La garde à vue - L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009

 

Justice

Juridique

Le recours à cette mesure privative de liberté dans certaines affaires récentes, dont certaines mettaient en cause la responsabilité d'infirmières, est tout à fait critiquable.

On se souvient de ce médecin urgentiste appelé dans un salon de coiffure de la Drôme où une vieille dame venait de faire un malaise cardiaque, mais dont les gestes n'avaient pas suffi à éviter le décès de la patiente, constaté quelques minutes plus tard après son transport à l'hôpital (1). Six jours plus tard, une plainte était déposée, certainement par la famille, après que des traces d'hématomes eurent été relevées et que des témoignages firent état de gestes « bizarres », voire violents. Placé en garde à vue, puis présenté devant un juge d'instruction pour homicide involontaire, l'urgentiste était finalement remis en liberté, sans avoir été mis en examen.

Limogeage

Ces faits témoignent de la judiciarisation des rapports sociaux aujourd'hui, mais aussi de la recherche permanente de boucs émissaires face à des situations vécues comme un échec de la médecine, voire une faute. Peu de temps avant, un autre drame s'était produit à Grenoble : un malade mental avait mortellement poignardé un jeune étudiant après s'être évadé d'une unité psychiatrique. Certes, l'hôpital n'est pas une prison et les affaires de ce type restent exceptionnelles. Pourtant, à un moment où le plus banal des faits divers appelle l'intervention du législateur, on n'avait pas hésité à limoger le directeur de l'établissement.

Plus récemment, le 24 décembre 2008, un jeune enfant hospitalisé à l'hôpital Saint- Vincent-de-Paul (Paris) pour une banale angine décédait à la suite, très certainement, d'une erreur de perfusion de la part d'une infirmière. Placée en garde à vue pour vingt-quatre heures, celle-ci a ensuite vu sa détention prolongée d'une journée. Pourtant, consciente de son erreur sur la nature du produit injecté, l'infirmière avait immédiatement prévenu ses responsables et les services de réanimation. La garde à vue et sa reconduction étaient-elle vraiment nécessaires dans le cas d'une faute non intentionnelle et immédiatement reconnue par son auteur ?

La garde à vue (articles 63 et suivants du Code de procédure pénale) donne le droit aux officiers de police judiciaire (policiers et gendarmes ayant passé un examen et reçu une habilitation spéciale pour diriger les enquêtes sur les crimes et les délits) de retenir toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de 24 heures. Cette mesure privative de liberté est strictement encadrée par la loi.

Si la garde à vue est décidée par l'officier de police judiciaire seul, il doit en informer immédiatement le procureur de la République, lequel peut, seul, renouveler la garde à vue une fois, pour 24 heures. Elle doit en principe prendre fin dès qu'elle n'est plus nécessaire. Pour les affaires commises en bande organisée, la garde à vue peut faire l'objet de deux prolongations supplémentaires et durer jusqu'à 96 heures.

Disproportion

Le nombre de gardes à vue s'est fortement accru durant ces dernières années. Plus de 600 000 ont été décidées en 2008, soit 56 % de plus qu'en 2000. Rappelons que la personne gardée à vue est mise au secret : elle ne peut communiquer avec quiconque à l'extérieur, afin d'éviter la disparition des preuves et indices. Elle se voit retirer tous les objets qu'elle a sur elle, sauf ses vêtements. Ce qui inclut les ceintures, les montres et les lacets des chaussures. Officiellement, c'est pour lui ôter tout objet dangereux pour elle- même ou les tiers. Lorsque la personne gardée à vue n'est pas entendue par les policiers, elle est gardée en cellule ou menottée à un banc.

Dans l'affaire de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, la garde à vue dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), est apparue totalement inhabituelle pour ce type d'affaire. On peut s'interroger sur le caractère disproportionné de la mesure de garde à vue, sachant que la bonne foi de l'infirmière ne pouvait être discutée, son erreur n'étant en rien intentionnelle et celle-ci ayant dès l'accident averti ses responsables de son erreur. Pour une faute absolument involontaire alors que l'intention de nuire est l'élément essentiel de l'infraction pénale, cette infirmière a été traitée avec la même rigueur qu'un suspect d'homicide volontaire.

Conditions difficiles

Personne ne peut nier la responsabilité de l'infirmière mais il est clair que, dans ce dossier, une série de dysfonctionnements ont pesé sur l'issue fatale. Lorsque l'on sait que les infirmières travaillant en réanimation peuvent parfois enchaîner des gardes de douze heures pendant quatre jours d'affilée, pour pallier le manque de personnel, on peut s'interroger sur leurs facultés de vigilance professionnelles et les risques d'accident.

1- Ces faits ont eu lieu en octobre 2008. Lire L'Infirmière magazine n°244, décembre 2008, p. 24.

À RETENIR

- La garde à vue permet à la police de retenir, pour 24 heures renouvelables, toute personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction.

- Dans l'affaire de Saint-Vincent-de-Paul, la garde à vue est contestable, sachant que l'erreur de l'infirmière n'était pas intentionnelle et qu'elle a, dès l'accident, averti ses supérieurs.

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