Le glaucome chronique à angle ouvert - L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Cours

Le glaucome chronique à angle ouvert (GCAO) est une neuropathie optique associant une atrophie du nerf optique, une altération du champ visuel et le plus souvent, une pression intraoculaire élevée.

PHYSIOPATHOLOGIE

L'humeur aqueuse produite par le corps ciliaire passe à travers la pupille, rejoint l'angle iridocornéen puis s'évacue via le trabéculum, vers la circulation veineuse (une petite quantité s'évacue à travers la sclère : voie uvéosclérale). La quantité d'humeur aqueuse conditionne le niveau de pression intraoculaire (PIO) : la valeur normale étant de 15 +/- 6 mm Hg.

Dans le GCAO, l'ouverture de l'angle iridocornéen est normale. Cependant, l'obturation du trabeculum peut empêcher l'évacuation de l'humeur aqueuse, d'où une élévation de la PIO, ce qui provoque la destruction progressive des fibres optiques (cf. schéma ci-dessous).

Comme il existe des GCAO à pression normale, d'autres mécanismes entrent aussi en jeu : un trouble de la perfusion sanguine au niveau de la rétine et du nerf optique pourrait expliquer la destruction des fibres optiques. De même, au cours de la maladie, une dégénérescence des cellules nerveuses ganglionnaires pourrait entraîner une diminution des fibres optiques.

LES ÉTIOLOGIES

La majorité des glaucomes chroniques à angle ouvert n'ont pas de cause identifiée, ils sont dits primitifs et représentent 60 à 90 % des glaucomes. La forme à pression intraoculaire élevée est la plus fréquente, notamment à la quarantaine. Le GCAO à pression normale ou basse représente 5 à 20 % des GCAO.

Il existe des GCAO secondaires à un traumatisme, une rétinopathie diabétique ou iatrogène (corticoïde).

Les facteurs de risque : PIO élevée, âge supérieur à 40 ans, race noire, antécédents familiaux, myopie, diabète, tabagisme...

Attention : les corticoïdes par voie orale ou inhalée, ainsi que les antidépresseurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont susceptibles d'augmenter la PIO.

En 2003, 2 % des personnes de plus de 40 ans étaient ainsi traitées pour un glaucome.

LES SIGNES CLINIQUES

Longtemps asymptomatique (dix à vingt ans), le GCAO atteint les deux yeux de façon asymétrique. Après une longue évolution, des altérations du champ visuel se manifestent par la survenue de scotomes en périphérie du champ visuel. La personne a du mal à visualiser les objets sur le côté, ressent des gênes à la marche ou à la conduite. Sans traitement, l'acuité diminue jusqu'à la cécité.

LE DIAGNOSTIC

Il est le plus souvent fortuit, lors d'une visite pour une amétropie.

Toute personne ayant des antécédents familiaux de GCAO doit consulter. Plusieurs examens permettent d'établir le diagnostic :

- la mesure de la PIO (tonométrie) : l'hypertonie intraoculaire est définie par une PIO supérieure à 21 mm Hg (mais il existe des formes sans PIO élevée !) ;

- l'examen de la papille optique par le fond d'oeil : il permet de visualiser un élargissement de la dépression centrale de la pupille signant la mort des cellules du nerf optique, une diminution de l'épaisseur de l'anneau rétinien ;

- un examen du champ visuel par une technique particulière, la périmétrie ;

- un examen de l'angle iridocornéen.

La surveillance de la maladie traitée est basée sur la mesure de la PIO, l'étude du champ visuel et la progression de l'atteinte papillaire, en général tous les six mois.

LES TRAITEMENTS

Généralités

Malgré une grande variabilité de réponse au traitement et à la progression de la maladie, les traitements visent surtout à ralentir la progression de la maladie pour que le retentissement sur la vision soit le plus tardif possible. Pour cela, soit on diminue la synthèse de l'humeur aqueuse, soit on augmente son élimination (cf. schéma ci-contre).

Collyres, laser ou chirurgie, le choix du traitement tient compte du patient (âge, antécédents familiaux), de l'avancée de la maladie.

L'objectif du traitement est de diminuer la PIO, y compris dans le glaucome à pression normale, jusqu'à une valeur cible pour laquelle la pathologie est stabilisée. Cette valeur cible peut varier avec la maladie, donc dans le temps.

Le choix de la molécule dépend aussi des contre-indications.

C'est un traitement à vie à base de collyres : en général, on commence par une monothérapie. On peut être conduit à changer de classe, à associer plusieurs molécules et, si besoin, à ajouter un traitement par voie systémique.

Médicaments diminuant la sécrétion de l'humeur aqueuse

Les bêtabloquants

Ils réduisent la sécrétion de l'humeur aqueuse. Ils induisent une baisse de la PIO de l'ordre de 15 à 25 %. L'action débute 20 à 30 minutes après leur instillation et dure de 12 à 24 heures. Des échappements peuvent se produire à moyen et long terme chez un patient sur dix.

- Contre-indications : asthme, BPCO, insuffisance cardiaque, troubles du rythme, hypotension, diabète, syndrome de Raynaud.

- Effets indésirables : sècheresse oculaire par diminution de la sécrétion lacrymale, irritation locale, troubles visuels.

- Instillation : une (pour les formes LP) à deux instillations par jour, de préférence le matin. Éviter juste avant le coucher en raison du risque d'hypoperfusion du nerf optique.

- Les molécules : bétaxolol, cartéolol, lévobunolol, métipranolol, timolol.

Il existe près de dix spécialités regroupant un bêtabloquant (en général, le timolol) ainsi qu'une autre molécule (pilocarpine, inhibiteur de l'anhydrase carbonique, adrénergique, analogue des prostaglandines) et qui permettent d'améliorer l'observance en cas de bithérapie.

Les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique

Ils induisent une baisse de la PIO de l'ordre de 15 à 20%.

- Contre-indications : hypersensibilité aux sulfamides, insuffisance rénale, hépatique ou surrénalienne, risque de coliques néphrétiques.

- Les molécules : brinzolamide, dorzolamide s'instillent deux à trois fois par jour. Ne pas associer à l'acétazolamide (Diamox®), même famille, mais qui est utilisé par voie orale dans les hypertonies oculaires non jugulables par un topique.

- Effets indésirables : goût amer, picotements, brûlures, inflammation palpébrale, céphalées, asthénie, lithiase urinaire.

- Effets indésirables du Diamox® : hypaliémie, hyperglycémie.

Médicaments augmentant la résorption de l'humeur aqueuse

Les analogues des prostaglandines

Les analogues des prostaglandines favorisent l'évacuation de l'humeur aqueuse par la sclère. Ils agissent en relâchant le muscle ciliaire. Très efficaces (baisse de 25 à 30 % de la PIO), leurs effets persistent 24 heures. S'instillent au coucher.

- Effets indésirables : une modification définitive de la couleur de l'iris qui s'assombrit (mais des yeux qui sont franchement bleus le restent), un allongement des cils, des irritations oculaires, une hyperhémie, une pigmentation de la peau périoculaire ainsi que des céphalées.

- Les molécules : bimatoprost (Lumigan®), latanoprost (Xalatan®), travoprost (Travatan®).

Les cholinergiques (la pilocarpine)

Peu utilisée, sauf chez les hypermétropes, la pilocarpine entraîne une traction des fibres musculaires, d'où l'élargissement des espaces du trabéculum.

Les instillations sont de l'ordre de trois fois par jour.

- Effets indésirables fréquents : myosis, troubles visuels, céphalées transitoires.

Médicaments à action mixte

La dipivéfrine

Elle diminue la production de l'humeur aqueuse et augmente son élimination par le trabéculum. Son effet dure de 12 à 24 heures.

- Effets indésirables : une gêne oculaire, une vision floue, une sensation de brûlures, de rares céphalées et tachycardies.

Les adrénergiques

Ils diminuent la production de l'humeur aqueuse et favorisent son écoulement par la sclère.

- Les molécules : apraclonidine (utilisée à court terme dans un contexte chirurgical), brimonidine.

- Effets indésirables : irritations oculaires, somnolence, fatigue, céphalée, sècheresse buccale...

- Contre-indications : antécédents de pathologies cardiovasculaires, port de lentilles souples.

Chirurgie et laser

La trabéculectomie consiste à créer une voie de drainage au niveau de l'angle iridocornéen. Le laser peut être utilisé pour modifier la perméabilité du trabéculum ou pour détruire le corps ciliaire.

Étude

Une pathologie dépistée plus tôt qu'il y a six ans

Réalisée sur 963 personnes prises en charge, le 21 janvier dernier, par 283 ophtalmologistes répartis sur tout le territoire, une étude descriptive* révèle que les patients atteints d'un glaucome sont désormais diagnostiqués plus tôt et plus jeunes. Ces données ont pu être comparées avec celles recueillies lors d'une précédente enquête, déjà menée en 2003.

Ainsi, il y a six ans, le glaucome était diagnostiqué à 61 ans ; aujourd'hui, il l'est à 57,3 ans. En outre, la majorité des patients qui consultent pour un glaucome présentent un stade débutant dans 45,1 % des cas, un stade modéré dans 33,2 % des cas et à un stade avancé dans 21,6 % des cas. 95 % des personnes présentaient au moins un facteur de risque : diabète, hypo- ou hypertension, antécédents familiaux, myopie... L'âge du patient au moment du premier traitement est de 58 ans contre 60 ans dans la première étude.

« Le fait que les patients soient traités plus tôt constitue un réel progrès, qui montre que les médecins généralistes et les ophtalmologistes sont plus impliqués dans le dépistage et la prise en charge de cette pathologie qui évolue à bas bruit. Les efforts réalisés depuis quelques années pour informer le grand public semblent également porter leurs fruits », indique le Pr Jean-Philippe Nordmann, président de la Société Française du glaucome (SFG) et chef de service à l'hôpital des Quinze-Vingts (Paris XIIe).

Françoise VlaemØnck

*Étude "eTUD" réalisée par la Société française du glaucome (SFG) et les laboratoires Pfizer, présentée en conférence de presse le 12 mai à l'occasion du 115e congrès de la Société française d'ophtalmologie.