Les rétinopathies : DMLA et rétinopathie diabétique - L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Cours

LA DÉGÉNÉRESCENCE MACULAIRE LIÉE À L'ÂGE

La dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) est une affection chronique évolutive et invalidante caractérisée par un vieillissement trop rapide de la macula (cf. schéma ci-dessous). Elle est la première cause de baisse de la vision après 50 ans dans les pays développés.

Les signes évocateurs

Discrets, les premiers signes évocateurs de la DMLA mais non spécifiques sont notamment la sensation de voir des lignes droites déformées (métamorphopsies) ou le besoin de davantage de lumière pour bien voir, ainsi que le manque de contraste (une impression moins nette des lettres). À un stade plus avancé, une baisse de la vision, voire la perception de tâche noire ou grise devant l'oeil.

Dès les premiers signes, on recommande de consulter assez rapidement (dans les quinze jours).

Environ deux millions de Français de plus de 65 ans sont concernés, dont près de 400 000 souffrent de la forme exsudative.

Les formes de la DMLA

À son stade précurseur, la DMLA correspond à l'accumulation de débris membranaires des photorécepteurs de la rétine appelés drusen dans la macula. Dans les formes avancées, on distingue deux types de DMLA : la forme sèche et la forme humide.

La forme sèche ou atrophique

Forme la plus fréquente des DMLA (85 %) mais la moins grave, la forme atrophique se manifeste par la disparition des cellules visuelles et des pigments de la rétine et leur remplacement par des zones de cicatrices autour de la macula. Son évolution est très lente, sans gêne visuelle au début, si ce n'est un besoin accru de lumière pour lire et des éblouissements, mais elle entraîne inexorablement une baisse de l'acuité visuelle centrale. Les deux yeux sont généralement concernés, mais de manière asymétrique.

La forme humide ou néovasculaire

Elle est caractérisée par l'apparition de néovaisseaux d'origine choroïdienne qui envahissent l'espace sous-rétinien. Ils entraînent des oedèmes intrarétiniens et des soulèvements et/ou des micro-hémorragies au niveau de la macula. La baisse de l'acuité visuelle est rapide, pouvant se limiter à 1 ou 2/10. La perte de la vision centrale survient au stade le plus avancé avec incapacité à lire et à reconnaître les visages (sans traitement).

Les facteurs de risque

Le plus important est l'âge. Parmi les autres facteurs, on cite l'hérédité et des critères environnementaux, comme des carences alimentaires en vitamines et oligoéléments et le tabac qui aggraverait la formation de néovaisseaux, les maladies cardiovasculaires, etc.

Le diagnostic

Les signes d'appel de la maladie conduisent à faire réaliser quatre examens par un ophtalmologiste :

- mesure de l'acuité visuelle de près et de loin pour évaluer le degré d'atteinte grâce à l'échelle ETDRS (Early Treatment of Diabetic Retinopathy) pour des acuités basses ;

- le fond d'oeil pour déterminer la forme clinique et le degré d'atteinte. Dans près de 50 % des cas, lorsqu'un oeil est atteint, le second risque de l'être dans les cinq ans ;

- l'OCT (Optical coherence Tomography), sorte de « scanner » permettant de visualiser la structure de la rétine et de mesurer l'épaisseur de la région maculaire pour quantifier l'oedème ;

- des angiographies à la fluorescéine et au vert d'infracyanine pour visualiser la circulation.

Ces examens servent également au suivi thérapeutique.

Les traitements

Seule la forme exsudative bénéficie de traitements permettant de ralentir l'évolution et de prévenir l'apparition des néovaisseaux responsables de l'altération de la vision.

Photocoagulation directe au laser

Elle permet d'occlure les néovaisseaux choroïdiens par élévation thermique localisée. Mais cette technique n'est indiquée que pour les néovaisseaux se développant en dehors du centre de la macula. Un renouvellement est possible.

- En pratique : le traitement ambulatoire, peu ou pas douloureux. Nécessite une dilatation de la pupille, d'où la précaution d'éviter la conduite automobile après l'examen.

Photothérapie dynamique

Elle aussi détruit les néovaisseaux. Elle peut s'utiliser sur les lésions au centre de la macula, mais son indication est limitée à la néovascularisation à prédominance visible.

Cette technique consiste à injecter la vertéporfine (Visudyne®), une molécule photosensible cytotoxique qui se fixe sur les néovaisseaux avant d'être activée par un laser et de générer des radicaux libres qui thrombosent les néovaisseaux.

- En pratique : dans les jours qui suivent, des troubles visuels sont possibles, ainsi que des douleurs lombaires liés à la perfusion. Les patients restent photosensibles 48 heures après l'injection : se protéger les yeux et le corps (vêtements) en cas d'exposition solaire ; la lumière ambiante, sans danger, est recommandée pour accélérer l'élimination du produit.

Les antiangiogéniques

- Principe : Le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) ou facteur de croissance de l'endothélium vasculaire étant impliqué naturellement dans la formation des néovaisseaux, des traitements dits anti-VEGF ou antiangiogéniques vont se fixer sur ce VEGF afin d'empêcher la prolifération des néovaisseaux, visibles ou pas.

Deux produits sont disponibles et s'injectent par voie intravitréenne dans des conditions d'asepsie stricte et par des praticiens expérimentés : le ranibizumab (Lucentis®) et le pegaptanib de sodium (Macugen®). Les événements indésirables graves (endophtalmie, déchirure rétinienne, hémorragies...) sont rares.

Une surveillance cardiovasculaire est recommandée chez les patients à risque (risque d'accidents thromboemboliques artériels).

Lucentis® est l'anti-VEGF le plus utilisé car son bénéfice est le plus important : il s'injecte en trois injections mensuelles suivies de réinjection si nécessaire selon le suivi. Il stabilise, voire améliore l'acuité visuelle.

- En pratique : un risque de vision floue après l'injection limite la conduite automobile ; les deux yeux ne sont pas traités le même jour ; un collyre antibiotique en post-injection est parfois prescrit.

LA RÉTINOPATHIE DIABÉTIQUE

La rétinopathie diabétique reste toujours la première cause médicale de cécité avant 50 ans pour trois raisons essentielles : le retard au diagnostic du diabète de type 2 (dans 10 à 20 % des cas, il existe déjà une rétinopathie diabétique) ; l'absence de symptôme (développement à « bas bruit ») ; un nombre non négligeable de diabétiques échappent à une prise en charge régulière (cf. photo ci-contre).

Physiopathologie

L'hyperglycémie chronique est responsable de complications microvasculaires. Avec le rein et le système nerveux, l'oeil est le site de la microangiopathie diabétique.

Schématiquement, on a un phénomène d'occlusion des capillaires (ischémie) et une altération de la barrière hématorétinienne avec hyperperméabilité (oedème).

Les deux grandes complications du diabète sont donc :

- l'oedème maculaire qui entraîne un épaississement de la macula, responsable de malvoyance ;

- le développement de néovaisseaux à la surface de la rétine suite à l'ischémie pouvant générer hémorragie intravitréenne, décollement par traction de la rétine et glaucome néovasculaire, sources de malvoyance.

Classification des rétinopathies

La rétinopathie se développe sur deux modes évolutifs fréquemment associés, secondaires à l'ischémie et à l'oedème.

D'une manière simplifiée, on a : pas de rétinopathie ; rétinopathie diabétique non proliférante ; rétinopathie préproliférante ; rétinopathie proliférante (développement de néovaisseaux) et maculopathie.

Les signes évocateurs

Il n'y a pas de signes cliniques sauf lorsque la rétinopathie est avancée : lors d'hémorragie intravitréenne, le patient peut avoir une vue brouillée ou la sensation d'avoir des mouches devant l'oeil.

Le diagnostic

Il se fait grâce au fond d'oeil et à l'angiographie qui permet de différencier formes ischémiques et oedémateuses. Ces examens sont aussi réalisés pour le suivi en cas de rétinopathie.

Les traitements

Outre l'équilibre du diabète, la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires et un suivi adéquat, les traitements font appel à la photo- coagulation au laser, à la chirurgie, entre autres.

Photocoagulation au laser

Le traitement par laser thermique permet dans la majorité des cas de contenir l'extension de l'affection et stabiliser l'acuité visuelle. Plusieurs séances sont nécessaires, étalées sur plusieurs semaines.

Elle est indiquée dans les rétinopathies proliférantes débutantes et dans la maculopathie oedémateuse.

La chirurgie

Entre autres, la vitrectomie, qui consiste à retirer le vitré, permet de rétablir la transparence des milieux, de peler les proliférations fibrovasculaires et de réaliser une photocoagulation peropératoire par endolaser. Cette technique est utilisée dans la rétinopathie oedémateuse quand le laser n'est pas possible, en cas d'hémorragie intravitréenne persistante et en cas de décollement de la rétine.

Autres

L'injection intravitréenne d'anti-VEGF ou de corticoïdes est également utilisée dans le traitement de l'oedème maculaire.

La prévention

Essentielle, elle consiste à équilibrer le diabète, à traiter les facteurs de risque cardiovasculaires (HTA, dyslipidémies...) et à réaliser un fond d'oeil annuel. Ces mesures restent indispensables en présence d'une rétinopathie évolutive.

Le saviez-vous ?

- On ne devient pas aveugle avec une DMLA (sauf complications rarissimes). Même si un scotome apparaît, la rétine périphérique est conservée et peut être rééduquée pour faciliter sa vie quotidienne.

Questions à Gabriel Quentel, ophtalmologiste à Paris

Faut-il dépister la DMLA ?

On ne sait pas dépister précocement les personnes sans facteurs de risque. Mais on recommande un examen annuel dès 50 ans en cas d'antécédents familiaux de DMLA. De plus, une autosurveillance est fortement conseillée chez ceux ayant déjà un oeil atteint de façon à consulter dans les quinze jours dès l'apparition de symptômes : une fois par semaine cacher l'oeil malade et regarder avec l'autre oeil, une grille quadrillée (grille d'Amsler disponible chez le médecin ou utiliser un papier d'écolier, le carrelage de la salle de bain) à la recherche de déformation, de zone floue. Dépister tôt permet de traiter tôt.

Quelle est la place de la supplémentation orale dans la prévention de la DMLA ?

L'étude Areds* a montré que chez les patients ayant eu un oeil atteint, la supplémentation diminuait le risque d'atteinte de l'autre oeil. Les patients avec de gros drusen rencontraient aussi un bénéfice. En revanche, aucune étude n'a montré qu'elle était efficace chez des patients indemnes ou améliorait le pronostic lorsque les deux yeux étaient atteints.

* L'étude Areds (Age Related Eye Disease Study) effectuée sur 3 600 patients pendant plus de 6 ans a démontré l'effet préventif de doses journalières de vitamine C (500 mg/j) + vitamine E (400 UI/j) + bêtacarotène (15 mg/j) + zinc (80 mg/j). Attention, le bêtacarotène doit être évité chez les fumeurs (risque cancérigène pour le poumon).