Prévenir et panser - L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Suicide

Du côté des associations

En milieu scolaire et auprès des familles, Phare Enfants-Parents informe sur le suicide des adolescents, ce mal encore tabou.

Deuxième cause de mortalité chez les jeunes demoins de 24 ans, le suicide représente, dans cette catégorie d'âge, 552 décès et 50 000 tentatives par an (chiffres Inserm 2006). Il y a 18 ans, à la suite du suicide de son fils, Thérèse Hannier crée l'association Phare Enfants-Parents avec un double objectif : celui d'oeuvrer pour la prévention du suicide des jeunes afin d'éviter au maximum des passages à l'acte pouvant être fatals, et accompagner des parents endeuillés par le suicide d'un enfant. « Il y a 15 ou 20 ans, rien n'existait, commente Joanna de Lagarde, responsable du service d'accueil et d'écoute. C'était le grand désert et le sujet était encore extrêmement tabou. Il l'est encore aujourd'hui : on rencontre de fortes résistances, tant le suicide reste difficile à aborder. Il fait très peur dans une société où la mort naturelle est devenue un événement aseptisé. Certaines idées ont la peau dure comme celles consistant à penser que "si on en parle, cela va provoquer des passages à l'acte", que "celui qui en parle ne le fera pas", ou encore cette pseudo-philosophie qui réduit le suicide à un choix. »

résistance

Premier lieu de résistance, les établissements scolaires ou l'association multiplie ses interventions, mais essuie encore fréquemment le refus d'un principal ou d'un proviseur, même dans les collèges et lycées traumatisés par la mort ou la tentative de suicide d'un élève. C'est généralement l'infirmière scolaire qui invite Phare Enfants-Parents à mener une intervention, soit parce qu'elle juge le sujet important, soit qu'il s'est produit peu de temps avant des tentatives de suicide ou un passage à l'acte abouti : « Parfois cela peut être à la demande des élèves eux-mêmes, ils nous renvoient souvent le fait que c'est un thème qu'on n'aborde jamais. »

parents perdus

À partir d'un court-métrage tourné par des lycéens, l'intervenant initie le débat - jamais frontalement - en abordant l'adolescence et les difficultés liées à cet âge : « Nous distinguons ce qui peut relever des questionnements classiques d'une souffrance plus importante et anormale. Ceci pour les inciter à ne pas se refermer sur eux-mêmes, mais à demander de l'aide à un adulte de leur entourage. » Et le message passe... Phare apprend souvent que le cabinet de l'infirmière scolaire n'a pas désempli pendant les jours qui suivent leur intervention.

L'animateur rappelle les numéros azurs, très souvent connus par les jeunes, comme le Fil santé jeunes (I). À noter, le service d'accueil et d'écoute ouvert par Phare depuis mai 2005 est lui-même peu appelé par les 14-18 ans, un peu plus par les 18-25 ans et majoritairement par les parents : « Cela correspond vraiment à un besoin, affirme Joanna de Lagarde. On reçoit des appels de parents perdus, inquiets, culpabilisés, honteux parfois, qui n'osent pas parler, ou ont peur d'être maladroits. Ils encaissent et essaient de tenir jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus. Parfois, ils tardent trop. C'est important de ne pas hésiter et ne pas attendre. » Des parents dans le désarroi, dans l'incompréhension, qui ne supportent plus les comportements ingérables et déviants, agressifs ou en retrait de leur adolescent, et qui abordent des problématiques bien plus larges que le suicide mais qui peuvent déboucher sur des passages à l'acte suicidaires : « Les symptômes ne s'expriment pas par des mots, mais par des comportements ou des portes de sorties : fugues, scarifications, consommation de cannabis, cyberaddiction... Les manifestations sont multiples mais lancent autant de signaux d'alerte. Les parents ont parfois du mal à repérer la souffrance... »

le soupçon pèse

Autre activité pratiquée depuis 1993 par l'association, les groupes de parents endeuillés par le suicide d'un enfant. Ce groupe a lieu une fois par mois à Paris et fonctionne très bien, puisqu'il rassemble toujours entre 10 et 20 personnes. Animé par une psychologue, il est ouvert et libre : les gens viennent quand ils veulent, certains s'y rendent plusieurs mois ou plusieurs années, quittent le groupe et parfois reviennent plus tard à cause d'une nouvelle souffrance. « Les personnes se soutiennent beaucoup, des liens d'amitié se créent. Les gens nous disent que c'est le premier endroit où ils se sentent vraiment compris, sans aucun jugement. » Car si les dimensions environnementale et familiale sont étroitement liées au suicide, il faut aussi considérer une grande part inhérente au jeune lui-même et à sa propre vulnérabilité. « Même dans des familles unies, un soupçon pèse, et l'extérieur leur renvoie l'image que ce n'était peut-être pas une famille si bien que ça. » Au poids de la culpabilité, s'ajoute celui d'un regard stigmatisant de l'extérieur. Une idée reçue de plus.

1- Numéro vert : 32 24

Contact

Phare Enfants-Parents

5, rue Guillaumot,

75012 Paris

N° azur : 0810 810 987

vivre@phare.org

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