Pathologies des paupières et de la conjonctive - L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Cours

LES PARTIES EXTERNES DE L'OEIL

Les paupières

Les paupières sont des lames cutanéo-musculo-membraneuses : une lamelle antérieure composée de la peau et du muscle orbiculaire, et une postérieure, composée du tarse et de la conjonctive (cf. schéma ci-contre). La peau recouvrant les paupières est fine et peu adhérente aux tissus sous-jacents, ce qui signifie qu'une inflammation ou une hémorragie peuvent entraîner un épaississement palpébral important.

Le tarse est compris entre la peau et le muscle orbitaire en avant, et la conjonctive en arrière. Il contient les glandes de Meibomius qui produisent la composante lipidique des larmes.

- Fonctions : protection du globe oculaire ; sécrétion, répartition et drainage des larmes.

La conjonctive

La conjonctive (cf. schéma page suivante) est une muqueuse transparente composée de :

- la conjonctive bulbaire qui recouvre la partie antérieure de l'oeil excepté la cornée ;

- La conjonctive palpébrale ou tarsale qui recouvre la partie postérieure des paupières.

La conjonctive est en continuité au niveau des culs-de-sac conjonctivaux ou fornix. La conjonctive adhère à la paupière, peu au globe oculaire et est libre au niveau du fornix : toute inflammation pourra entraîner un épaississement conjonctival au niveau de ces fornix.

- Fonctions : protection de l'oeil contre les micro-organismes ; production de la composante mucineuse lacrymale par l'épithélium conjonctival.

Le système lacrymal

Un film lacrymal lubrifie constamment la surface oculaire. Il résulte de la production des différentes sécrétions lacrymales à l'origine de ses trois constituants : aqueux (99 % d'eau et protéines antimicrobiennes sécrétées par les glandes lacrymales), lipidique (par les glandes palpébrales de Meibomius) et muqueux (glandes lacrymales et cellules conjonctivales). La fraction non-évaporée de ce film est évacuée vers les fosses nasales par les voies lacrymales (cf. schéma ci-contre). D'où le goût désagréable parfois ressenti après l'instillation de certains collyres !

- Fonctions : protection vis-à-vis de l'extérieur ; facilite le glissement de la paupière supérieure sur la conjonctive et la cornée lors du clignement ; évite la dessiccation (dessèchement) de la surface cornéenne.

LES PATHOLOGIES

Le chalazion

C'est un granulome (nodule) inflammatoire secondaire à l'obstruction des glandes de Meibomius qui se développe dans l'épaisseur du cartilage tarsien palpébral.

- Signes : au stade aigu, douleur modérée, lancinante de la paupière, d'installation rapide, avec parfois un écoulement purulent en cas de chalazion percé ; au stade d'enkystement, aucun signe fonctionnel, simple gêne esthétique.

- Traitement : application d'une pommade locale à base de corticoïdes, associée ou pas à un antibiotique (Sterdex®, Cidermex®) durant au moins deux semaines.

On peut faire précéder l'application de la pommade par une toilette palpébrale pour déboucher la glande.

Toilette palpébrale : appliquer 3 fois par jour et durant 15 minutes une compresse imbibée d'eau bouillie. En cas de non-réponse au traitement ou de gêne importante, un traitement chirurgical est institué, suivi d'une pommade antibiotique + corticoïde en post-opératoire.

L'orgelet

Appelé aussi "compère-loriot", un orgelet est une infection - le plus souvent due à Staphylococcus aureus - des glandes pilosébacées annexées à un cil.

- Signes : tuméfaction douloureuse et rouge - voire un « bouton blanc » - à la base d'un cil.

- Traitement : on peut faire « mûrir » le bouton avec une toilette palpébrale. S'il s'ouvre, nettoyer soigneusement l'oeil, avant d'appliquer une pommade à base d'antibiotique telle l'auréomycine ou la fucidine (Fucithalmic®) et de corticoïdes durant dix jours (cf. schéma).

Les blépharites

Pathologie fréquente des paupières, la blépharite est une inflammation pouvant entraîner irritation tenace, larmoiement et hyperhémie.

- Causes : infection à Staphylococcus ; dermatite atopique. À ces blépharites peuvent s'associer chalazion, orgelet, anomalies du film lacrymal (oeil « sec »), etc.

- Traitement : toilette palpébrale + pommade antibiotique + larmes artificielles.

Sècheresse oculaire

Un bon état cornéen nécessite une lubrification oculaire adéquate. Un déséquilibre entre la production et le drainage perturbe cet état.

Des causes multiples

- Locales : déficience en mucine par fibrose conjonctivale (brûlures chimiques, pathologies conjonctivales, hypovitaminose A...), atteinte de la glande lacrymale, etc.

- Infectieuses ou inflammatoires : blépharites par exemple.

- Auto-immunes : syndrome de Gougerot- Sjögren caractérisé par un dysfonctionnement et une destruction des glandes exocrines (glandes salivaires et lacrymales particulièrement touchées), associés à un infiltrat lymphocytaire et à une hyperactivité immunologique.

- Iatrogènes : isotrétinoïne, antidépresseurs imipraminiques, bêtabloquants, antihistaminiques, diurétiques...

- Environnementales : air climatisé, atmosphère enfumée, soleil, écran, etc.

Les signes : picotements, brûlures, yeux irrités, larmoiement excessif (pour compenser)... Consulter en cas de pathologie associée, d'inefficacité d'un traitement local, de signes associés...

Traitement : on associe conseils de base et traitement locaux type « larmes artificielles ».

- Conduite à tenir : ne pas se frotter les yeux ; humidifier l'environnement ; éviter les courants d'air ; faire des pauses visuelles ; se forcer à cligner fréquemment des paupières. En cas de port de lentilles, consulter son ophtalmologue pour un éventuel changement de lentilles (les « rigides » pompent moins les larmes).

- Les produits : les polymères hydrophiles forment un film transparent, lubrifiant et mouillant à la surface de l'oeil (Gel-Larmes®, Civigel®, Lacrigel®, Liposic®...) ; les dispositifs médicaux à base d'acide hyaluronique aux propriétés viscoélastiques permettent un effet de « rétention d'eau » prolongé (Vismed®, Vismed® Multi...).

Les conjonctivites

Une conjonctivite aiguë est une inflammation de la conjonctive.

- Signes : rougeur et irritation de la conjonctive, à type de démangeaisons, voire de douleurs, et un larmoiement plus ou moins abondant. Le larmoiement peut devenir purulent et gêner l'ouverture des paupières en séchant.

Les causes sont allergiques, infectieuses, mécaniques et chimiques.

De caractère souvent saisonnier, les conjonctivites allergiques s'accompagnent généralement de rhinorrhées et d'éternuement. Les deux yeux sont irrités et démangent. Distinguer conjonctivite bactérienne et virale est difficile : une congestion, un larmoiement purulent et l'absence de prurit font suspecter une origine bactérienne, d'autant plus si un seul oeil est touché au début.

- Traitement :

- lavage fréquent des mains et du visage ;

- ne pas se frotter les yeux pour éviter surinfection et transmission à l'entourage lors de conjonctivite infectieuse ;

- lavages oculaires au sérum physiologique.

En cas de symptômes gênants dans la conjonctivite allergique, on utilise un collyre à base de cromoglycate de sodium (Opticron®, Cromedine®, Multicrom®...) ou de lodoxamide (Almide®, Lodoxal®) ou encore de lévocablastine (Levophta® 0,05 %) jusqu'à soulagement. Dans les conjonctivites banales infectieuses, un collyre antiseptique tel que chlorhydrate de picloxydine (Vitabact®), hexamidine (Désomédine® 0,1 %)...

Le saviez-vous ?

- Les larmes aqueuses des « pleurs » sont une réaction réflexe induite par une irritation oculaire, par une stimulation de la glande lacrymale ou par une émotion.

- Dans cette indication, le chlorure de sodium isotonique a un effet limité car il est immédiatement évacué et il peut contribuer à déstabiliser la composition des larmes.

- Certains médicaments comme l'isotrétinoïne (contre l'acné) modifient la sécrétion lacrymale, majorant ainsi le risque de conjonctivite et de kératite.

Évaluer l'urgence

Douleur intense, lumière mal supportée, vision diminuée et lésions cutanées en périphérie (suspicion de zona) imposent un avis médical en urgence. L'association de ces symptômes évoque un glaucome aigu, une kératite, notamment herpétique (atteinte de la cornée), ou une uvéite (maladie inflammatoire de l'iris et du corps ciliaire). Une rougeur de l'oeil peut aussi être provoquée par un corps étranger. Quatre questions à poser : « Ressentez-vous une vive douleur ? », « La lumière vous gêne-t-elle ? », « Est-ce que votre vue a baissé ? » et « Avez-vous reçu quelque chose dans l'oeil ? ». Un seul « oui » impose la consultation.