L'assistance médicale à la procréation - L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009

 

obstétrique

Cours

En l'espace d'une trentaine d'années, la lutte contre l'infertilité a connu des avancées décisives grâce au développement des techniques biomédicales permettant la maturation des gamètes, la fécondation et le développement de l'embryon avant son implantation. Toutefois, des progrès restent à faire pour réduire encore les risques et les contraintes associés à ces techniques.

DÉFINITION

Définie par les lois de bioéthique de juillet 1994 (1), révisées en août 2004, l'assistance médicale à la procréation (AMP) recouvre « les pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle ainsi que toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ». Ces techniques sont aujourd'hui dominées par :

- l'insémination artificielle intra-utérine ;

- la fécondation in vitro (FIV) avec ou sans injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI, pour intracytoplasmic sperm injection) ;

- le transfert d'embryons congelés ;

- la congélation des gamètes dans la perspective de préserver à distance la fertilité chez des patients soumis à des traitements (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) risquant d'entraîner une stérilité par exemple.

INDICATIONS

Toutes ces techniques ont en commun de dissocier l'acte de procréation médicalisé de l'acte sexuel. « Leur mise en oeuvre, ainsi que le souligne le Dr Hélène Letur, du service d'AMP de l'Institut Montsouris (Paris), ne peut donc intervenir que dans le cadre d'une indication médicale avérée. En France, l'accès à l'AMP est réservé aux couples infertiles hétérosexuels, vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant justifier de deux années de vie commune. » L'AMP permet également de compenser une stérilité induite par un traitement, ou encore de réaliser un diagnostic pré-implantatoire afin d'écarter les embryons porteurs d'une maladie invalidante ou mortelle. Cela peut concerner aussi des couples dont un des partenaires est porteur du sida ou des couples ayant déjà eu naturellement un enfant atteint d'une mucoviscidose, par exemple.

Depuis la naissance de Louise Brown, premier succès humain de FIV en 1978, l'AMP a connu de nombreuses avancées (FIV avec don d'ovocyte, micro-injection de spermatozoïdes dans le cytoplasme ovocytaire, amélioration des conditions de cryoconservation des fragments ovariens et testiculaires) qui ont contribué à améliorer la prise en charge des différentes formes d'infertilité et d'élargir le champ d'accès aux possibilités thérapeutiques pour les couples infertiles.

L'AMP EN CHIFFRES

Ainsi, toutes techniques confondues, l'AMP a permis la naissance de 20 042 enfants en 2006 contre 15 962 en 2002 soit, rapporté au nombre de tentatives (respectivement 119 649 et 108 410) un taux de naissances moyen de 16 % (lire l'encadré p.V) pour un taux de grossesses moyen de 22 %. Globalement, ces naissances par AMP représentent environ 2,5 % de l'ensemble des naissances enregistrées chaque année en France. Parmi les techniques disponibles, les inséminations artificielles intra-utérines représentent 54 000 cycles soit 45 % des tentatives réalisées (2). Les FIV représentent 43 % des tentatives avec près de 51 000 ponctions d'ovocytes. La part des FIV avec injection intracytoplasmique de spermatozoïdes augmente régulièrement et représentait 60 % des FIV en 2006. Avec 14 300 cycles, les transferts d'embryons réalisent 12 % des tentatives d'AMP.

INFERTILITÉ

La probabilité mensuelle d'obtenir naturellement une grossesse pour un couple fertile âgé de 25 ans est de 25 %. Elle diminue avec l'âge. On estime qu'un couple sur sept est amené à consulter un médecin au moins une fois pour une infertilité supposée et que sur ces couples en difficultés, un sur dix nécessite une prise en charge médicalisée spécifique. En règle générale, on parle d'infertilité lorsqu'un couple n'arrive pas à concevoir d'enfants après deux années malgré des rapports réguliers et fréquents. « Toutefois, précise le Dr Letur, lorsqu'un couple présente des points d'appel particuliers (femme n'ayant ni trompes ni ovaires, femme dont l'âge est avancé ou ayant une endométriose avérée...), un bilan d'infertilité s'impose sans attendre. »

En fait, la situation s'apprécie au cas par cas par le clinicien qui peut aussi différer le bilan si « l'hypofertilité » semble pouvoir évoluer favorablement de façon naturelle, voire dissuader certains couples d'entreprendre une démarche d'AMP. Cela peut être le cas lorsque la femme est âgée de plus de 43 ans (âge au-delà duquel la CPAM ne prend plus ces actes en charge) car les chances de succès sont infimes et les risques pour la femme plus importants. « Nous savons en effet, poursuit le Dr Letur, que les anomalies chromosomiques chez le foetus et les risques de fausses couches chez la femme augmentent en fonction de l'âge de la mère à partir de 37 ans. Qui plus est, au-delà de 40 ans et surtout après 45 ans, une grossesse présente des risques de complications cardiovasculaires non négligeables (hypertension, éclampsies, AVC, rupture prématurée de membranes, hématomes rétroplacentaires...) qui imposent la prudence. C'est une des raisons pour lesquelles les équipes biomédicales françaises s'appuient sur la limite d'âge de prise en charge par la Sécurité sociale pour réfuter les demandes d'AMP après 43 ans. »

Les études épidémiologiques montrent qu'en moyenne, l'infertilité est d'origine exclusivement féminine dans 30 % des cas, masculine dans 20 % des cas, mixte dans 40 % des cas et de cause indéterminée (infertilité « d'origine X ») dans 10 % des cas (3). De l'origine individuelle ou mixte et de la cause de l'infertilité dépendront la décision d'AMP et le choix de la technique. La fertilité peut être affectée par de multiples facteurs. En premier lieu, l'âge de la femme dont la fertilité diminue naturellement à partir de 35 ans. L'âge de l'homme (on observe chez certains hommes une altération des spermatozoïdes et une augmentation des anomalies géniques à partir de 45 ans) mais aussi, certaines pathologies (maladies génétiques, cancers...) ou leur traitement, les expositions à certains produits toxiques, les traumatismes, les infections, le surpoids ou à l'inverse la maigreur excessive peuvent également influencer la fertilité. De même, certains comportements (tabagisme, abus d'alcool, prise de drogues) sont susceptibles d'altérer la fertilité. Enfin, il est important de ne pas exclure les facteurs d'ordre sexuel (rareté des rapports, impuissance, intromission incomplète, pratiques sexuelles peu propices à la fécondation) qui peuvent également rendre compte de troubles de la reproduction.

Avant toute exploration, l'interrogatoire permet de déterminer si l'un ou plusieurs de ces facteurs peuvent être impliqués. Il est complété par un examen clinique de la femme et de l'homme, et un bilan complémentaire (lire l'encadré p. VII). Ce bilan est essentiel. Il est analysé par une équipe clinicobiologique pluridisciplinaire. Il permet d'écarter toute possibilité de conception naturelle, d'évaluer la perte de chance et surtout, de cibler la proposition thérapeutique d'AMP la plus adaptée au type d'infertilité. « Chez la femme, indique le Dr Letur, les causes d'infertilité les plus fréquentes sont les anomalies de l'ovulation, le vieillissement ovarien prématuré et les stérilités tubaires (obstruction pathologique des trompes de Fallope). Chez l'homme, les oligoasthénotératospermies et les azoospermies constituent la majorité des causes d'infertilité explicables. » À l'issue de cette prise en charge diagnostique et de plusieurs entretiens particuliers avec l'équipe du centre (ces entretiens sont imposés par le Code de la santé publique), le couple dispose d'un mois de réflexion pour accepter par écrit la proposition d'AMP qui lui est faite.

TECHNIQUES

Depuis une trentaine d'années, de nombreuses techniques ont été développées, dont certaines sont aujourd'hui délaissées. C'est notamment le cas de la FIV par injection de spermatides, abandonnée en raison de son inefficacité, et du Gift (Gamete intrafallopian transfert) auquel la majorité des équipes préfère la FIV car le Gift ne permettait pas de contrôler le nombre d'embryons susceptibles de s'implanter. Aujourd'hui, les trois techniques qui dominent la procréation médicalisée (l'insémination artificielle intra-utérine, la FIV et le transfert d'embryons) sont dans la plupart des cas (94 %) mises en oeuvre avec les gamètes du couple (AMP intraconjugale) et dans une proportion plus limitée (6 %) avec un donneur de spermatozoïdes ou d'ovocytes (AMP avec tiers donneur).

Insémination artificielle

L'insémination artificielle est la technique la plus ancienne et la plus simple.

Principe. L'insémination artificielle intra- utérine consiste, après stimulation ovarienne, à injecter dans la cavité utérine, le jour de l'ovulation, des spermatozoïdes (du conjoint ou d'un donneur) préalablement « préparés » et sélectionnés. Cette technique de fécondation « in vivo » permet de court-circuiter la glaire cervicale et de rapprocher les spermatozoïdes et les ovocytes.

Indications. Cette technique est accessible aux infertilités d'origine non tubaire (trompes fonctionnelles). Une altération tubaire grave préalablement diagnostiquée représente une contre-indication à cette technique (risque d'échec ou de grossesse extra-utérine). Au-delà de ce principe de base, les indications sont nombreuses :

- troubles de l'éjaculation (malformation, lésions neurologiques, éjaculation rétrograde, troubles de l'érection résistants aux traitements) ;

- obstacle cervical au passage des spermatozoïdes (test de Hühner négatif) ;

- oligoasthénotératospermie modérée : l'insémination artificielle intra-utérine est indiquée si l'hypofertilité liée à cette oligoasthénotératospermie est modérée car il faut au minimum un million de spermatozoïdes mobiles et normaux pour qu'elle ait une chance d'aboutir à une grossesse ;

- infertilité d'origine inexpliquée.

Réalisation. Cette technique nécessite une préparation en plusieurs temps avant la mise en oeuvre du geste d'insémination.

La stimulation ovarienne. Réalisée à base d'inducteurs d'ovulation, elle permet la sélection folliculaire dans certains cas et l'amélioration de la maturation des follicules. Elle commence entre le 3e et le 5e jour du cycle ou plus tard, selon l'indication. Elle peut être réalisée à base de Clomid® (citrate de clomifène) per os à raison de deux comprimés par jour pendant cinq jours ou d'injections quotidiennes IM ou S/C (lire l'encadré à gauche) de Gonal-f ® (follitropine alfa), de Puregon ® (Follitropine bêta), de Menopur ® (gonadotrophine humaine) ou de Fostimon ® (urofollitropine). Ces traitements sont suivis, entre le 8e et le 10e jour du cycle, en moyenne, d'une surveillance biologique (dosage de l'estradiol ± Lh) et échographique pour compter et mesurer les follicules et évaluer l'épaisseur de l'endomètre. Cette surveillance régulière (toutes les 24 ou 48 heures) permet d'adapter le traitement en fonction de la réaction à la stimulation. « Les inducteurs d'ovulation sont contre-indiqués en cas d'anomalie hématologique avec risque de thrombose et de troubles de la coagulation (facteur contre-indiquant parfois lui-même toute grossesse), précise le Dr Letur. Leurs retentissements à long terme ont fait l'objet de nombreuses études passées et en cours qui montrent l'existence d'un risque potentiel d'augmentation de certains cancers (sein, ovaire, notamment). Toutefois, il semble que ce risque soit davantage en rapport avec l'infertilité elle-même qu'avec les traitements stimulants, quoiqu'on ait un doute en cas de traitement dépassant douze stimulations avec du citrate de clomifène. » Des incertitudes qui justifient un suivi gynécologique régulier en dehors des tentatives d'insémination artificielle intra-utérine.

1. Le déclenchement de l'ovulation : lorsque la maturation folliculaire est suffisante et les paramètres de surveillance de bonne qualité (4), le traitement de stimulation est arrêté pour permettre l'induction du traitement chargé de déclencher l'ovulation. Celui-ci fait appel à des injections d'hormone gonadotrophique chorionique (hCG) telle que Ovitrelle® 250 mg (hCG recombinante) ou Décapeptyl® 0,1 mg (analogue du GnRH). Cette injection provoque l'ovulation dans un délai de 37 à 40 heures. C'est dans cette fenêtre que doit avoir lieu l'insémination du sperme préalablement recueilli et préparé.

2. Recueil et préparation du sperme : le recueil du sperme est réalisé le jour de l'insémination. Il s'effectue par masturbation après une abstinence sexuelle comprise entre deux et trois jours. Les conditions d'hygiène du recueil (miction préalable à l'éjaculation pour « lessiver les bactéries présentes dans l'urètre », lavage des mains et de la verge, récipient stérile) doivent être scrupuleusement observées. Le sperme est ensuite préparé par l'équipe biomédicale afin de reproduire les modifications subies par les spermatozoïdes lors de la traversée de la glaire cervicale. Celle-ci assure en effet :

> la séparation du plasma séminal et des spermatozoïdes ;

> l'élimination des débris cellulaires et autres cellules indésirables ;

> la sélection des spermatozoïdes mobiles et normaux aptes à féconder.

3. Insémination : une à deux inséminations sont pratiquées (soit une le surlendemain ou deux le lendemain et le surlendemain du déclenchement). Elle consiste à injecter la préparation de spermatozoïdes dans l'utérus à l'aide d'un cathéter. Aucune précaution particulière n'est à prendre à l'issue de ce geste et la patiente peut reprendre ses activités normalement. Le verdict tombe dans les 14 jours qui suivent l'insémination. Un test de grossesse est réalisé 18 jours après l'insémination afin de confirmer le diagnostic de grossesse.

Résultats. Le taux de grossesse par insémination artificielle intra-utérine est d'environ 18 % par cycle. Des fausses couches spontanées surviennent dans 15 à 20 % des cas, pourcentage comparable au taux de fausses couches chez les femmes dont les grossesses sont naturelles. Il n'y a donc pas d'incidence de la technique sur le risque de fausse couche.

En revanche, l'insémination artificielle intra-utérine est associée assez fréquemment à des grossesses multiples en rapport avec la maturation de plusieurs follicules. « C'est la raison pour laquelle, commente le Dr Letur, nous essayons de réaliser des stimulations "douces", monofolliculaires ou bifolliculaires, en ajustant les doses de médicament de manière à sélectionner un seul, voire deux follicules et de limiter le risque de grossesse multiple. Dans le même esprit, on évitera de déclencher l'ovulation en cas de stimulation multifolliculaire (plus de quatre follicules). »

En cas d'échec, cinq nouvelles tentatives prises en charge par la Sécurité sociale (lire l' encadré à gauche) peuvent être réalisées qui, selon les équipes et les techniques, peuvent être ou non entrecoupées de cycles de repos. Si au terme de ces tentatives la technique n'a pas été fructueuse, il convient de réexaminer la situation et d'envisager une technique d'AMP plus lourde, comme la FIV.

Fécondation in vitro

Principe. La FIV a pour but d'assurer la rencontre de l'ovocyte et du spermatozoïde en dehors de l'organisme dans des conditions ayant pour but de permettre la fécondation et le développement d'embryons. Elle implique une « culture » in vitro (extracorporelle) des embryons avant leur transfert dans l'utérus. Ce processus recouvre les premières étapes du développement de l'embryon allant jusqu'au stade de quatre cellules ou si nécessaire jusqu'à celui de blastocyste (5). Elle peut être pratiquée avec ou sans micro-injection d'un spermatozoïde dans l'ovocyte (injection intracytoplasmique de spermatozoïde). La FIV avec injection intracytoplasmique de spermatozoïde est utilisée lorsque l'oligoasthénotératospermie est sévère et qu'il existe un trop petit nombre, voire aucun spermatozoïde pour permettre une fécondation in vitro conventionnelle.

Indications. La FIV est proposée en cas d'échec de l'insémination artificielle intra-utérine ou lorsque l'obstruction bilatérale ou l'absence de trompes empêchent, chez la femme, la rencontre naturelle entre l'ovule et les spermatozoïdes. La FIV permet alors de contourner cet obstacle mécanique en l'absence de toute autre anomalie des ovocytes et des spermatozoïdes.

L'obstacle peut être lié à une altération naturelle des trompes ou aux séquelles d'une grossesse extra-utérine, d'une intervention chirurgicale, d'infections récurrentes (MST notamment) ou d'une endométriose. Cette maladie est à l'origine de kystes ovariens, d'adhérences et de lésions bilatérales des trompes responsables de troubles du fonctionnement ovarien et tubaire souvent à l'origine de l'infertilité. Selon le Pr Michel Canis (CHU de Clermont-Ferrand), « on admet classiquement que 20 à 50 % des patientes qui consultent pour une infertilité ont une endométriose et que 30 à 40 % des patientes qui ont une endométriose ont aussi un problème d'infertilité. » (6) La FIV répond également aux indications de stérilité masculine modérée lorsque le nombre de spermatozoïdes est insuffisant (oligospermie), que leur mobilité est diminuée (asthénospermie), ou qu'ils sont trop nombreux à avoir une forme anormale (tératospermie). La FIV avec injection intracytoplasmique de spermatozoïdes est particulièrement indiquée lorsque ces trois anomalies sont associées.

Réalisation. À l'inverse de l'insémination artificielle intra-utérine, la FIV commence par un traitement hormonal d'hyperstimulation ovarienne afin d'amener un maximum de follicules à maturation. « Cette phase de stimulation est parfois précédée d'une phase de désensibilisation ovarienne qui dépend du type de protocole suivi, précise le Dr Letur. Ensuite, l'ovulation est déclenchée par injection d'hCG, mais contrairement à ce qui se fait dans l'insémination artificielle intra-utérine, les ovocytes sont prélevés avant l'ovulation (environ 35 heures après l'injection) et mis en culture avec les spermatozoïdes préparés du conjoint. »

Prélèvement des ovocytes. Réalisé sous anesthésie locale ou générale (en ambulatoire), le prélèvement des ovocytes consiste à aspirer sous contrôle visuel échographique le contenu de chaque follicule (liquide et ovocyte). Cette manipulation dure environ cinq minutes par ovaire. Le prélèvement est maintenu à 37 degrés.

FIV conventionnelle. Après avoir isolé les ovules du liquide folliculaire, le biologiste met en contact les ovocytes et les spermatozoïdes du conjoint préalablement recueillis, analysés et préparés de manière à sélectionner les plus fécondants a priori. Cette opération peut également être réalisée à partir de paillettes de sperme congelé du conjoint ou d'un donneur. Après 24 heures, la fécondation des ovocytes est contrôlée au microscope. Lorsque plusieurs embryons commencent à se développer, l'équipe et le couple décident du nombre qui sera transféré afin de limiter le risque de grossesse multiple. Le couple peut aussi prendre la décision de faire congeler les embryons surnuméraires de bonne qualité pour un éventuel transfert ultérieur (transfert d'embryons).

Fécondation in vitro avec injection intracytoplasmique de spermatozoïde. Dans ce cas, le spermatozoïde prélevé dans la préparation spermatique est injecté directement dans l'ovocyte préalablement débarrassé des cellules folliculaires qui l'entourent à l'aide d'une enzyme ou de façon mécanique. Cette manoeuvre est renouvelée pour chaque ovocyte fécondable. Les ovocytes fécondés artificiellement sont ensuite remis dans une boîte de culture et dans un incubateur à 37 degrés avant d'être transférés dans les mêmes conditions que la FIV conventionnelle. Il n'existe aucun retentissement péjoratif de la technique de micro-injection par rapport à la FIV simple.

Transfert embryonnaire. Les embryons sont transférés dans l'utérus 2 à 3 jours après la ponction, voire plus. Dans certains cas (FIV avec don d'ovocyte, par exemple), un traitement hormonal (estradiol et progestérone) peut être prescrit pour préparer la muqueuse et favoriser la nidation.

Résultats. Le taux de succès des FIV varie de 10 à 30 % selon les centres d'AMP. En moyenne, on considère que 25 % des ponctions folliculaires aboutissent à une naissance. Le taux de réussite est légèrement supérieur (30 %) en cas de FIV avec injection intracytoplasmique de spermatozoïdes. En moyenne, une grossesse survient après quatre tentatives de FIV. Un délai variable en fonction de l'activité des centres et de l'âge des patientes est observé entre deux tentatives.

Transfert d'embryon congelé

En cas d'impossibilité de réaliser le transfert, en cas d'échec après transfert d'embryon frais, ou lorsque le couple désire un autre enfant et qu'il dispose d'embryons surnuméraires congelés, il peut bénéficier d'une nouvelle tentative par transfert de ces embryons après leur décongélation (7). Toutefois, cette procédure est délicate car un certain nombre d'entre eux peuvent perdre tout ou partie de leurs blastomères au cours de la décongélation.

Prise en charge prétransfert. « Pour les femmes qui ont des cycles spontanés, beaucoup d'équipes réalisent une petite stimulation douce, déclenchent une potentielle ovulation et contrôlent l'aspect de l'utérus pour déterminer le moment où l'embryon doit être transféré, explique le Dr Letur. Cette préparation au transfert peut également être réalisée sous protocole de substitution avec administration d'oestrogène puis de progestérone. » Le transfert embryonnaire intervient dès que la préparation endométriale est adéquate. Ce type de protocole peut être suivi tant chez des femmes dont les ovaires sont fonctionnels que chez les autres.

Préparation des embryons. La décongélation des embryons suit un protocole précis afin de réhydrater l'embryon simultanément à la décongélation. On considère que tout embryon qui dispose d'au moins 50 % de ses blastomères intacts et qui a repris son évolution normale en milieu de culture pendant 12 à 24 heures a des chances réelles d'implantation. Toutefois, ces chances sont un peu plus faibles que celles d'un embryon frais (8).

Devenir des embryons congelés. Chaque année, les deux membres du couple ayant des embryons conservés sont consultés par écrit pour savoir s'ils maintiennent leur projet parental, conformément aux conditions prévues par la loi de bioéthique. S'ils n'ont plus de projet parental ou en cas de décès de l'un d'entre eux, les deux membres d'un couple, ou le membre survivant, peuvent consentir à ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple. Ils peuvent également choisir de mettre fin à leur conservation et les céder à la recherche. Dans tous les cas, le consentement ou la demande est exprimé par écrit et fait l'objet d'une confirmation écrite après un délai de réflexion de trois mois. Lorsque les embryons n'ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour du consentement, il est mis fin à leur conservation.

QUEL AVENIR POUR L'AMP ?

« Aujourd'hui, l'objectif prioritaire, estime le Dr Pierre Jouannet (laboratoire de biologie de la reproduction, hôpital Cochin), c'est d'améliorer la qualité des résultats, c'est-à-dire de maîtriser autant que possible les risques et les contraintes de l'AMP tout en maintenant les meilleures chances d'obtenir une grossesse et une naissance » (9). Concernant la maîtrise des risques, l'Agence de biomédecine a récemment mis en place un dispositif d'« AMP-vigilance » dans le but de recenser les incidents et les effets indésirables liés aux actes d'AMP et de mettre en place des actions correctives et/ou préventives si nécessaire.

En termes de grossesse et de naissance, l'objectif est de « réduire le nombre d'embryons transférés et le risque de grossesses multiples sans diminuer les chances de procréation, poursuit le spécialiste. Les principaux développements envisageables à court et moyen terme concernent l'utilisation de traitements hormonaux moins agressifs pour stimuler la fonction ovarienne, une meilleure sélection des gamètes fonctionnels, des conditions de fécondation et de culture embryonnaire plus adaptées. » Par ailleurs, la mise au point de micro-méthodes capables d'évaluer les compétences métaboliques des embryons et leur aptitude à se développer normalement devrait conduire à une amélioration significative des résultats.

UN ACCOMPAGNEMENT INCONTOURNABLE

L'accompagnement est un objectif que tous les couples appellent de leurs voeux tant l'AMP, si elle est porteuse d'espoir et de grandes joies, représente aussi un parcours jalonné d'incertitudes et de déceptions. Accompagner ces couples qui font confiance à la science pour porter ce projet d'enfant n'est pas le moindre des rôles de l'équipe biomédicale. Les contraintes des traitements, l'attente parfois longue du don lorsqu'il est nécessaire, la crainte que fait naître la perspective d'un échec et les espoirs déçus sont autant de moments qui rendent cette aventure psychologiquement périlleuse.

Il appartient donc aux membres de l'équipe d'entretenir l'espoir tout en sachant préparer les couples à l'échec, car si les trois quarts d'entre eux parviennent à avoir un enfant, il est rare que la première tentative soit fructueuse. Par leur fonction pivot au sein de l'équipe pluridisciplinaire, leur présence aux différentes étapes du traitement, leur écoute et leur disponibilité, les infirmières assurent la continuité de l'accompagnement indispensable à cette prise en charge qui, au-delà des techniques, reste avant tout une expérience humaine incomparable.

1- Les lois n°94-653 et n°94-654 du 29 juillet 1994 définissent les conditions d'accès aux actes d'AMP et les modalités de leur réalisation.

2- Source : « Bilan des activités de procréation et génétique humaines en France en 2006 », Agence de biomédecine (http://www.agence-biomedecine.fr/professionnels).

3- Lire aussi http://www.natisens.com/Articles/Troubles_fertilite/ principales_causes_infertilite_chez_la_femme/Infertilite_femme.html.

4- Le déclenchement de l'ovulation est déterminé par la réponse ovarienne qui ne doit être ni trop (hyperstimulation), ni pas assez (hypostimulation) importante. Ces deux situations peuvent motiver l'abandon de la tentative en raison du risque de grossesse multiple ou d'échec.

5- Stade du développement embryonnaire précoce des mammifères (de 5 à 7 jours chez l'homme) au cours duquel coexistent les cellules périphériques, appelées cellules du trophectoderme (ou trophoblaste), à l'origine des structures extra-embryonnaires comme le placenta ou le cordon ombilical, et des cellules de la masse interne, qui forment le bouton embryonnaire et donnent naissance à l'embryon proprement dit et à quelques annexes embryonnaires.

6- http://endofrance.org/canisversionmedecin.html.

7- Selon la loi du 6 août 2004 (article L. 2141-3.), « un couple dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d'une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. »

8- http://www.fivfrance.com/page_transfert d'embryons.html.

9- « La procréation médicalisée en France, état des lieux et perspectives », Intervention à l'Académie nationale de médecine, forum du 24 juin 2008.

Des inducteurs d'ovulation auto-injectables

L'existence de médicaments inducteurs d'ovulation administrables par voie sous-cutanée présente pour la femme l'avantage de s'affranchir de certaines contraintes et d'améliorer sa qualité de vie (sorties, week-ends). Très faciles à réaliser soi-même (dans la peau de l'abdomen ou de la cuisse) après un apprentissage rapide dispensé par les infirmières, ces injections peuvent également être pratiquées par le conjoint. En moyenne, 80 % des patientes pratiquent l'auto-injection, avec une efficacité équivalente aux injections pratiquées par le personnel soignant.

Évolution de l'activité d'AMP en France entre 2002 et 2006

Nombre de tentatives d'AMP, toutes techniques confondues (inséminations artificielle intra-utérines, FIV « classiques » et avec injection intracytoplasmique de spermatozoïde, transferts d'embryons issus d'une FIV et injections intracytoplasmiques de spermatozoïde).

Source : Agence de biomédecine.

L'assurance-maladie et l'AMP

Les techniques d'AMP sont prises en charge à 100 % jusqu'au jour du 43e anniversaire, à raison de six tentatives d'insémination artificielle intra-utérine (une par cycle) pour l'obtention d'une grossesse et de quatre tentatives de FIV avec ou sans micromanipulation. Une demande d'entente préalable globale mentionnant la technique utilisée doit être déposée avant le début du traitement. Si la technique change au cours de la prise en charge, le contrôle médical doit être informé. L'absence de réponse dans les trois semaines vaut accord. En cas d'échec répété, il est important de vérifier la validité de la prise en charge à 100 %.

Le bilan d'infertilité

> Chez la femme

Examens de première intention

- Courbe de température : permet d'objectiver des troubles de l'ovulation et d'en rechercher la cause : dysfonctionnement hormonal, ovaires polykystiques, hyperprolactinémie...

- Test post-coïtal de Hühner (1) : permet d'étudier la quantité et la qualité de la glaire cervicale et d'analyser la présence, la mobilité et la survie des spermatozoïdes après un rapport sexuel. Il est réalisé 6 à 12 heures après un rapport et dans les 24 à 48 heures précédant l'ovulation car c'est à ce moment que la glaire est la plus perméable.

- Échographie de l'appareil génital.

- Hystérosalpingographie : permet de détecter des atteintes partielles ou totales des trompes.

- Bilan hormonal sanguin.

Examens complémentaires réalisés en fonction de ce bilan

- Coelioscopie à visée diagnostique : réalisée en cas d'hystérosalpingographie anormale (trompes bouchées) ou en cas de suspicion d'endométriose car les lésions d'endométriose sont rarement visibles à l'échographie. Il permet d'évaluer l'atteinte des trompes et d'envisager une reperméabilisation immédiate ou à distance (chirurgie) ou un traitement (par vaporisation) des lésions d'endométriose.

- Hystéroscopie : permet d'explorer l'intérieur de la cavité utérine et d'établir un diagnostic plus précis des anomalies (congénitales par exemple) de la cavité utérine.

- Caryotype.

> Chez l'homme

Examens de première intention

- Spermogramme : paramètres étudiés : viscosité, volume, pH, numération, taux de spermatozoïdes vivants, mobiles, normaux... Il doit être renouvelé au minimum trois mois plus tard pour confirmer ou infirmer le résultat anormal. Il permet d'identifier une azoospermie (absence de spermatozoïdes dans l'éjaculat) et/ou une oligospermie (quantité insuffisante) et/ou une asthénospermie (manque de mobilité) et/ou une tératospermie (malformation). Plusieurs de ces anomalies peuvent être associées : on parle alors d'oligoasthénotératospermie.

- Test post-coïtal de Hühner (1).

Examens complémentaires réalisés soit immédiatement soit en fonction de ce bilan

- Analyses complémentaires sur le sperme (test de survie des spermatozoïdes mobiles à 24 heures (2), spermoculture à la recherche d'agents infectieux, étude biochimique du plasma séminal).

- Bilan sanguin hormonal.

- Échographie.

- Caryotype, examens génétiques.

- Recherche de spermatozoïdes dans les urines.

- Biopsie testiculaire.

- Tests d'évaluation du pouvoir fécondant du spermatozoïde.

1- Seul examen concernant le couple.

2- Ce test permet de faire un choix d'orientation du couple vers l'insémination artificielle intra-utérine (plus d'un million de spermatozoïdes mobiles) ou vers la FIV.

AMP-vigilance : les premiers enseignements

Testé depuis 2007, le dispositif d'AMP-vigilance a été complété par le décret du 19 juin 2008 (1) et l'arrêté du 18 décembre 2008 qui fixe les éléments d'information relatifs au signalement d'un incident ou d'un effet indésirable lié aux techniques d'AMP.

« Aujourd'hui, indique l'Agence de biomédecine, ce dispositif est dans une phase de montée en charge. » Il permet de surveiller les incidents relatifs aux gamètes, aux tissus germinaux et aux embryons utilisés à des fins d'assistance médicale à la procréation ou à des fins de préservation de la fertilité, ainsi que des effets indésirables observés chez les donneurs de gamètes ou chez les personnes qui ont recours à l'assistance médicale à la procréation. Ces éléments sont transmis par écrit à l'Agence de la biomédecine par le correspondant local d'AMP-vigilance (2) ou par tout professionnel ayant connaissance de la survenue d'un tel incident ou effet indésirable. « En 2008, sur 50 000 tentatives, 200 déclarations ont été rapportées, dont 50 % concernaient des effets indésirables ayant pu conduire à une hospitalisation. »

Parmi les mesures prises à la suite de ces déclarations, le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF) a été saisi, des matériels de laboratoire défectueux ont été remplacés et des recommandations ont été formulées concernant les femmes porteuses du syndrome de Turner (3). Ces recommandations, disponibles sur le site Internet de l'Agence de la biomédecine (4) et du CNGOF (5), traitent des modalités de surveillance et de prise en charge des patientes atteintes du syndrome de Turner avant le démarrage d'une grossesse, pendant et après la grossesse. Le document décrit les bilans à réaliser, la surveillance à mettre en place, les informations à délivrer aux patientes, et donne des coordonnées de centres de référence. À ce jour, plus de la moitié des centres clinico-biologiques ont déjà fait au moins une déclaration d'AMP-vigilance à l'Agence de la biomédecine.

1- Décret n° 2008-588, transposant en matière de don de gamètes et d'assistance médicale à la procréation la directive européenne 2004/23/CE.

2- Globalement, plus de 80 % des centres clinico-biologiques (il en existe 103 au niveau national) ont désigné un correspondant local d'AMP-vigilance.

3- Anomalie chromosomique touchant exclusivement les femmes et correspondant à la perte totale ou partielle d'un chromosome X chez le foetus de sexe féminin. Cette anomalie survient accidentellement. Pour plus d'informations : http://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Turner-FRfrPub44.pdf.

4- http://www.agence-biomedecine.fr/professionnels/rapports-et-etudes.html.

5- http://www.cngof.asso.fr.