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L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Maltraitance

Actualités

Santé

Beaucoup reste à faire pour améliorer l'écoute et le suivi des enfants victimes de maltraitance, souvent ballottés entre divers intervenants.

Depuis 1889, les lois françaises protégeant l'enfant victime de maltraitance se sont multipliées (1). Mais en pratique, le partage des informations et le bon enchaînement des procédures entre les diverses instances (protection judiciaire, protection sociale, Éducation nationale, soignants) sont loin d'être systématiques. Un récent colloque (2) de l'association Enfance et partage a été l'occasion de faire le point.

Face à la maltraitance, « la pratique est encore hésitante, observe l'avocate Delphine Allain- Thonnier. Les délais sont beaucoup trop longs pour ces enfants. Ils sont ballottés entre les institutions, ce qui peut induire une maltraitance institutionnelle. En fait, la passerelle entre le tribunal correctionnel et le juge pour enfants n'est pas assez forte, et c'est souvent l'enfant qui en pâtit. »

Parole ambiguë

Du côté de la police, même son de cloche. « Lorsqu'un enfant vient porter plainte au commissariat, c'est le début d'un long processus, note Ariane Reichert, psychologue à la brigade de protection des mineurs de Paris. Il y a des moments de grande urgence dans le suivi de l'affaire, et des moments d'attente. Longtemps après survient le procès. Pour l'enfant, ce temps écoulé tend à tout ramener à la surface et entraîne une réminiscence des symptômes post-traumatiques. Le rôle du psychologue est d'aider l'enfant à faire le pont entre son vécu intérieur et ce qui se passe dans la réalité. Je m'intéresse plus au vécu de l'enfant qu'à ce qu'il a réellement vécu en tant que victime. »

Car comment comprendre la parole de l'enfant ? « Elle n'est ni vraie, ni fausse. L'enfant dit ce qu'il pense qu'on attend qu'il dise. Il est aussi grave de ne pas croire un enfant que de le croire aveuglément, avertit Ghislaine Speker-Benat, psychologue clinicienne au centre médico-psychologique d'Issy-les-Moulineaux. La question est de savoir si l'enfant est "instrumentalisé" par sa famille. Il est souvent porteur d'un conflit conjugal ou familial qui n'est pas le sien. à force, il va en être victime. Séparer un enfant de sa mère est parfois nécessaire, mais ce genre de décision est très complexe car la séparation peut engendrer un traumatisme de plus. »

Rôle des infirmières

Depuis 1989 (3), le système de protection s'oriente vers la prévention des mauvais traitements, via le signalement, entre autres. Le rôle de l'école et des infirmières scolaires dans cette détection est renforcé. Il faut néanmoins mettre en regard la mission de ces soignantes et leur nombre... seulement 7 000 infirmières de l'Éducation nationale pour 8 200 établissements scolaires.

Téléphonie sociale

Parmi les outils de prévention, la téléphonie sociale. Françoise Rosenblatt, responsable du numéro vert Allo Parents Bébé (4), lancé en février 2008, explique : « Si on intervient très en amont, on peut éviter des actes de maltraitance. Notre objectif est d'empêcher grâce à la prévention que des parents épuisés deviennent agressifs. » Pour ce faire, psychologues, puéricultrices et assistantes sociales ont suivi une formation spécifique, et ont déjà répondu à quelque 9 000 appels de parents en détresse.

1- Loi sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés du 24 juillet 1889.

2- « La société du XXIe siècle protège- t-elle ses enfants ? », 13 octobre, Paris.

3- Loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance.

4- Numéro vert : 0800 00 34 56.