Les hémorragies externes et extériorisées - L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 253 du 01/10/2009

 

urgence

Fiches

DÉFINITION

Le mot « hémorragie » peut recevoir plusieurs définitions. Une acception simplifiée donne : « écoulement du sang hors des vaisseaux sanguins » (au sens figuré, une perte considérable). Le Vidal de la famille, lui, décrit une « perte de sang à partir d'une artère ou d'une veine. Une hémorragie peut être externe mais également interne, en passant inaperçue. »

Nous retiendrons, en vue de clarifier la définition d'hémorragie, que « l'hémorragie externe est un écoulement de sang abondant et visible, en dehors des vaisseaux au travers d'une plaie. Cet écoulement imbibe de sang un mouchoir de toile ou de papier en quelques secondes et ne s'arrête pas spontanément. » (1) Dans cet article, nous ne traiterons que des hémorragies externes et/ou extériorisées.

Dans une hémorragie externe, la source du saignement est toujours visible. Pour l'hémorragie extériorisée, l'écoulement de sang à l'extérieur est visible mais sa source ne l'est pas. Les exemples d'hémorragie extériorisée sont nombreux. Parmi les plus fréquents, citons les suivants : épistaxis, otorragie, hématémèse, rectorragie, hématurie, hémoptysie, et métrorragie.

La conséquence de l'hémorragie est double :

1- Le sang apporte l'oxygène aux organes. S'il n'y a plus de sang pour alimenter les organes (ischémie), ceux-ci meurent, entraînant le décès.

2- Elle induit un collapsus cardiovasculaire, qui va irrémédiablement évoluer vers le décès de la personne en l'absence de traitement efficace.

SIGNES CLINIQUES ET PARACLINIQUES

Une hémorragie grave comporte des signes de mauvaise tolérance pouvant faire craindre un collapsus cardiovasculaire : sensation de malaise, de bouche « sèche », sueurs, pâleur des conjonctives (conjonctives gingivales par exemple), marbrures secondaires au collapsus cardiovasculaire... L'élément alarmant sera l'inconscience secondaire au bas débit cérébral, lui-même secondaire à la chute de volémie (2).

Les signes paracliniques principaux sont la tachycardie, liée à une diminution de l'hémoglobinémie, la diminution de la pression artérielle systolique avec pincement de la différentielle (voire secondairement, quand il n'y a plus de compensation, absence de pincement et chute symétrique des pressions systolique et diastolique).

On parle de choc hypovolémique dès que 30 % de masse sanguine sont perdus (3) (soit environ 200 ml pour un nourrisson de 1 an, ou 1 600 ml chez un adulte de 70 kg).

CONDUITE A TENIR SECOURISTE ET BILAN

Après avoir éliminé tout risque tant pour le secouriste que pour la victime (en éloignant toutes les sources de danger ainsi que l'origine du traumatisme si besoin et/ou si possible), « il s'agira d'effectuer une action en compression directe au niveau de la plaie ou compression manuelle directe » (4), à l'aide de sa main, elle-même protégée au mieux par un gant, un sac plastique, ou un linge propre et épais (éviter les papiers absorbants qui ne protègent que peu de temps et restent collés à la plaie une fois secs).

Une fois cette compression mise en place, il ne faut en aucun cas la relâcher.

Les points de compression ne sont plus enseignés, ni dans le cadre de la formation aux gestes et soins d'urgence ni dans le cadre de l'enseignement des premiers secours en équipe.

Dans tous les cas, et après avoir effectué la compression, il est nécessaire d'allonger la victime, en maintenant la compression directe, afin de limiter les conséquences d'un collapsus secondaire à la perte de sang. Simultanément, il faut parler à la victime, la rassurer, l'écouter.

Dernier temps important : l'alerte, avec un appel au 15 (centre de réception et de régulation des appels) ou au 18 (centre de traitement de l'alerte des sapeurs-pompiers), voire au 112 (numéro européen d'appel d'urgence). Tous ces services sont en interconnexion.

Le bilan doit être précis. En plus de la « photo de situation » à transmettre au permanencier ou à l'opérateur, il faut transmettre toutes les actions de secours entreprises (y compris l'éventuelle protection), les résultats obtenus après ces actions, ainsi que les antécédents médicaux, chirurgicaux, éventuellement obstétricaux, et les allergies potentielles de la victime.

CAS PARTICULIERS

Corps étranger au niveau du traumatisme. Dans le cas où il serait impossible d'appuyer directement sur la plaie (corps étranger, os brisé saillant - fracture ouverte -, voire plaie hémorragique inaccessible), il est possible de comprimer l'ensemble du système vasculaire (artères et veines) en amont et en aval de la plaie (compression directe sur un plan osseux). Ceci n'est possible que pour les hémorragies aux membres.

Attention : un corps étranger, quel qu'il soit, ne doit jamais être retiré, ni même mobilisé, lorsqu'il est au contact d'une plaie.

Épistaxis. Il s'agit d'une hémorragie extériorisée, secondaire à la lésion de la paroi interne d'une ou des deux narines. Le geste secouriste consiste en un appui localisé sur la narine qui saigne, en penchant la tête de la victime vers l'avant. Cette technique permet l'arrêt de l'hémorragie ET l'évacuation des sécrétions hors du nez sans écoulement vers le nasopharynx et l'oropharynx (source de stimulation, nausées, vomissements, et de sensation désagréable, voire de goût métallique dans la bouche).

Hémorragies spécifiques ou situations particulières. L'objectif est de juguler l'hémorragie par un appui sur la zone lésée. Il apparaît donc que l'appui peut être difficile, voire impossible, en cas d'hémorragie extériorisée (méléna, hémoptysie...).

L'action consistera à passer l'alerte rapidement après reconnaissance de l'urgence, tout en positionnant la victime (ou en l'aidant à se positionner) dans une position d'attente adaptée et confortable ; le soutien psychologique, l'écoute et le fait de rassurer la victime sont, dans cette situation, tout aussi importants.

Otorragie. Il s'agit de protéger le visage de la victime de l'écoulement de sang en conservant une surveillance visuelle directe. La victime sera allongée du côté du saignement. L'écoulement se fera alors à distance de son visage, tout en permettant la surveillance de ce saignement. Ce type d'hémorragie peut être le signe d'un traumatisme crânien grave.

Dans tous les cas, laisser la victime à jeun et maintenir la compression manuelle directe coûte que coûte si c'est possible.

Garrot (5) et/ou secouriste seul. Dans certains cas (secouriste seul, isolé), il faudra relayer son appui par un tampon relais (pansement compressif) ou mettre en place un garrot (attention, un garrot trop serré ou laissé trop longtemps peut entraîner la perte du membre par manque de sang). Le garrot doit rester exceptionnel ; il doit mesurer au moins 1,5 mètre de long et 5 centimètres de large (ceinture de pantalon par exemple). L'heure de pose devra être notée. Le garrot ne pourra être enlevé que par un médecin ou un chirurgien.

Dans tous les cas, il ne faut jamais faire relayer son appui par la victime elle-même. En effet, son état de fatigue secondaire à l'anémie (elle-même secondaire à l'hémorragie) pourrait être la cause d'un appui insuffisant, et par conséquent, de la persistance de l'hémorragie.

Le garrot est posé au bras ou à la cuisse, si la compression locale est inefficace ou impossible à réaliser du fait du type de lésion, du nombre élevé de victimes, de la position de la victime et/ou lorsque l'accès au blessé est difficile.

ÉVALUATION

L'efficacité de l'action s'évalue par l'arrêt du saignement sous compression manuelle directe.

CONDUITE A TENIR ÉQUIPE SPÉCIALISÉE

La compression directe est l'action prioritaire à mener. Effectuée rapidement, elle est primordiale et simple à mettre en oeuvre. Et dans la plupart des cas, elle sera suffisante pour arrêter le saignement.

Le second objectif est de conserver une oxygénation des organes, à hauteur de 3, 9 ou 15 l/min (6) en fonction de différents paramètres (l'âge, en particulier) - la formation aux gestes et soins d'urgence (FGSU) fait référence à 15 l/min.

Une fois celle-ci réalisée ( il faut maintenir une pression artérielle stable jusqu'à l'arrivée à l'hôpital. L'objectif est d'atteindre une pression artérielle minimale permettant un transport sans danger. Une pression artérielle moyenne à 60-65 mmHg, avec une PAM minimale à 40 mmHg (chiffres valables pour l'adulte uniquement), est classiquement recherchée pour une perfusion correcte des organes nobles.

Pour cela, une voie d'abord veineuse est posée, de préférence avec un cathéter de gros calibre, et le plus court possible (cf. loi de Poiseuille (7)). En cas d'hémorragie avérée, il est généralement admis de privilégier le calibre du cathéter à la préservation du capital veineux périphérique. Si le patient présente un risque vital, on choisit d'emblée le pli du coude.

Un liquide de remplissage, contenant des ions et des macromolécules, est perfusé de manière plus ou moins rapide (possible utilisation de Blood Pump ®), selon la pression artérielle (secondairement à la mise en place d'un protocole ou à la prescription médicale si l'un ou l'autre existe).

Un dosage de l'hémoglobine doit être réalisé à l'aide d'un HemoCue ®, dès la prise en charge et régulièrement pour évaluation (spoliation sanguine et hémodilution).

Idéalement, l'infirmière profitera de la voie veineuse pour prélever les tubes de sang nécessaires à la réalisation de l'hémogramme et à la recherche du groupe sanguin (en vue d'une éventuelle transfusion).

CONCLUSION

Les gestes secouristes simples sont salvateurs pour les hémorragies externes dans la majorité des cas ; il est nécessaire de reconnaître, d'agir et d'alerter rapidement, les signes cliniques étant fréquemment suffisants pour évaluer cette situation.

L'infirmière agira en premier lieu comme un secouriste.

Si ce seul geste s'avère insuffisant, elle agira, en complément de l'équipe secouriste, comme un technicien de l'urgence (actions sous prescription(s) médicale(s) ou protocole préétabli (8)) avec la pose de voie(s) veineuse(s) de gros calibre, et un remplissage vasculaire (macromolécules par exemple), associés au monitorage complet de la victime.

La prise en charge psychologique et les explications à la victime seront bien sûr associées à toutes les actions de secours.

1- « Les hémorragies externes », in Référentiel national Premiers secours en équipe de niveau 1, 2007, CI-6-2 (en ligne sur http://www.interieur.gouv.fr).

2- La volémie sanguine correspond au poids de la victime (en kg) multiplié par 70 (ml de sang par kg) (pour un homme) ou 65 (pour une femme).

3- « États de choc et remplissage », par Caroline Télion et Pierre Carli (http://www.sfar.org/sfar_actu/mu01/html/mu01_04/ur01_04.htm).

4- Référentiel national PSE 1, CI-6-9.

5- Ibid, CI-6-12.

6- Ibid, CI-9-17.

7- Rappel sur la loi de Poiseuille et le calcul des résistances physiques : la longueur doit être diminuée au maximum pour limiter les résistances.

8- Article 13 du décret d'actes infirmier (n° 2002-194 du 11 février 2002).

À retenir

-> Dans une situation d'urgence, il faut faire le premier « PAS » :

1. P-rotéger

2. A-lerter

3. S-ecourir

-> Les « 3 A » sont un moyen mnémotechnique fréquemment utilisé chez les secouristes :

1. A-ppuyer

2. A-llonger

3. A-lerter (ou faire alerter)

-> Pour qu'il n'y ait « rien à signaler » (RAS), il faut :

1. R-assurer

2. A-lerter

3. S-urveiller en attendant les secours supplémentaires.