Une ouverture dans l'isolement

Un quartier populaire à l'écart de la petite ville de Roissy-en-Brie. Au pied des immeubles, un vaste local aux baies vitrées, Trapèzes, la maison des parents, ouvre grand ses portes aux familles du coin. Une maman entre, salue , s'attable et prend un café. Elle s'apprête à retrouver ses enfants, placés en famille d'accueil, mais avec lesquels elle va bientôt s'installer dans son nouveau logement. En attendant, elle les retrouve régulièrement dans les locaux de Trapèzes, lors de « visites médiatisées ». Ces visites ont lieu en présence d'un tiers, Ferdinand Ngoulou, intervenant familial, et constituent l'une des multiples activités de la maison des parents.

militants engagés

Trapèzes fait partie de La Brèche, association de prévention spécialisée, créée en 1980, qui regroupe 17 salariés et gère deux structures. La première est le Fil, une équipe d'éducateurs de rue intervenant à Pontault-Combault, Ozoir-la-Ferrière, Armainvilliers, Roissy-en-Brie et Tournan-en-Brie. Ils sont missionnés par le Conseil Général au titre de la protection de l'enfance et agissent auprès des 16-25 ans en risque ou en voie de marginalisation, et des 10-15 ans, sous forme d'actions collectives, en partenariat avec l'Éducation nationale. « Comme son nom ne l'indique pas, commente Michèle Baron, directrice de La Brèche, nous ne sommes "spécialisés en rien" : nous faisons de l'accueil tout public. Notre approche est celle du développement social local, c'est à dire de mener des actions, sur un territoire, qui permettent à des habitants (jeunes ou non) de pouvoir mieux vivre. » Le vrai terrain d'action des éducateurs est la rue et les pieds d'immeubles, où ils partent à la rencontre des jeunes. Militants et engagés, ils mènent des actions collectives avec des partenaires et nouent sans cesse des contacts avec les jeunes souvent désoeuvrés, parfois en errance, qu'ils croisent dans les rues de villes : « drogue, alcoolisation, chômage, errance... Les difficultés sont multiples. »

élasticité du lien

La seconde structure créée par La Brèche est Trapèzes, la maison des parents. Elle organise visites médiatisées, entretiens familiaux, animations, interventions dans les écoles, sous forme de cafés des parents... toujours en lien avec la prévention spécialisée, fil rouge de l'association. « Lorsqu'un éducateur de rue rencontre un jeune en conflit avec ses parents qui menacent de le mettre à la porte, son réflexe n'est pas forcément d'appeler les parents mais de trouver une solution d'hébergement pour le jeune, observe Michèle Baron. Mais comme nos deux structures coexistent, un intervenant de Trapèzes peut appeler les parents, et un entretien familial s'organise. »

Cela permet de régler des situations qui pourraient s'enkyster. L'hébergement trouvé est certes une réponse, mais c'est une économie de courte durée et qui fait l'impasse sur le conflit familial : « Faut-il chercher un logement ou travailler la problématique adolescente et l'élasticité du lien ? Peut-être que les parents ont besoin de comprendre les choses différemment dans le comportement de l'enfant et que l'enfant a besoin d'entendre aussi le point de vue de ces parents... »

« c'est pour ma soeur »

Fête des voisins, Noël et récemment les jours portes ouvertes qui ont connu un grand succès, Trapèzes essaie au maximum de s'ouvrir sur l'extérieur. Le but est de rompre l'isolement dans ce quartier de travailleurs pauvres qui croulent sous les charges, où les pères quittent leur logement à l'aube et dont les enfants ne souhaitent pas forcément reproduire le modèle.

« Il s'agit d'être toujours en action, de monter des projets, de ne pas vivoter sur les actions déjà en place, argumente Chantal Cambrezy, chef de service à Trapèzes. Sinon, on manque de dynamisme pour se faire connaître et renouveler notre public. Notre souhait est d'aller vers les personnes les plus en difficulté, qui ne viennent pas spontanément se faire aider. Samedi, aux "portes ouvertes", trois femmes m'ont dit qu'elles habitaient le quartier depuis deux ans et n'osaient pas venir. L'une d'elles s'est avancée : "c'est pour ma soeur qui a des problèmes". On a parlé et, bien sûr, il s'agissait bien plus d'elle... »

Un rendez-vous a été pris, et la maman viendra bientôt se poser tranquillement, dans ce lieu chaleureux.