisser envahir par des confidences sur le couple, l'intimité, surtout lorsqu'il s'agit de prises en charge au long cours... » Parfois, les soignants sont témoins de situations délicates, et pas forcément bien accueillis : « Nous avons tous en tête le même exemple d'une jeune maman vivant avec sa propre mère, raconte Anne-Laure Scrépel, puéricultrice. Elle venait d'accoucher d'un bébé prématuré. Il régnait un climat de violence, de maltraitance dans cette famille, et l'HAD a été perçue comme une surveillance, plus que comme une aide... Nous avons été mises dehors, et contraintes de faire un signalement aux services sociaux. »

Responsabilités accrues

Seules à domicile, toutes ces soignantes témoignent de la responsabilité qui repose sur elles. Comme le souligne Aurélie Lanusse : « Lorsqu'on constate une dégradation de l'état d'un patient, on se dit qu'il n'y a que nos visites au domicile pour évaluer la situation... On se dit qu'à deux, ce serait plus simple. » Un poids que soupèse également Catherine Beilleau, puéricultrice de l'HAD de Nantes : « Être isolée est lourd en termes de responsabilités. Lorsque l'on accompagne des enfants en fin de vie, ou que leur état se dégrade, on s'interroge sans cesse : doit-on se décider à les retransférer à l'hôpital ou pas ? Dans une petite équipe comme la nôtre, on est toutes amenées à rendre visite à chaque enfant. C'est précieux car nous échangeons beaucoup entre nous, et lors des staffs, le médecin nous aide à faire le point. » Chaque jour, les équipes de soignantes se voient pour préparer leurs visites et discuter de chaque patient. Des rencontres passionnées pour des professionnelles engagées et autonomes.

Précarité très présente

Les puéricultrices observent à domicile un phénomène croissant et inquiétant : l'évolution de la précarité des familles. « Il m'arrive de plus en plus souvent de rencontrer la misère sociale dans certaines familles, remarque Catherine Beilleau. Je vais régulièrement dans des hôtels sociaux, dans des combles, dans des squats... Dans ces conditions, l'intervention de l'assistante sociale prime ! » Des situations que l'on perçoit bien moins à l'hôpital et qui modifient la prise en charge : « La précarité a des conséquences plus graves sur certaines pathologies, fait observer Dominique Basset. Si le diabète peut toucher n'importe quel enfant, on n'interviendra pas de la même façon dans une famille défavorisée où les personnes se nourrissent mal, ne savent pas lire ou ne comprennent pas la corrélation entre une insuline et un dextro (test pour vérifier le taux de sucre). De même, on voit de plus en plus de prématurés de petit poids dans les familles pauvres, ou d'enfants dont les mères sont séropositives, ou toxicomanes. »

Dans ces conditions extrêmes, la puéricultrice se débrouille avec les moyens du bord : « On se surprend nous-mêmes à parvenir à faire plein de choses, qui ne seraient pas possibles à l'hôpital où, d'ailleurs, certaines équipes sont parfois pessimistes sur le retour à la maison d'un enfant. On aide les parents à révéler des capacités formidables, par exemple en apprenant à une mère qui ne parle pas français à faire des injections tous les jours à son bébé », souligne Catherine Beillau. « Moi, je pense aux parents roms que l'on visite dans leur caravane, poursuit Dominique Basset. Ils ont l'eau sur le terrain. Il y a la barrière de la langue mais on parvient toujours à communiquer : on leur fait des tableaux, on dessine les médicaments, les aliments, des cuillères pour les doses... »

ça ne s'improvise pas !

Parmi les faiblesses soulignées par les cadres et les coordinatrices revient toujours en premier la difficulté de travailler en concertation avec les services hospitaliers : « On nous reproche de ne pas être assez réactifs à la demande, regrettent Elisabeth Gasq et Françoise Aussant, puéricultrice de coordination au Kremlin-Bicêtre. Certains enfants sont hospitalisés depuis plusieurs semaines pour des pathologies lourdes, et on nous appelle en pensant que l'hospitalisation à domicile va se mettre en place du jour au lendemain... Les services n'ont pas assez souvent le réflexe de nous contacter en amont. Or, une prise en charge ne s'improvise pas. On doit rencontrer les familles, visiter le domicile, l'aspect psychologique est important. En HAD, il n'y a pas d'urgence en soi : plus c'est préparé, plus ça marche, et c'est notre objectif. Un fonctionnement bien différent de l'hôpital où tout va toujours vite. »

Même écho à Grenoble, où la cadre Évelyne Sengel estime que la complémentarité reste à construire : « Nous gagnerions à mieux nous connaître tant au niveau des équipes paramédicales qu'à celui des équipes médicales. Il faudrait travailler sur des thèmes précis et communs, avec les représentants des équipes. Ainsi, on pratique très peu de chimiothérapies à la maison. Or, en menant un travail approfondi de collaboration, nous pourrions parfaitement en faire et proposer des possibilités de sortie pour ces enfants. » Enfin, autre point faible qui tient également aux difficultés de communication : « Il faut parfois aller à la pêche aux informations avec le service hospitalier, convient Françoise Aussant. Parfois on sent lors de l'entretien qu'on ne nous a pas tout dit, qu'on nous cache certaines choses, comme une situation sociale précaire, de peur qu'on ne prenne pas les enfants. On nous considère trop souvent comme un prestataire de service en continuité avec l'hôpital, en nous demandant de garder l'enfant des mois, par exemple, alors que nous sommes un service hospitalier à part entière. »

coordination

UNE CULTURE DIFFÉRENTE

Chaque semaine, l'unité d'HAD du Kremlin-Bicêtre (94) se réunit en staff pour aborder les suivis, réexaminer des projets thérapeutiques personnalisés si besoin. Sont présents les puéricultrices, les puéricultrices coordinatrices, le ou les cadres, le médecin coordinateur et parfois d'autres intervenants : travailleurs sociaux, kinés, infirmières libérales... Des réunions riches et complètes, où les soignantes défendent leur position : « Ces échanges sont comme des garde-fous qui permettent de se dégager un peu des situations, analyse Magalie Questroy, cadre de santé. À l'hôpital existe toujours une hiérarchie, des relations de pouvoir, une violence institutionnelle latente. À domicile, on doit prendre en compte l'environnement du patient dans les soins. Cela nous astreint à un questionnement éthique quotidien. L'unique médecin coordinateur n'est pas l'archétype du puissant mandarin, son rôle est de former, de redonner du sens, de se recentrer sur l'enfant. On ne retrouve pas chez nous les enjeux stratégiques qui peuvent transparaître dans une équipe hospitalière, où les infirmières sont parfois en retrait. L'autre rôle du médecin est celui de médiateur entre les médecins hospitaliers et nous, une place pas toujours aisée : il doit suggérer sans imposer, argumenter pour se faire expliquer telle ou telle prescription que nous ne comprendrions pas. »

témoignage

« DE BELLES RÉUSSITES »

« Nous avons toutes notre spécialité parce que nous avons travaillé avant dans des services différents : onco, hémato, réa, chirurgie... observe Magalie Questroy, cadre au Kremlin-Bicêtre. Mais ici nous prenons en charge des cas très différents et cela nous permet de progresser. On peut monter dans un service pour voir comment se pratique tel geste, je supervise mon équipe pour mettre en place les protocoles de soins. C'est une structure enrichissante et innovante. J'ai vu de belles réussites dans le cas d'enfants de familles étrangères qui avaient des syndromes néphrétiques et pour lesquels on était en échec en matière de compliance thérapeutique. L'hôpital nous passait le relais pour apprendre aux familles à devenir autonomes avec le traitement de l'enfant, afin d'éviter des complications médicales. En travaillant sur des bases visuelles, nous sommes parvenus à bien montrer quel comprimé prendre, et à ce qu'une maman parlant mal le français et comprenant mal la pathologie de son enfant puisse gérer correctement le traitement, afin d'éviter l'insuffisance rénale et la greffe. »

En chiffres

En 2008, on comptait en France...

- 161 établissements intervenant en HAD auprès de patients de moins de 18 ans (sur un total de 231 établissements d'HAD).

- 125 641 journées et 12 111 séjours (sur des totaux de 2 777 900 et 120 121).

- Une durée moyenne de séjour de 7,8 jours.

- L'âge moyen des jeunes patients pris en charge était de 4,8 ans.

- Cette activité a progressé au cours des cinq dernières années.

Source : Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih).

éducation

LES PARENTS FORMÉS

« On a beaucoup d'enfants qui ont besoin d'une nutrition entérale à domicile, observe Élisabeth Gasq, cadre supérieur de santé à l'AP-HP. Les enfants qui ont de grosses dyspasies bronchopulmonaires et ne mangent pas parce que ça les fatigue, des enfants d'hématologie qui ont des cancers, sont très fatigués et auxquels il faut donner un complément la nuit, des enfants ayant le syndrome de Pierre Robin qui font des fausses routes, qui ne grossissent pas et pour lesquels téter demande beaucoup d'énergie... Les parents sont généralement formés à l'hôpital pour les manipulations de la pompe, mais pas suffisamment pour être à l'aise au domicile. On établit des projets personnalisés sur un mois qui nous permettent d'éduquer les parents et d'adapter le domicile. À l'hôpital, tout est facile car on a tout sur place. Avoir une infirmière à proximité en permanence à l'hôpital est rassurant. De plus, même si nous sommes éducatrices de santé, les infirmières ont plus l'habitude de faire que de montrer comment faire. C'est un avantage de l'HAD, on ne "fait" pas, car nos visites sont obligatoirement espacées. Ce sont les parents qui font. On est leur seconde main. »

Zoom

- L'AP-HP possède le plus grand service d'HAD de France avec deux antennes de soins (Kremlin-Bicêtre et Robert-Debré, une troisième va ouvrir fin décembre à Boulogne) comprenant 20 puéricultrices, 2 cadres, 2 médecins coordonnateurs et 6 puéricultrices coordinatrices. Ils prennent en charge 70 enfants environ.

- À Nantes, l'HAD pédiatrique publique hospitalière est composée de 4 équivalents temps plein (5 puéricultrices), la cadre et le médecin coordonnateur. Ils prennent en charge 10 enfants par jour.

- À Grenoble, L'HAD pédiatrique compte une cadre pour toutes les HAD (adulte, pédiatrique, maternité), avec 4 puéricultrices dont deux à 80 %, pour 8 places d'HAD enfant.

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