« Vers une vie autonome » - L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 254 du 01/11/2009

 

Trisomie 21

Questions à

Pour le Pr Didier Lacombe, la prise en charge globale et l'intégration sociale des enfants porteurs de la trisomie 21 leur permet de vivre avec les autres et d'avoir une vie citoyenne.

La prise en charge de la trisomie 21 a-t-elle évolué au cours des dernières années ?

Elle a été complètement bouleversée ! Tout d'abord, avec la mise en place d'une politique de dépistage néonatal, la trisomie 21 est devenue une maladie rare. On estime qu'aujourd'hui un bébé sur 2 000 naît chaque année en France avec cette anomalie congénitale d'origine chromosomique.

Beaucoup de choses sont faites actuellement pour favoriser leur intégration en milieu ordinaire de vie grâce aux aides, à l'implication des associations, à la création de lieux d'apprentissage social. Il y a dix ans, il fallait se battre pour trouver des places dans des structures adaptées. Aujourd'hui, l'intégration scolaire se fait le plus souvent dans le cadre de Clis (classe d'intégration scolaire) à l'école élémentaire et d'UPI (unités pédagogiques d'intégration) au collège et au lycée. Stimulés, ces enfants-là peuvent s'intégrer car ils ont d'assez bonnes capacités d'acquisition. Et même s'ils ne font pas d'études supérieures, ils pourront gérer les choses quotidiennes et travailler en milieu protégé. L'autonomisation des jeunes adultes leur permet, le plus souvent, d'avoir une vie sociale et un métier.

Quelles sont les limites d'une telle avancée ?

Notre objectif est à moitié atteint avec l'intégration sociale et professionnelle de la plupart des personnes porteuses de la trisomie 21. Si on pouvait généraliser cela, un grand cap serait franchi. Néanmoins, pour beaucoup de jeunes qui vivent en couple, la question de la sexualité et du désir d'enfant se pose, surtout chez les jeunes filles qui sont très maternelles. Il y a vingt ans, elles étaient stérilisées d'office ce qui n'est pas acceptable ; aujourd'hui, elles ont recours à des moyens de contraception, notamment les implants sous-cutanés. Nous avons, à l'hôpital, une gynécologue référente à qui on peut adresser nos patientes.

Quelle est la spécificité de votre consultation trisomie 21 ?

Avec mon équipe, j'ai créé, il y a trois ans, la consultation trisomie 21, affiliée au service de génétique que je dirige. Nous sommes les seconds à avoir pris cette initiative, en France, après la consultation du CHU de Saint-Etienne. C'est un lieu de santé multidisciplinaire où l'on offre une palette d'approches et de soins. Plus qu'un suivi, notre consultation propose une surveillance médicale et un guidage pour les questions d'ordre social et professionnel.

Nous collaborons avec des associations, comme la fédération Trisomie 21-France, très impliquée dans la région, ou la Fondation Jérôme-Lejeune. L'équipe compte six personnes et nous recevons une quarantaine de patients par an : des enfants surtout, mais aussi des jeunes adultes car ils posent des problèmes spécifiques. La plupart des personnes plus âgées atteintes de trisomie 21 sont dans des centres, parfois abandonnées par leur famille, et ont des troubles du comportement : il y a là une grande misère.

Comment s'organise la consultation ?

L'équipe est composée d'un médecin spécialisé, d'un chirurgien-dentiste (car ces patients ont des problèmes dentaires particuliers), de deux psychologues (l'une axée sur les évaluations dans le but d'orienter vers les apprentissages, l'autre sur l'aspect clinique et le soutien aux familles) et d'une orthophoniste pour la rééducation verbale. Cette palette d'intervenants spécialisés nous permet de voir les patients, jeunes ou adultes, une ou deux fois par an, et de leur proposer une prise en charge globale.

Enfin, une infirmière référente organise les rendez-vous, les consultations, s'occupe de l'accueil des familles... Certains cas nécessitent l'avis d'un cardiologue ou d'un autre spécialiste. Le rôle de l'infirmière est très important pour créer le lien dans notre activité médicale : avec les intervenants, à l'intérieur et à l'extérieur de l'hôpital, et avec les familles.

Quelles sont vos priorités dans votre approche de la trisomie 21 ?

Essentiellement, de palier un manque et un besoin de prise en charge spécifique de ces enfants dans la région. Il y a une dizaine d'années, le suivi était dispersé, sans logique, malgré une forte demande.

Ma priorité est de pouvoir répondre aux questionnements, d'organiser leur prise en charge afin qu'ils puissent aller vers une vie plus autonome, avec l'implication des associations à nos côtés. Nous savons ce qu'il faut faire pour qu'ils soient mieux dans leur vie et il s'agit d'un très bon modèle d'intégration des enfants porteurs d'une anomalie génétique visible

Didier Lacombe Chef de service de génétique médicale au CHU de Bordeaux

Coordonnateur du centre de référence « Anomalies du développement et syndromes malformatifs » de la région Sud-Ouest, pédiatre et généticien, Didier Lacombe enseigne à l'Université Victor Segalen Bordeaux-II et dirige la consultation trisomie 21 qu'il a créée en janvier 2006. Il est l'auteur de Prise en charge des maladies génétiques en pédiatrie (Doin, 2006) et prépare un livre sur Les Jumeaux et leur pédiatre, à paraître fin 2009 chez le même éditeur.